Éloge

Séance du 3 mars 2021

Eloge de Charles OFFREY

Cet éloge est prononcé par monsieur Michel Quimbert

Mesdames, Monsieur le Président, Chères Consœurs, Chers Confrères,

J’ai l’honneur d’avoir à prononcer devant vous l’éloge de M. Charles OFFREY.

M. Charles OFFREY a été élu membre de l’Académie en 1985, puis il est resté membre honoraire de l’année 2000 jusqu’à son décès le 10 août 2015 dans sa 105ème année.

Ses obsèques avaient été célébrées religieusement à RAMATUELLE et une messe du souvenir avait réuni ses amis en septembre 2015 en l’église Notre-Dame de la Compassion à PARIS.

Il avait quatre enfants, un fils et trois filles, qui ont été informés de cet éloge. Ils m’ont dit être fiers que l’Académie garde le souvenir de leur père.

Il est délicat de prononcer l’hommage d’un homme que l’on n’a jamais rencontré mais appris à connaître par le témoignage de ceux qui en gardent la mémoire, et je pense en particulier à notre secrétaire perpétuel Michel ROUSSEL, mais aussi par la lecture de ses ouvrages qui constituent des références pour l’histoire maritime des paquebots.

M. Charles OFFREY est né le 27 septembre 1910 à SAINT ÉTIENNE, mais malgré cette origine terrienne, il a consacré sa longue vie professionnelle au développement et à l’étude des activités de notre flotte de commerce, en particulier les lignes maritimes régulières.

Après de brillantes études, il est diplômé de l’École des Hautes Études Commerciales en 1933.

Aussitôt, il se passionne pour le monde maritime et effectue un stage d’élève commissaire à bord d’un paquebot des lignes d’Amérique du Sud, le MENDOZA, qui effectuait une navigation LE HAVRE – LA PLATA.

Ce stage va déterminer sa vocation maritime et l’attacher définitivement à l’armement maritime.

Sa vie professionnelle commence le 1er novembre 1933 à l’agence du HAVRE de la Compagnie Générale Transatlantique, son agence de loin la plus importante.


C’est une époque charnière dans la vie de ce grand armement en période de réorganisation en conséquence de la loi du 20 juillet 1933 qui décidait de faire de la Compagnie Générale Transatlantique une société d’économie mixte.

Un an plus tard, le 18 novembre 1934, il est muté au service commercial de l’administration centrale de la Compagnie Générale Transatlantique à PARIS.

Il se rend au siège de la rue Auber pour ne plus le quitter, sauf les périodes de navigation et les missions à l’étranger, et enfin le départ vers la Défense.

Cette période d’entre deux guerres fut pour M. Charles OFFREY l’opportunité d’un apprentissage approfondi des activités commerciales d’un armement en période de récession puisque le développement des liaisons aéronautiques sera constant.

Il a alors acquis non seulement la compétence mais les forces de caractère qui lui vaudront la confiance des dirigeants successifs de la Compagnie Générale Transatlantique.

Il est en particulier remarqué par M. Henri CANGARDEL, Administrateur Directeur Général, qui lui a confié assez rapidement en 1938 les fonctions de Secrétaire de Direction.

Le Président Henri CANGARDEL s’attachait ainsi un collaborateur dont la fidélité ne s’est jamais démentie, et dont les qualités et le dévouement n’ont plus cessé d’être distingués.

La Deuxième Guerre Mondiale interrompit pour deux années le déroulement de la carrière maritime de M. OFFREY, qui fut mobilisé en qualité de Sous-Officier d’infanterie pendant la période 1939-1940.

Aussitôt libéré de ses obligations militaires, M. OFFREY retrouve en 1941 M. CANGARDEL dont il devient le chef de cabinet.

Il s’agit d’années cruciales pour les destinés de notre pays, et en sa qualité de chef de cabinet, M. OFFREY, spécialiste des questions commerciales, orienta alors ses préoccupations vers les disciplines plus austères de la gestion administrative.

Le 15 juin 1945, il est nommé chef du secrétariat général du siège.

En 1953, il est nommé Secrétaire Général de l’agence générale du HAVRE, encore la plus importante de la Compagnie Générale Transatlantique.


Cinq ans plus tard, il est nommé Secrétaire Général de la Compagnie à PARIS.

Sa maîtrise des questions commerciales mais aussi de la gestion administrative ont conduit le Président Jean MARIE à lui confier en 1965 les responsabilités de Directeur Administratif, mission qu’il exerça avec excellence jusqu’à la limite de l’âge statutaire en 1970.

En qualité de Secrétaire Général de la Compagnie, il a eu en charge le dossier du FRANCE, et le soin des cérémonies d’inauguration du navire.

Sa vie va être intimement liée à celle du FRANCE, dont la fin douloureuse l’aura profondément affecté.

La mutinerie ne faisait manifestement pas partie de sa culture.

Pendant la même période, en qualité de Directeur Administratif, il va s’impliquer fortement pour résoudre des problèmes d’organisation et de rentabilité qu’il évoquera plus tard avec beaucoup de franchise dans ses différents ouvrages.

Il nous fait vivre la fin inexorable des paquebots. L’aéronautique a triomphé.

À la suite de sa retraite, il est nommé en 1970 Administrateur conseil de la Compagnie, et chargé de mission auprès de la Direction Générale.

C’est en cette qualité qu’il assure la coordination des problèmes d’organisation de deux croisières autour du monde du FRANCE en 1972 et 1974.

Ces mêmes années, il est chargé du transfert des services centraux de la Compagnie Générale Transatlantique dans le quartier de la Défense, ce qui constituait une mutation difficile pour l’entreprise séculaire.

C’était la fin d’un monde.

Il a été nommé en 1974 Administrateur Directeur honoraire de la Compagnie Générale Transatlantique, Président d’honneur de la Compagnie Générale d’Armement Maritime, Président d’honneur du groupe HEC TRANSPORT.

Il a été encore Président puis Président d’honneur de l’Association des Amis des Paquebots.


En 1977, après la fusion des anciennes compagnies dont la Compagnie Générale Maritime CGM, il va prendre le temps qu’il lui reste à animer diverses associations, et surtout à publier plusieurs ouvrages :


  • Henri CANGARDEL, armateur publié en 1973 : cet ouvrage a obtenu le Grand Prix de l’Académie de Marine en 1973 et son compte-rendu avait été publié dans le Journal de la Marine Marchande sous la signature de notre secrétaire perpétuel Michel ROUSSEL,


  • Terminé pour les machines : le dossier France publié en 1974,


  • Cette grande dame que fut la Transat publié en 1994,


  • Chroniques transatlantiques du XXème siècle publié en 2001,


  • FRANCE : l’album souvenir, publié en 2003 avec une préface de M. Charles OFFREY.



M. Charles OFFREY s’est donc impliqué dans l’armement maritime avec talent et passion.

La lecture de ses ouvrages révèle un remarquable technicien qui a le sens de la pédagogie de telle sorte qu’il puisse être lu par un large public car il n’hésite pas à expliquer ce que sont les différents intervenants de l’exploitation d’un navire en précisant leurs rôles respectifs.

Le technicien est aussi un économiste qui nous révèle, à la lecture de ses ouvrages, quelles ont été les difficultés de l’exploitation des navires en ligne.

C’est un authentique écrivain qui avait mis la mer dans son bureau.

Ses écrits révèlent une certaine nostalgie du temps passé, celui des paquebots, de l’élégance et de la culture.

Nous devons à sa fille Mme Joëlle OFFREY cette introduction à l’une de ses conférences au Musée de la Marine :

« Je me suis rendu compte, en préparant cette conférence, que la vieillesse avait au moins quelque chose de bon : c'est de fournir un stock de souvenirs considérables dans lequel on peut puiser pour faire revivre les évènements et les personnages du passé. »

L’humour n’est toutefois pas exclu des réflexions de M. Charles OFFREY, ainsi lorsqu’il évoque le contrôle fiscal des croisiéristes ou la description d’une certaine société transatlantique, et « les rongeurs ».

À l’étude des ouvrages de M. Charles OFFREY, on en vient à penser qu’il a eu raison trop tôt en ce qui concerne l’essor de la croisière.

Après avoir lu M. Charles OFFREY, on est surtout convaincu de l’importance pour la France des navires arborant son pavillon.

M. Charles OFFREY, qui avait mérité de la patrie, avait été promu au grade d’Officier de la Légion d’Honneur et de l’Ordre National du Mérite. Il était également Chevalier de l’Ordre du Mérite Maritime.

Pour toutes ces raisons, et sur le rapport du Président Pierre LÉONARD, il avait été élu à l’Académie à la section Droit et Économie, qui en garde un fidèle souvenir.

Enfin puis-je ajouter que la lecture des différents ouvrages de M. OFFREY a été passionnante, et que je souhaite vous la faire partager.


M. Michel ROUSSEL a écrit avec pertinence : « Il en savait long sur les choses et les hommes. Son parcours renvoie à un autre temps, celui de l’ancien monde où l’on pouvait demeurer fidèle à une Compagnie jusqu’à s’identifier avec elle. »



M. OFFREY peut entrer au Panthéon de notre Académie.

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