Conférences

EUMETSAT : observer (depuis l’espace) pour prévoir

Alain Ratier
Directeur général d’EUMETSAT

Le 14-02-2018

Bruno Voituriez, président de la section Navigation et océanologie, introduit notre confrère Alain Ratier, directeur général d’EUMETSAT, fédération de trente Etats propriétaires et utilisateurs de satellites météorologiques.

Pour bien comprendre les missions et les programmes de satellites opérationnels d’EUMETSAT, commence M. Ratier, il est nécessaire de rappeler combien l’observation réalisée depuis l’espace est devenue une composante indispensable des chaînes de prévision du temps, de l’océan et du système couplé océan-atmosphère, en évoquant quelques-uns des jalons historiques qui ont produit cette situation.


L’orbite géostationnaire pour la prévision immédiate, l’orbite polaire pour la prévision numérique globale. –L’apport des satellites météorologiques à la prévision provient de l’exploitation optimale de deux orbites principales et complémentaires : l’orbite géostationnaire et l’orbite basse héliosynchrone à haute inclinaison, dite polaire.

Au-dessus de l’équateur, depuis 36 000 km d’altitude, l’orbite géostationnaire ne permet d’observer qu’une partie de la Terre – le « disque terrestre » – mais avec une fréquence de prise de vue très élevée sans limites autres que celles imposées par la technologie. Aujourd’hui, la fréquence des observations réalisées par les satellites Meteosat est de 5 à 15 minutes, et la fréquence des observations des futurs satellites qui sont Meteosat de Troisième Génération (MTG) atteindra 2,5 minutes. L’orbite géostationnaire est le lieu de l’observation « en direct » de l’atmosphère aux latitudes inférieures à 60°, et c’est pourquoi elle est vitale pour la prévision aux plus courtes échéances – la prévision « immédiate » – des phénomènes météorologiques à développement rapide, comme les systèmes convectifs, ou à déplacement plus ou moins rapide, comme les cyclones ou le transport des cendres volcaniques. En revanche, son altitude élevée impose des défis technologiques pour atteindre les résolutions spatiales élevées et ne permet pas d’exploiter les radars embarqués.

A l’inverse, l’orbite basse des satellites dits « défilants », généralement héliosynchrones avec une altitude de l’ordre de 800 km, permet d’exploiter sans limite toutes les techniques instrumentales actives (radars et lidars) et passives (de l’ultraviolet aux hyperfréquences submillimétriques) et d’obtenir, à l’échelle globale, les observations d’un ensemble beaucoup plus vaste de paramètres atmosphériques, océaniques et des surfaces continentales qui sont nécessaires pour alimenter les modèles de prévision numérique. En contrepartie, la fréquence d’observation est beaucoup plus modeste, de l’ordre de 12 heures pour les instruments à large fauchée, sauf aux très hautes latitudes où elle atteint quelques heures, et ne peut être augmentée que par le recours à des constellations de plusieurs satellites.

La prévision météorologique aux échéances supérieures à 6 heures repose essentiellement sur l’exploitation des produits des modèles de prévision numérique et leur confrontation aux observations reçues en temps réel. Même en prévision immédiate, l’utilisation directe de l’observation reçue en temps réel fait progressivement place à une utilisation combinée avec les produits de la prévision numérique probabiliste à très haute résolution - de l’ordre du km, désormais capable de simuler les systèmes convectifs.

Les satellites en orbite basse, notamment les satellites Metop du système polaire d’EUMETSAT (EPS), constituent la principale source des observations « assimilées » par les modèles globaux de prévision numérique du temps, non seulement en nombre d’observations, mais surtout en termes d’impact sur la réduction de l’erreur de prévision. Ainsi, les études les plus récentes indiquent que les observations satellitaires contribuent en moyenne à hauteur de 70 % à la réduction de l’erreur de prévision à 24 heures d’échéance réalisée par l’ensemble des observations disponibles en temps réel. À elles seules, les observations des satellites Metop d’EUMETSAT contribuent à hauteur de 31 %, et représentent 45 % de l’impact de l’ensemble des données de satellites.

Au-delà de cet impact statistique sur la qualité des prévisions numériques, des simulations récentes ont montré que s’il n’avait plus été alimenté en observations de satellites, le modèle du Centre Européen de Prévisions Météorologiques à Moyen Terme, faute de disposer de conditions initiales suffisamment précises, aurait été incapable de prévoir la naissance du cyclone Irma au large des îles du Cap-Vert.

Enfin, il faut rappeler l’apport de la couverture spatio-temporelle unique des observations spatiales à la vérification a posteriori de la qualité des prévisions et, au plan plus opérationnel, l’importance de l’imagerie géostationnaire pour confirmer le scénario de prévision retenu par les prévisionnistes, notamment pour les tempêtes nées sur l’océan.


L’Europe en tête de la prévision numérique du temps et des satellites météorologiques.

L’intégration de l’observation spatiale à la prévision météorologique, et leurs destins désormais irréversiblement liés, sont le résultat d’un certain nombre de jalons historiques.

Après le lancement du premier satellite météorologique géostationnaire GOES-1 américain en 1975, le programme Global AtmosphereResearch Program, démontrait pendant la période 1978-1979 tout le potentiel des satellites de ce type, déployés par les Etats-Unis, le Japon et l’Europe, avec le satellite Meteosat-1 lancé en 1977.

Pour accélérer le développement de la prévision numérique du temps à l’échelle globale en s’appuyant sur une recherche structurée, l’Europe créait en 1975 le Centre Européen de Prévisions Météorologiques à Moyen Terme, et commençait dès 1976 à assimiler les données des satellites météorologiques en orbite polaire de la NOAA américaine. En 1979, alors que le CEPMMT réalisait sa première prévision numérique globale, une condition essentielle des progrès des techniques d’assimilation des observations satellitaires était franchie avec le début de la continuité opérationnelle des sondages verticaux de température et d’humidité obtenus dans l’infrarouge et les hyperfréquences, réalisés par les instruments de la NOAA à partir de deux orbites polaires, dites du milieu de matinée et de l’après-midi.

C’est en 1986 que l’Europe, sous l’impulsion des services météorologiques, franchissait une nouvelle étape institutionnelle, en créant EUMETSAT pour élaborer un programme Meteosat véritablement opérationnel, puis prendre sa part du système d’observation en orbite polaire, pour faire suite à la demande formulée par les Etats-Unis en 1983, en marge du G7.

L’Europe devait ensuite prendre le leadership de la prévision numérique globale et des satellites météorologiques, avec le début opérationnel de l’assimilation au CEPMMT en 1997, la reprise en charge technique de l’exploitation des satellites Meteosat par EUMETSAT en 1995, puis le lancement du premier satellite Meteosat de seconde génération d’EUMETSAT (aujourd’hui Meteosat-8) en 2002. Suivait, en 2006, le lancement du premier satellite Metop équipé d’une nouvelle génération d’instruments, dont IASI, premier sondeur hyperspectral infrarouge de température et d’humidité opérationnel développé par le CNES, le sondeur GRAS utilisant la technique de radio-occultation des signaux GPS par l’atmosphère, le radar diffusiomètre ASCAT d’observation du champ de vent à la surface des océans, et le spectromètre UV GOME-2 pour l’observation de l’ozone et du dioxyde d’azote.

Avec ces nouveaux satellites d’EUMETSAT et les modèles du CEPMMT, l’Europe devenait leader mondial dans deux domaines jusqu’ici dominés par les pionniers américains, au prix d’investissements bien moindres que ceux consacrés aux mêmes objectifs par les Etats-Unis, encore aujourd’hui.

Au-delà de l’excellence scientifique et technique, l’enjeu de ce leadership est avant tout la sécurité des biens et des personnes et le soutien à l’économie de l’Europe. Ainsi, des études réalisées en 2011 ont montré que la valeur socio-économique de la prévision météorologique dans l’UE à 27 (à l’époque, sans la Croatie) pouvait être quantifiée dans plusieurs domaines, notamment la protection des biens et des infrastructures (coûts évités, évalués à 5,4 G€ par an), l’apport direct à l’économie, évalué à 41 G€/an, et la valeur de l’usage privé par les ménages, estimée à 15 G€, soit un bénéfice socio-économique total de 61,5 G€ par an, dont au moins 4,9 G€ par an peuvent être attribués aux seules observations des satellites Metop, compte tenu de leur impact remarquable sur la réduction de erreurs de prévision.


Les satellites océaniques : des pionniers américains au leadership opérationnel européen.

Bien que plus stable et en général d’évolution plus lente que l’atmosphère, l’océan global est plus difficile à observer parce qu’il est opaque au rayonnement et qu’il pose des problèmes d’échantillonnage, si l’on se souvient que les tourbillons des latitudes moyennes ont des tailles caractéristiques d’une dizaine de kilomètres, à comparer au millier de kilomètres de leurs analogues atmosphériques, les dépressions. C’est pourquoi la continuité de l’observation de l’océan depuis l’espace par des satellites de démonstration, puis son récent développement opérationnel, ont été une condition nécessaire de l’émergence de la prévision opérationnelle de l’océan tridimensionnel, dont Pierre Bahurel a eu l’occasion de vous présenter les résultats remarquables en Europe, lors d’une conférence récente. En particulier, les mesures altimétriques de la topographie de surface de l’océan, aussi essentielles que celles de la pression de surface en météorologie, ont fourni la contrainte essentielle qu’attendaient les modèles de circulation océanique.

L’histoire du mariage de l’observation depuis l’espace et de la prévision opérationnelle de l’océan est semblable à celle de l’intégration en météorologie.

Les Etats-Unis ont là aussi été les pionniers de l’observation depuis l’espace, avec le satellite SEASAT, lancé en 1978, qui, malgré une durée de vie de seulement trois mois, avait démontré tout le potentiel des radars embarqués pour l’observation de l’océan dans le cadre de la campagne Joint Air-Sea Interaction menée dans l’Atlantique Nord en coopération avec l’Europe. Malheureusement, ces promesses sont restées sans lendemain jusqu’au lancement du satellite altimétrique Geosat de l’U.S. Navy qui, en 1985, ouvrait une période de continuité ininterrompue d’observations altimétriques réalisées d’abord par une succession de missions scientifiques et pré-opérationnelles. Comme dans le cas de la prévision météorologique, c’est cette continuité qui a permis le développement des techniques d’assimilation de ce type de données par les modèles numériques d’océan.

C’est aussi un programme international de recherche, le programme World Ocean Circulation Experiment, qui, de 1990 à 1998, a permis d’évaluer l’apport d’un système d’observation plus complet, incluant le satellite ERS-1 de l’ESA lancé en 1991 et conçu comme un successeur pré-opérationnel de SEASAT, et le satellite franco-américain Topex-Poseidon du CNES et de la NASA, qui devait amener la précision des mesures altimétriques au niveau du centimètre et ouvrir de nouvelles perspectives pour la surveillance du niveau moyen des mers. Le succès de ces missions a permis de leur financer des successeurs, et d’assurer la continuité du système d’observation avec le lancement de Jason (2001), successeur pré-opérationnel de Topex-Poseidon, et d’Envisat (2002) qui intégrait l’observation de la couleur de l’océan avec l’imageur Meris.

Mais, comme pour la météorologie, l’ambition opérationnelle n’a pu être réalisée en Europe que par deux décisions institutionnelles. D’abord, l’extension du mandat d’EUMETSAT à la surveillance du climat, en 2000, permettait à EUMETSAT de s’engager dès 2001 aux côtés de la NOAA américaine, du CNES et de la NASA à assurer la continuité opérationnelle des mesures altimétriques de haute précision avec les missions Jason-2 et Jason-3.

Ensuite, en 2009, le traité de Lisbonne donnait à l’Union Européenne une compétence spatiale partagée avec ses Etats membres et la possibilité d’établir un programme spatial. Celui-ci devait se concrétiser par le programme de navigation Galileo, puis par le programme Copernicus, esquissé dès 1998, et décidé en 2014 à l’issue de premiers développements engagés quelques années auparavant par l’ESA, avec le soutien d’EUMETSAT.

Le programme Copernicus permettait à l’Union Européenne de devenir le cinquième partenaire du programme Jason-3, avec la NASA, le CNES, la NOAA et EUMETSAT, et de s’engager, au côté des mêmes partenaires, dans un programme Jason-Continuité-de Service/Sentinelle-6 comportant pour la première fois deux satellites successifs identiques, capables d’assurer la continuité des mesures altimétriques de haute précision pour une décennie, jusqu’en 2030. Ce même programme Copernicus engageait le déploiement de deux paires successives de satellites Sentinelle-3, dont l’UE confiait l’exploitation à EUMETSAT. Dès 2016, cette mission océanique Sentinelle-3 redonnait vie aux séries d’observations altimétriques, de la température de surface de la mer et de la couleur des océans interrompues en 2010 par la perte d’ENVISAT. Elle en assurera la continuité opérationnelle au-delà de 2030.

Avec Jason/Sentinelle-6 et Sentinelle-3 s’est construite, sous conduiteeuropéen, l’ossature du système opérationnel d’observation spatiale de l’océan produisant des observations de grande qualité de la topographie de surface des océans, de l’état de la mer, de la couleur de l’eau et de la température de surface, en synergie par les missions EPS et Meteosat d’EUMETSAT qui délivrent des observations supplémentaires de la température de surface de la mer, et des observations d’autres paramètres, comme le champ de vent à la surface de l’océan et les flux radiatifs à l’interface océan-atmosphère.


Une retombée logique : la prévision probabiliste du système couplé océan atmosphère.

La maîtrise croissante de l’analyse et de la prévision numérique de l’état de l’atmosphère et de l’océan et les acquis scientifiques du programme de recherche international Tropical Ocean Global Atmosphere (1985-1994) ont logiquement ouvert la voie à des prévisions probabilistes couplant les deux milieux.

L’objectif opérationnel est de prévoir autant que possible l’existence ou non d’un scénario le plus probable d’évolution de la température et des précipitations résultant de l’influence durable de l’océan sur l’atmosphère, notamment lors d’épisodes El Nino - La Nina. La prévision « saisonnière », devenue opérationnelle en 1997 au CEPMMT, produit des informations sur les conditions moyennes de température et de précipitations à grande échelle les plus probables pour les mois à venir, par référence à la climatologie du modèle. Il s’agit par exemple de prévoir si l'hiver sera en moyenne plus chaud ou plus froid, plus sec ou plus humide que les normales en Europe de l'Ouest, ou si l’activité cyclonique sera plus ou moins marquée dans l’Atlantique tropical. La fiabilité de ces prévisions est bien meilleure dans les zones tropicales et sur le continent américain qu’en Europe.

En 2004, d’autres prévisions couplées probabilistes dites « mensuelles » sont apparues, qui permettent de prévoir jusqu’à trois semaines à l’avance la probabilité de vagues de chaleur ou de froid, frappant une partie de l’Europe de l’Ouest.

La prévision couplée devrait s’étendre à d’autres applications dans les prochaines années, lorsqu’auront débouché des travaux de recherche en cours visant à mieux prévoir des phénomènes à fort enjeu influencés par les échanges entre l’océan et l’atmosphère, notamment l’évolution de l’intensité des cyclones le long de leur trajectoire océanique, ou les épisodes de précipitations cévenols en Méditerranée.


EUMETSAT, agence spatiale opérationnelle pour l’atmosphère, l’océan et le climat.

EUMETSAT, dont le siège est à Darmstadt en Allemagne, a été créée en 1986 par une Convention intergouvernementale, pour « établir, maintenir et exploiter des systèmes européens de satellites météorologiques opérationnels » et fournir ainsi des observations satellitaires à ses Etats membres et aux utilisateurs du monde entier.

Aujourd’hui, l’organisation compte 30 Etats membres, dont tous les Etats membres de l’Union Européenne à l’exception de Malte et de Chypre, ainsi que l’Islande, la Norvège, la Suisse et la Turquie. La Bulgarie, l’Estonie, la Lituanie et la Lettonie ont choisi de devenir membres dans les quatre dernières années, malgré la crise économique.

La raison d’être d’EUMETSAT est la réalisation de programmes obligatoires nécessaires pour pérenniser et faire évoluer le système de satellites géostationnaires Meteosat et le Système Polaire d’EUMETSAT (EPS), contribution de l’Europe à un système d’observation en orbite polaire partagé avec la NOAA. Naturellement, le système EPS était la motivation principale des Etats membres du Nord de l’Europe, les plus mal observés depuis l’orbite géostationnaire par Meteosat et les plus fréquemment observés depuis l’orbite polaire.

L’engagement opérationnel de continuité de service s’est traduit par des programmes construits autour de séries de 3 à 6 satellites identiques et fabriqués en série, pour assurer au meilleur coût la continuité des observations pendant une à deux décennies. Typiquement, tous les 15 ans, le profil des contributions financières des Etats membres est marqué par un cycle d’investissement majeur imposé par les besoins de financement du développement d’une nouvelle génération de satellites.

Les contributions financières des Etats membres aux programmes obligatoires sont proportionnelles à leur produit intérieur brut (PIB), ce qui fait de l’Allemagne le premier contributeur actuel avec 19 %, suivi du Royaume-Uni (14,41 %), de la France (13,86 %) et de l’Italie (10,28 %).

En 2000, une révision substantielle de la Convention confiait à EUMETSAT une seconde mission, la surveillance opérationnelle du climat et du changement climatique, et ouvrait la possibilité de deux types de programmes supplémentaires, à caractère optionnel et pour le compte de tiers.

Cette évolution était fondée sur plusieurs constats. D’abord, la surveillance du climat avait autant besoin d’observations de l’ensemble du système Terre que la météorologie moderne, et l’engagement de programmes d’observation à long terme garantissant la continuité de service était aussi un atout majeur pour la surveillance du climat. Ensuite, au plan institutionnel, ces synergies ne pouvaient que bénéficier de l’organisation, de l’infrastructure, et du savoir-faire déjà en place au sein d’EUMETSAT.


Aujourd’hui, EUMETSAT exploite quatre systèmes de satellites opérationnels (Meteosat, EPS, Jason et Sentinelle-3) et neuf satellites en orbite, dont deux pour le compte de Copernicus.

En orbite géostationnaire, trois satellites Meteosat de seconde génération (Meteosat-9, -10 et -11) observent l’Europe, l’Afrique et l’Atlantique tandis que le quatrième, Meteosat-8, observe l’océan Indien à 41,5° Est.

Deux satellites Metop sont exploités sur l’orbite polaire du milieu de matinée au sein du système EPS, en coopération étroite avec la NOAA, dont les satellites occupent l’orbite polaire de l’après-midi.

Partenaire des missions Jason d’altimétrie océanique de haute précision, aux côtés du CNES, de la NASA, de la NOAA et plus récemment de l’Union Européenne, EUMETSAT exploite également les satellites Jason-2 et Jason-3.

Enfin, pour le compte de l’Union Européenne, EUMETSAT est l’opérateur de la mission océanique Sentinelle-3 du programme Copernicus. Cette mission est la première des quatre missions Sentinelle de Copernicus consacrées à la surveillance des océans (Sentinelle-3 et Sentinelle-6) et de la composition atmosphérique (Sentinelle-4, Sentinelle-5) dont l’Union Européenne a confié l’exploitation à EUMETSAT.


Une infrastructure au sol complète, distribuée à travers l’Europe.

Pour exploiter ces quatre systèmes de satellites, EUMETSAT dispose d’un centre de contrôle multi-missions installé au siège de Darmstadt, d’un ensemble de stations sol déployés à travers l’Europe, d’un réseau de huit Centres d’Applications Satellitaires (« SAF » en anglais) de production thématique (prévision immédiate, océan et glaces de mer, prévision numérique, composition atmosphérique, radio-occultation GNSS, surfaces continentales, hydrologie et surveillance du climat) distribué au sein de ses Etats membres, de systèmes de diffusion de données en temps réel par satellite et via internet, et d’un centre d’archivage.

L’ensemble permet d’assurer le contrôle des satellites, l’acquisition et le traitement en temps réel de leurs données, l’extraction de produits d’observation et la fourniture de logiciels destinés à leur utilisation en prévision immédiate et en prévision numérique, ainsi que la distribution en temps réel et en temps différé de l’ensemble des informations produites à une communauté d’utilisateurs du monde entier.

EUMETSAT est le seul opérateur de satellites d’observation de la Terre à utiliser les technologies et standards de diffusion vidéo numérique par satellite (standard DVB-S2) pour la distribution en temps réel de gros volumes de données à une large communauté d’utilisateurs dispersée sur les continents européen et africain. Plus de 3 000 stations VSAT à très bas coût reçoivent les flux de données d’EUMETSAT en Europe et plus de 550 ont été déployées en Afrique, au profit d’initiatives de renforcement de capacités financées notamment par le Fonds Européen de Développement.

EUMETSAT distribue également ses données à d’autres opérateurs de satellites d’observation de la Terre, aux États-Unis (NASA, NOAA), en Inde (ISRO, IMD), au Japon (JAXA, JMA) en Russie (Roshydromet et Roscosmos), avec des coopérations scientifiques et d’échange de données qui ont été établies. En contrepartie, EUMETSAT distribue à ses utilisateurs en Europe et en Afrique les produits d’observation obtenus de ses partenaires.

Des objectifs de performance opérationnelle ambitieux, portant notamment sur la disponibilité en temps réel des produits, sont mesurés par des indicateurs publiés sur le site web d’EUMETSAT.

La qualité et la gamme de produits d’observation évoluent sans cesse grâce aux travaux scientifiques et algorithmiques réalisés au sein du siège d’EUMETSAT et du réseau de SAFs, souvent en coopération avec des organismes de recherche.


De nouvelles générations de satellites en cours de développement.

Pour faire suite aux satellites de la génération actuelle (Meteosat de seconde génération, Metop, Jason) dont le déploiement s’achèvera en septembre 2018 avec le lancement de Metop-C, troisième et dernier satellite Metop, des systèmes de nouvelle génération, Meteosat de troisième génération (MTG) et Système polaire de seconde génération (EPS-SG), sont en plein développement en vue de déploiements planifiés dans les années 2021-2023, pour une période d’exploitation de 20 ans.

Pour réaliser ces programmes de développement, EUMETSAT s'appuie sur un modèle de coopération établi avec l'Agence spatiale européenne (ESA) à la fin des années 90, qui a fait de l'Europe le leader mondial des satellites météorologiques, en tirant le meilleur parti des compétences des deux entités et de l’industrie européenne.

L'ESA est responsable du développement de nouveaux satellites répondant aux besoins spécifiés par EUMETSAT et de l'approvisionnement des satellites récurrents pour le compte d’EUMETSAT qui est le maître d’ouvrage de l’ensemble du système, dont il définit les exigences de haut niveau, et développe tous les systèmes sol nécessaires au contrôle des satellites, à l’acquisition et au traitement des données, ainsi qu’à la fourniture des services aux utilisateurs. Cette responsabilité lui permet de maintenir et de faire évoluer rapidement tous ces systèmes tout au long de la phase d’exploitation de chaque système, pour répondre à l'évolution des besoins des utilisateurs et extraire de nouveaux produits d’observation, en tirant parti de l’évolution rapide des technologies de l’information. EUMETSAT est également responsable des services de lancement, et assure le rôle d’intégrateur du système constitué des satellites et du segment sol. A ce titre il réalise les programmes de test et de validation de l’ensemble du système avant le lancement de chaque satellite. Ce processus s’appuie largement sur l'industrie européenne, par le biais des contrats conclus par l'ESA et EUMETSAT. EUMETSAT consacre actuellement 80 % de ses budgets à des contrats industriels.

Constitué de deux séries distinctes de satellites (MTG-I et MTG-S) exploités simultanément, MTG sera le système de satellites météorologiques géostationnaires le plus complexe et le plus innovant jamais réalisé. La série MTG-I améliorera la mission d’imagerie Meteosat actuelle, en accroissant le nombre de bandes spectrales de 12 à 16, la fréquence de prise de vue de 15 à 10 minutes sur l’ensemble du disque terrestre et de 5 à 2,5 minutes sur l’Europe, avec une résolution de 500 à 1 000 m au point sous-satellite, en y ajoutant une capacité nouvelle d’imagerie des éclairs. La série MTG-S exploitera un sondeur hyperspectral infrarouge (IRS) pour fournir en première mondiale des profils verticaux de température et d’humidité toutes les 30 min sur l’Europe, avec une résolution de 4 km au point sous-satellite et une précision proche de celle des observations globales mais beaucoup moins fréquentes réalisées depuis l’orbite polaire par l’instrument IASI des satellites Metop actuels. À bord de MTG-S, le sondeur infrarouge IRS sera exploité en synergie avec le sondeur ultraviolet/visible/proche infrarouge de la mission Sentinelle-4 de Copernicus, pour offrir une capacité intégrée d’observation de l’ozone, du dioxyde d’azote, du monoxyde de carbone, du dioxyde de soufre et d’autres gaz, au service de la surveillance et de la prévision de la qualité de l’air en Europe.

A l’horizon 2025, la configuration opérationnelle complète du système MTG comportera trois satellites en orbite, soit deux satellites MTG-I d’imagerie et un satellite MTG-S de sondage. Comme dans le cas de la génération actuelle, deux satellites d’imagerie MTG-I seront utilisés simultanément, l’un pour observer le disque terrestre complet toutes les 10 min, et l’autre l’Europe et les mers adjacentes toutes les 2,5 min.

L’ensemble des observations de MTG devraient révolutionner la prévision immédiate et à très courte échéance des phénomènes météorologiques à fort enjeu, en donnant accès à un véritable « cube météo » en 4 dimensions permettant de suivre la formation et l’évolution des nuages, les éclairs et l’évolution par pas de 30 min du champ tridimensionnel de température et d’humidité dans la basse troposphère, à des résolutions horizontales comparables à celles des nouveaux modèles de prévision à très haute résolution utilisés pour ce type de prévision.

Le système polaire d’EUMETSAT de seconde génération (EPS-SG) est également composé de deux séries de satellites, Metop-SG A et Metop-SG B, équipés d’instruments complémentaires et exploités simultanément sur la même orbite de milieu de matinée que les satellites Metop actuels.

Metop-SG A est un satellite d’imagerie et de sondage atmosphérique dont la charge utile est composée d’un ensemble d’instruments infrarouges et à hyperfréquences (IASI-NG, MWS) pour le sondage vertical de la température, de l’humidité et de la composition chimique dans la troposphère, complété par deux imageurs de nouvelle génération, METimage et le polarimètre 3MI qui reprend l’héritage du programme POLDER du CNES. La charge utile inclut également le sondeur Sentinelle-5 de Copernicus qui exploite le spectre de l’ultraviolet au moyen infrarouge pour offrir avec l’instrument IASI-NG une capacité intégrée d’observation globale de la composition atmosphérique, pour la surveillance de la qualité de l’air et du climat.

Metop-SG B est une mission d’imagerie, à hyperfréquences passive et active, consacrée à l’observation des vents à la surface des océans et de l’humidité du sol grâce à un radar diffusiomètre en bande C de nouvelle génération, et à celle des précipitations (MWI) et des nuages de glace (ICI) au moyen de deux radiomètres imageurs à hyperfréquences.

Les deux satellites sont équipés d’un instrument de sondage au limbe de la température et de l’humidité par technique de radio-occultation des signaux GPS et Galileo par l’atmosphère.

Le système EPS-SG améliora sensiblement les performances de toutes les observations déjà réalisées par le système EPS actuel, tout en introduisant trois instruments nouveaux d’imagerie des précipitations, des nuages et des aérosols, dont deux (3MI et ICI) seront des premières pour des satellites opérationnels.

Les données globales enregistrées à bord des satellites Metop-SG seront collectées deux fois par orbite (toutes les 50 min) par des stations européennes et américaines, en Arctique et en Antarctique. En outre, grâce au système de diffusion directe dont disposent les satellites, un sous-ensemble régional des produits sera disponible 15 à 30 min après l’observation pour répondre aux exigences de la prévision à très courte échéance en Europe et sur l’Atlantique Nord.

Le programme EPS-SG comporte trois paires successives de satellites pour couvrir 21 ans d’opérations, à partir de 2021/2022. Dans la période 2021-2042, le système constituera la contribution de l’Europe à un nouveau système polaire partagé (Joint Polar System) avec l’Administration américaine pour les océans et l’atmosphère (NOAA).

Le système Sentinelle-6/Jason-Continuité de Service (CS), constitué de deux satellites successifs, est également en cours de développement pour poursuivre la mission d’altimétrie océanique de haute précision après Jason-3, au moins jusqu’en 2030, dans le cadre d’un programme coopératif associant l’Europe, via EUMETSAT, l’ESA, le CNES et le programme Copernicus de l’UE, et les États-Unis, via la NASA et la NOAA.

Dans le cadre de son programme facultatif Jason-CS, EUMETSAT développe le segment sol, coordonne les activités de niveau système, contribue forfaitairement au financement du développement du premier satellite par l’ESA et cofinance le second avec l’UE. EUMETSAT exploitera ensuite la mission Sentinelle-6 pour le compte de Copernicus.


De nouvelles pistes : services de méga-données et surveillance des émissions de CO2

EUMETSAT a engagé en 2016 des projets pionniers pour déployer et évaluer des services de méga-données (« Big Data ») utilisant les technologies cloud, qu’il devrait ouvrir à ses utilisateurs et à ceux du programme dès 2018-2019. Ces services comprendront des capacités offertes comme des services (traitement, stockage, etc.) dans des conditions à définir.

EUMETSAT est déjà engagé dans le domaine de l’observation de la composition atmosphérique en appui à la surveillance et la prévision de la qualité de l’air, à travers ses propres programmes (instruments GOME-2 et IASI de Metop, IASI-NG de Metop-SG et IRS der MTG-S) et les missions Copernicus Sentinelle-4 et -5 qu’il exploitera pour le compte de l’UE à partir de 2021, au sein de ses systèmes MTG et EPS-SG.

Dans ce domaine, le nouveau défi est l’observation depuis l’espace de la concentration du CO2 et d’autres gaz à effet de serre dans la basse troposphère, pour alimenter en observations régulières des systèmes d’information combinant modélisation numérique (inverse) et observations spatiales et in situ pour restituer et suivre les émissions anthropogéniques, en appui à la mise en œuvre de l’Accord de Paris.

Une mission Sentinelle de Copernicus est envisagée par l’Union Européenne pour répondre à ce besoin et pourrait être exploitée par EUMETSAT à partir de 2026. Elle fait l’objet d’études de définition menées par l’ESA avec la participation d’EUMETSAT.

Comme la prévision numérique du temps et de l’océan naguère, la restitution des émissions anthropogéniques à partir des concentrations observées dans l’atmosphère constitue un formidable défi scientifique, technique et opérationnel que l’Europe est capable de relever en s’appuyant sur ses acquis et ses partenariats internationaux. EUMETSAT est prête à y prendre sa part.

C&M 2 2017-2018

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