Voyages d'étude et visites

Sud de la péninsule ibérique

C&M 1 2013-2014

Du 23-10-2013 au 30-10-2013

Compte rendu rédigé par Jean-Paul Nerrière, secrétaire de la section Droit et économie.

Ce voyage s’est déroulé à bord de l’Austral, paquebot de croisière de la Compagnie du Ponant, dernier armateur sous pavillon français opérant dans ce secteur, avec une immatriculation dans l’île de Wallis (dans la collectivité de Wallis et Futuna). Spécialement conçue pour des croisières, avec un traitement hôtelier soigné, cette unité de 142 m a une capacité d’accueil de 264 passagers, avec un équipage de 169 personnes, appartenant bien sûr à différentes nationalités.

L’annonce du croisiériste avait mentionné la présence de nos confrères à bord et les nombreux contacts pris au hasard des rencontres avec d’autres passagers ont montré que cette annonce a entraîné l’adhésion de nombreux voyageurs désireux d’avoir des conversations de nature à satisfaire leurs curiosités et de suivre en nombre quatre conférences. Tous y ont trouvé une satisfaction et la notoriété de la compagnie en a été renforcée.

Après appareillage et retour par Lisbonne, le périple offrait un cabotage alternant les visites et excursions à terre durant la journée et des transits principalement pendant la nuit, généralement par très beau temps, occasionnellement par une mer agitant les estomacs mal préparés, mais sans généralisation des symptômes, et sans grand inconvénient.

Le navire nous a fait défiler dans l’estuaire du Tage, la « Mer de Paille », devant le monument célébrant les découvertes, avec l’infant Henri le « Navigateur », suivi de tous les explorateurs et participants à l’immense épopée qui les a conduits, en près de 130 ans d’une persévérance inouïe, depuis cette grève d’embarquement jusqu’à Kagoshima au Japon ; après la célèbre tour de Belem, saluée avant nous par d’innombrables marins embarqués pour des horizons mystérieux, nous sommes sorti de l’estuaire.

Le point le plus marquant du périple fut certainement la remontée, puis la descente du Guadalquivir, le grand fleuve, parcouru jadis par bien des « gerfauts » abandonnant leur « charnier natal » pour un « rêve héroïque et brutal ». Le petit musée maritime aménagé dans la « Tour de l’or » leur est en grande partie dédié, et Séville offre par ailleurs une très intéressante escale. Le port fluvial, au centre de la ville, n’est accessible qu’aux unités de dimensions modestes, avec retournement bien en aval et fin de parcours en marche arrière jusqu’à un poste où la largeur du fleuve interdirait cette manœuvre. Les navires ont bien changé de taille depuis le jour d’août 1519 où Magellan a commandé l’appareillage de ses cinq bateaux, dont un seul a finalement achevé le tour du monde, bien éloigné de l’application des instructions remises au départ par Charles Quint.

Le bâtiment des Archives des Indes présentait à ce propos une fabuleuse exposition de ses documents les plus précieux relatifs à l’exploration du Pacifique. S’y côtoyaient les registres de comptabilité de l’expédition de Magellan, des autographes du « capitaine général » ainsi que de l’officier Juan Sebastian El Cano, qui a ramené la Victoria en Europe. Egalement l’original espagnol du traité de Tordesillas, et d’innombrables cartes et souvenirs de toutes les tentatives de traversée de ce qui était alors la « Mer du Sud ».

Emotion aussi en parcourant les salles de l’Alcazar où Colomb obtint enfin l’approbation des Rois Catholiques pour le projet qui l’avait occupé depuis si longtemps, devenu accessible au terme d’une multiséculaire Reconquista ayant mobilisé jusqu’alors toutes les ressources du pays. Un passage par la cathédrale permet de saluer la dépouille du navigateur, abritée dans un immense tombeau au décor chargé de symboles plutôt ostentatoires.

L’escale de Cadix fait découvrir le port qui supplanta progressivement Séville, et accueillit les métaux précieux que le Nouveau Monde mettait à la disposition de l’Espagne. Les Colonnes d’Hercule sont franchies de nuit, permettant d’observer le spectacle fascinant de l’intense navigation parcourant le détroit avec la concentration effarante des échos sur les écrans de l’ECDIS en passerelle, où le commandant Lemaire nous accueille pour des explications sur le déroulement de sa navigation et sur les informations accessibles avec les moyens d’informatique dont il dispose. Ici aussi, l’évolution aura été plus brutale durant les vingt dernières années qu’au cours des cinq siècles ayant suivi le départ du Génois qui devait découvrir l’Amérique en se croyant en Asie. Ne se guidait-il pas en relevant (imparfaitement certes) des hauteurs d’astres au-dessus de l’horizon, comme nous le faisions encore avec des sextants jusqu’à l’arrivée du GPS en 1995 ?

Passé peu après, et de nuit, sans commentaires ni évocations rétrospectives, le cap Trafalgar nous place sur la route de Lagos, port historique ayant accueilli les nefs et caraques portugaises de retour de Guinée puis de l’Inde, avec la maison qui hébergea, en vue de vente, les premiers esclaves africains ramenés en Europe par les Lusitaniens, en 1444. Non loin a été érigée la statue du plus célèbre enfant de la localité, Gil Eanes, premier capitaine ayant osé doubler sur la côte de l’Afrique en 1434 le terrifiant cap Bojador, au-delà duquel le soleil devait cuire les épidermes et faire bouillir la mer.

La visite s’est poursuivie par un passage au cap Sagrès, à l’emplacement de la forteresse qui abrita l’infant Henri, ses hydrographes, son service d’archives et de cartes, son école de navigation et toute la science maritime hautement confidentielle qui permit aux Portugais, sous son inspiration, d’ouvrir les routes du monde aux Européens. D’ici sont parties les initiatives ayant façonné le monde, en confiant aux Portugais, puis à leurs voisins, ce qui est devenu bien plus tard ce que nous nommons « globalisation ». Notre chapitre occidental de l’histoire du monde a commencé ici.

Lisbonne, au retour, permet un dernier pèlerinage dans ce passé, avec le merveilleux Musée maritime évoquant cette entreprise stupéfiante et sublime pour un pays ayant moins d’un million d’habitants quand il s’est lancé dans une aventure dont l’ampleur frappe l’imagination. La visite s’est poursuivie par un passage au monastère des Géronimos afin de pouvoir y saluer le tombeau de Camoens, chantre de cette épopée et de ce destin, et celui de Vasco de Gama, inventeur de la nouvelle route des Indes, un circuit entièrement maritime capable de rivaliser avec les anciennes routes parcourues depuis l’Antiquité.

Au total, pour nos participants, membres, invités et épouses, un joli voyage dans les pittoresques provinces d’Algarve et d’Andalousie. Et surtout une très plaisante et très intéressante immersion dans la gigantesque histoire maritime ibérique et les techniques de navigation, à la faveur d’une atmosphère de chaleureuse camaraderie, cultivée lors des nombreuses rencontres et agapes faciles au cours d’une navigation particulièrement conviviale.

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