Voyages d'étude et visites

Salon Euronaval 2018

C&M 1 2018-2019

Du 26-10-2018 au 26-10-2018

Compte rendu par le Contre-amiral Jacques Petit, membre de la section Sciences et techniques


Seize membres et invités permanents de l’Académie de marine ont visité le salon Euronaval au Parc des Expositions de Paris-Le Bourget le 26 octobre 2018. Le groupe a été accueilli par M. Philippe Babillot et par M. Jean-Pierre Lopez qui l’a guidé avec attention et compétence toute la matinée.

La première visite a concerné le stand des Constructions mécaniques de Normandie (CMM) dont le capital est détenu par Privinvest Homding qui détient également ceux de sociétés navales allemandes de la région de Kiel.

M. Thierry Regnault a successivement présenté les maquettes de toutes les réalisations notables de CMM, allant d’intercepteurs de 15 à 32 m, DV 15, WP 18 et HSI 32 ; ce dernier, équipé modèle de pompes-hélices (Waterjet), a été livré à des pays du Sud-africain. Viennent ensuite les Ocean Eagle, patrouilleurs trimaran à faible trainée et économiques, atteignant la vitesse de 30 nd grâce à quatre moteurs de 400 kW qui peuvent mettre en œuvre un drone hélicoptère léger du type « jumelles de passerelles ». Voici les Combattante, au nom bien connu ; de 65 à 71 m de long, à quatre lignes d’arbre qui leur permettent d’atteindre 38 nœuds, à mature intégrée ; la BR 71, corvette équipée d’un canon de 76 mm Oto Melara et de missiles MM 40, qui a été conçue avec le concours des Emirats Arabes Unis et dont les cinq exemplaires commandés seront réalisés sur place. Une version Mk II à pompes-hélices est actuellement proposée à l’exportation. Après une présentation des OPV classiques de type Vigilante de 65 à 80 m aux multiples usages, voici une maquette du yacht à voile A de 143 m de long à trois mâts de 100 m de haut, réalisé par Nobiskrug du groupe Privinvest avant un dernier coup d’œil au patrouilleur Themis de 52 m en service aux Affaires maritimes depuis 2003.

Au stand de Thales, le groupe est reçu par le général de corps aérien (2s) Bernard Libat qui rappelle l’activité de cette société (2 milliards d’euros), la volonté de celle-ci de privilégier une approche opérationnelle et qu’elle repose sur quatre piliers techniques : connectivité, intelligence artificielle, mégadonnées et la cybersécurité. Mme Sandrine Heinis présente les systèmes de chasse aux mines proposés par ce groupe, faisant un large usage de systèmes automatisés ; une projection montre les capacités de Thales dans l’équipement des frégates de taille intermédiaire (FTI 2023), des sous-marins de type Baracuda ou des SNLE futurs auxquels Thales réfléchit déjà. M. Felippe Bousquet détaille ensuite le concept de Thales concernant la chasse aux mines pour des propositions d’équipement tant à la France qu’au Royaume-Uni: une embarcation autonome de surface, aérotransportable et conduite de terre, ou d’un bâtiment-mère situé en dehors du lieu de l’action, est reliée à des véhicules téléguidés sous-marins pouvant soit tracter un sonar de fond de grande définition et à large fauchée, soit porter des charges de neutralisation sur les mines détectées. Cela permet de dégager un détroit à plus de dix nœuds, quatre fois plus vite qu’un chasseur de mines actuel.

Le capitaine de frégate (r) Guy de Beaucorps a accueilli le groupe sur le stand de la société MBDA, rappelant que cette société est le missilier européen employant 10 500 collaborateurs dont 5 000 Français et 3 000 Britanniques et en cours d’implantation en Espagne. Faisant le tour des productions actuelles de MBDA, il a présenté la dernière version du missile Exocet MM 40Blok 3C avec un nouveau propulseur et un autodirecteur très amélioré qui reste un produit phare à l’export ; voici aussi le Mica, originellement air-air, dans une version VL-Mica surface-air, en version terrestre et maritime, bien adapté aux corvettes ; voici encore le missile de croisière naval (MdCM) ex Scalp naval dont le premier lancement opérationnel eut lieu le 14 avril 2018 à partir de la frégate Languedoc ; voici enfin la série des Aster, Aster 15 et Aster 30, antiaérien et antibalistique, la longueur du missile dépendant du nombre de ponts du navire qui les emporte dans des lanceurs verticaux. L’agilité du missile repose sur un pilotage en force permettant des accélérations transversales de 30 g.

Le groupe est accueilli chez Naval Group par Mme Sophie de La Faye qui le confie à M. Armel de Roeck qui présente le sous-marin du futur : dans trente ans, les sous-marins n’auront plus de massif, leurs signatures acoustiques, magnétiques, hydrodynamiques seront insignifiantes, ils seront revêtus de tuiles hexagonales adaptatives minimisant le frottement et recueillant la moindre manifestation acoustique ; la propulsion sera assurée par des propulseurs immergés hors de la coque épaisse dans des conduits latéraux très élaborés ; ce sous-marin d’une absolue discrétion pourra lancer et recueillir par des sas de coque des sous-marins autonomes guidés par fils ou non et exploiter leurs détections ; ils pourront même lancer en surface une bouée permettant l’envol et le recueil d’un drone. À l’horizon d’une trentaine d’année, il n’est pas envisagé de modifier le métal dont est constituée la coque épaisse. M. Philippe Dache présente ensuite les enjeux du moment de Naval Group : le principal est la concurrence sauvage qui s’est emparée du marché des navires militaires par l’entrée en lice de la Chine, de la Corée et de la Russie. Naval Group est condamné à accélérer le processus de l’innovation, avoir un temps d’avance, ainsi qu’à s’engager sur la totalité du visage d’un produit, bien au-delà de la seule acquisition. Un exemple de produit innovant est la frégate Belharra de 4 000 tonnes, 120 m de long, dotée d’un mât unique, apte à tous les types de lutte, dite « frégate digitale » avec équipage réduit, une architecture complétement repensée autour de centres de données permettant en continu une mise à jour des logiciels, des capteurs et des équipements de traitement de l’information jusqu’au retrait du service.

M. Pierre-Yves Roudaut, analyste d’affaires chez Ixblue, accueille le groupe sur le stand de sa société à l’effectif de 600 personnes, à 120 millions d’euros de chiffres d’affaire et au capital exclusivement français. Il retrace l’origine d’Ixblue dans les années 1980 à partir de la technologie des gyroscopes à fibre optique mise en œuvre dans les centrales à inertie qui équipent la quasi-totalité de la flotte sous-marine britannique. M. Jean-Michel Hubert présente ensuite les modules de fusion de données de navigation qui, grâce à l’intelligence artificielle et des traitements de vue augmenté de capteurs optroniques, réduisent l’incertitude de position, identifient amers et bâtiments rencontrés et présentent à l’officier de quart ces résultats en bandeau frontal en passerelle. Le DriX, flotteur fuselé à quille et nid de pie, motorisé et conduit de terre ou d’un autre bâtiment, présenté ici pour la première fois, effectue des relevés hydrographiques avec une autonomie d’une dizaine de jours.

La société ECA est bien connue dans la marine par ses poissons autopropulsés (PAP). Elle est depuis toujours orientée vers les services en mer en milieu dangereux en épargnant les risques humains. M. Loïc Pinson présente tout d’abord les petits véhicules sous-marins téléguidés qui permettent l’inspection des coques de navires, puis les PAP récents dont certains élaborent des cartes sous-marines, ainsi que des véhicules sous-marins autonomes de lutte anti-mines : A9-M (reconnaissance) ; K-Ster c (charge de neutralisation) ; Seascan Mk 2 et A18-M (sonar latéral à synthèse d’ouverture) ; T18-M (Sonar remorqué) ; A27-M (contre-mesure et reconnaissance générale) ; voici aussi une embarcation de surface sans personne à bord pouvant mettre en œuvre les véhicules sous-marins précédents et même un hélidrone à rotors contrarotatifs.
M. Fabrice Gozlan explique comment la société Mauric est très présente en conception de navires élaborés de tous types pour des missions spécifiques et prend comme exemple la guerre des mines (Octopada 300 et 500, bâtiments-mères de systèmes automatiques autonomes) et les patrouilleurs légers livrés à la Belgique, à la douane française ou à la Marine pour la Guyane. Cette société est aussi impliquée dans les équipements et systèmes hybrides de propulsion de sous-marins, dans la prévention des indiscrétions magnétiques des navires et dans les bases implantées sur les fonds marins qui démagnétisent en un temps record navires de surface et sous-marins.

Au stand de la société CNIM, M. Christian Huc présente le navire de projection autonome L-CAT, catamaran de 36 m de long, à plancher réglable en hauteur : abaissé, il permet de débarquer le matériel roulant sur une plage – le tirant d’eau n’est que d’un mètre – alors qu’élevé au-dessus du niveau de la mer lors des transits, il porte une charge utile jusqu’à 100 tonnes, la vitesse du L-CAT atteignant 30 nœuds. Cette société propose d’autres bâtiments amphibies comme le LCA à porte frontale, mis en œuvre à partir des radiers des bâtiments de projection et de commandement (BPC) ou le LCX à porte arrière pouvant convenir à des actions amphibies mais aussi anti-mines ou anti-sous-marines.

M. Patrick de Leffe, président de la société Kership, société commune de Piriou et DCNS, a tenu à présenter lui-même les produits de sa société à l’Académie : les bâtiments de l’action de l’Etat en mer : OPV 75 et OPV 50 issu de l’OPV 90 du type Adroit, les OPV 52 et OPV 58S qui équipent respectivement Chypre et le Sénégal ; les bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers (BSAH) ont été commandés en quatre exemplaires dont deux sont livrés. Le Rhône achève sa traversée de longue durée an Arctique qui lui fait prendre le passage du Nord-Est sans assistance, entrée en Norvège, sortie au détroit de Béring en septembre, première pour un navire de la marine nationale ; le bâtiment hydro-océanographique multi-missions de 72 mètres (BHO2M) est en cours d’achèvement pour la marine marocaine, son personnel hydrographe ayant été formé par le SHOM à Brest ; les LCT 50 (landing craft tank) de 50 m restent des valeurs sûres pour les pays africains ainsi que les patrouilleurs côtiers CPV 32 ; plusieurs marines demandent la mise en œuvre d’hélidrones de 200 kg sur leurs bâtiments.

Le stand du chantier Sillinger, société française, spécialiste du bateau pneumatique rigide, semi-rigide, équipe de ses embarcations la marine, la gendarmerie, les douanes, la SNSM, et de nombreux autres organismes étatiques ou privés. L’attention du groupe est appelée sur le canot de 7,65 m Silverline équipé de compensateurs asservis qui lui permet de naviguer à assiette constante jusqu’à plus de 40 nœuds ; est aussi présenté, pour l’usage d’un commando, un canot dégonflable que l’on peut cacher, puis regonfler en fin de coup de main ; des boucliers de protection balistique contre les petits calibres amovibles peuvent être ajoutées pour les missions à risque ; la société propose encore des appontements sur canots pneumatiques, véritables petits ports artificiels pour les pays où aucune infrastructure n’existe.
La dernière visite du groupe concerne le stand de la DGA.

Une première présentation bien documentée concerne le chantier de rénovation du porte-avions Charles de Gaulle ayant pour but de lui redonner du potentiel opérationnel pour une vingtaine d’années. Les opérations, qui ont demandé plusieurs années de préparation, ont été dirigées d’une part le Service de soutien de la Flotte (SSF) pour mettre à niveau les systèmes existants et le changement de cœur du réacteur et d’autre part par la DGA pour l’équipement en nouveaux systèmes et les grosses améliorations des équipements informatiques de bord. Cela a été l’occasion de passer au « tout Rafale » et de débarquer les bancs de maintenance du Super-Etendard, de moderniser les optiques d’appontage et le système d’aide à l’appontage DALAS, de remplacer le DRBJ-11B de veille aérienne par le radar SMART-S de Thales (on regrettera au passage l’abandon des appellations interarmées…) et le remplacement de tous les réseaux de transmission et de communication internes ; après les essais à la mer, la mise en condition opérationnelle sera achevée en fin d’année pour un premier déploiement opérationnel dans l’océan Indien l’année prochaine. Le coût direct de cette opération de rénovation à mi-vie est de 70 millions d’euros.

Une seconde présentation a concerné l’hélidrone VSR 700, drone de 700 kg dérivé de l’hélicoptère léger Cabri G2 d’Hélicopères Guimbal, présent par une maquette en grandeur réelle et pour lequel une étude de lever de risque a été lancée en 2017, impliquant Airbus hélicoptères, Naval group, Thales systèmes aéroportés, visant une mise en service dans le milieu de la prochaine décennie. Rappelons que les études d’avant-projet de cet hélidrone, alors segment aérien du système de drone Orka d’EADS, dans lequel s’était alors beaucoup impliqué le rédacteur du présent compte rendu, datent de 2003 ! Le but de l’étude actuelle est de fixer le produit définitif qui doit équiper les frégates de taille intermédiaire (FTI) et qui serait commandé à 15 exemplaires pour la Marine ; l’autonomie prévue est de 10 heures pour une mission entre 80 et 100 milles du navire contrôleur ; il pourra apponter et décoller avec des mouvements de plate-forme correspondant à une mer 5 ; les études en cours portent en particulier sur les commandes de vol et la motorisation de type automobile utilisant le carburéacteur à haut point d’éclair d’usage général pour les aéronefs embarqués ; le nom et le fabricant du moteur n’ont pas été précisés ici mais un moteur Diesel Thielert de la marque pressentie dès l’étude d’avant-projet, semble bien retenu ; cette même étude initiale avait retenu que les pales seraient repliables ce qu’impose la mise en œuvre par fort vent sur une plate-forme hélicoptère de navire ; il est actuellement retenu qu’elles seront démontées entre les vols afin de ne pas remettre en cause la certification de type du Cabri G2 ; aucun éclaircissement sur le système d’appontage automatique n’a été donné.

La troisième présentation, complémentaire de celle de M. de Leffe de Kership, a concerné la mise en service du bâtiment de soutien et d’assistance hauturier (BSAH) qui sera armé par deux équipages de 17 marins se remplaçant tous les quatre mois.

L’impression générale est que toute l’industrie navale française, principal sujet d’intérêt de cette visite de l’Académie à Euronaval 2018, est entièrement tournée vers l’exportation, les programmes français servant de faire-valoir. Les systèmes informatisés, automatiques, autonomes les mégadonnées et l’intelligence artificielle sont souvent mis en avant mais, grâce au ciel, pour beaucoup encore « la mer fait le navire ». Malgré les difficultés, tous se supassent avec beaucoup d’enthousiasme, de passion, d’intelligence et de savoir-faire pour donner des réponses aux défis des instabilités pressenties du monde maritime des prochaines décennies. C’est à chaque fois ce qui rend chaleureuse et passionnante la visite d’Euronaval.

Retour

Copyright © 2011 Académie de marine. Tous droits réservés.