Éloge

Séance du 13 janvier 2021

Eloge du Contre-amiral Michel BREM

Cet éloge est prononcé par l’amiral Guirec Doniol

En juillet 1994, Michel Brem était élu dans notre Compagnie en qualité de membre correspondant dans la section « Droit et Économie », au siège laissé vacant par le décès du médecin général Jean Galiacy. Sa candidature était fortement appuyée par l’amiral Henri Labrousse qui l’avait eu sous ses ordres, alors qu’il était délégué permanent à la IIIème Conférence des Nations Unies sur la Droit de la Mer, de 1973 à 1981. Son deuxième parrain, l’amiral Louzeau, écrivait quant à lui : en tant que Major Général des Armées, j’ai particulièrement apprécié ses brillantes qualités intellectuelles lorsqu’il était à la tête de la division Transmissions-Électronique-Informatique de cet état-major et qu’il occupait en outre le poste délicat de représentant de la France au comité de l’OTAN pour les systèmes d’information et de communication.

Dix ans plus tard, en 2004, l’amiral Michel Brem était élu membre titulaire et succédait alors au commissaire général de la Marine Michel Paraiso, toujours dans la section « Droit et Économie ». Ses deux nouveaux parrains, l’amiral Guirec Doniol et Claude Douay, mettaient une nouvelle fois en exergue son action efficace au sein de la Délégation française à la Conférence des Nations-Unies sur le Droit de la Mer, où il avait justement succédé à Michel Paraiso.

[Affecté au SGDN, j’avais participé à la première session de cette CNUDEM à Caracas puis aux autres jusqu’en 1977, ce qui établit une longue coopération entre Paraiso, Brem et moi sur ce sujet.]

L’amiral Brem était également membre de l’Institut français des relations internationales (IFRI), du Forum du futur, de l’Association pour la sauvegarde et l’expansion de la langue française, et président de la commission de terminologie et de néologie du Ministère de la Défense.

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Décédé le 21 octobre 2018, Michel Brem était né à Paris le 7 mars 1932. Il avait fait ses études aux lycées Buffon et Saint-Louis, avant d’être reçu à l’École navale en 1950.

Après l’École d’application sur le croiseur Jeanne d’Arc, il est affecté en Indochine de 1953 à 1955. Sa conduite exemplaire, comme officier canonnier et chargé des communications sur le TCD Foudre, lui vaut la Croix de guerre des théâtres d’opérations extérieures, avec une citation élogieuse.

Il embarque ensuite en novembre 1955 pour un an comme officier des pêches sur l’Ailette , escorteur chargé de la surveillance et de la protection des pêches en mer du Nord, Terre Neuve et Islande, en application des conventions internationales sur la pêche. Il met à profit cette affectation dans les eaux nordiques pour apprendre le norvégien.

Breveté de l’école des Officiers des Transmissions en 1958, d’où il sort second, il exerce alors les fonctions de sa spécialité sur l’escorteur d’escadre Casabianca.

Il est ensuite affecté comme lieutenant de vaisseau en charge des opérations et des communications au sein de la Demi-brigade de fusiliers marins en Algérie, où il se montre particulièrement efficace dans les situations opérationnelles délicates, ce qui lui vaut d’être décoré en 1962 de la Croix de la valeur militaire avec une citation à l’ordre de la Brigade : Officier de grande valeur qui a, par son activité, sa compétence et son dynamisme, contribué grandement aux succès opérationnels remportés par son unité.

Il reçoit en mai 1962 le commandement du patrouilleur Canopus, déployé en Atlantique sud puis dans la zone maritime Antilles-Guyane.

Après son stage à l’École supérieure de guerre navale en 1967, il est nommé au commandement de l’escorteur rapide Le Béarnais à Toulon en 1969, avant de rejoindre la Direction du personnel militaire de la Marine, au bureau chargé de la gestion des officiers.

Promu capitaine de frégate en 1971, il prend le commandement de l’escorteur d’escadre anti sous-marins D’Estrées en octobre. Il est ensuite désigné comme commandant en second du porte-hélicoptères Jeanne d’Arc, sous les ordres du capitaine de vaisseau Beaussant qui l’apprécie beaucoup et souligne en particulier : son naturel ouvert, généreux et foncièrement optimiste ; son goût prononcé pour les travaux intellectuels ; son jugement percutant, très sûr, mais parfois caustique.

Promu capitaine de vaisseau en 1977, il est affecté au Secrétariat général de la Défense nationale (SGDN) en qualité de chargé de mission pour les questions maritimes. À l’époque les affaires de la mer sont en pleine évolution, tant sur le plan international qu’au niveau national.

Comme membre de la délégation française à la troisième Conférence des Nations Unies sur le Droit de la Mer (CNUDM), à partir de la septième session qui se déroule à Genève (1978), il suit tout particulièrement les travaux de la IIème commission qui traite des aspects généraux du Droit de la Mer et il assure la permanence française à toutes les réunions de la Commission, successivement à Genève puis à l’ONU à New-York. Il s’impose rapidement comme expert averti et écouté dans les milieux diplomatiques comme le souligne le directeur du SGDN.

Parallèlement, il participe aux réunions du groupe des puissances maritimes. Au cours de ce long processus qui a conduit à l’élaboration de la Convention, le groupe des « cinq » (France, États-Unis, Union Soviétique, Royaume-Uni et Japon) a tenu un rôle primordial dans la défense de la liberté des mers. Le capitaine de vaisseau Brem participe avec talent et efficacité à toutes les négociations, souvent dures et difficiles, relatives à la libre circulation des forces maritimes et aériennes, que ces discussions aient eues lieu pendant les sessions de la Conférence ou pendant les intersessions.

Par ailleurs, en sa qualité de conseiller de l’Agent du gouvernement français auprès du Tribunal arbitral sur la délimitation du plateau continental avec le Royaume-Uni, il prend également part aux discussions ouvertes avec l’Espagne et la Canada pour la délimitation des zones économiques.

Dans le domaine interministériel, il prépare et anime les réunions destinées à arrêter les directives en matière de défense, données à la délégation française de la Conférence sur le Droit de la Mer.

Il participe en outre à la préparation du Conseil de défense qui décidera de l’établissement de zones économiques au large des départements et territoires d’outre-mer. Élaborée à partir d’informations d’origines très diverses, c’est lui qui établit la première synthèse sur l’état des législations nationales relatives au Droit de la Mer et en suit l’évolution.

Il prend encore une part active aux travaux préparatoires aux décrets de 1978 relatifs au Comité et à la Mission interministérielle de la Mer, ainsi qu’à la coordination des actions de l’État en mer.

Toujours au sein du SGDN, il produit enfin plusieurs études dont une sur les détroits turcs, particulièrement remarquée par le Secrétaire Général, dans laquelle il s’attache à éclairer la question controversée du passage des porte-avions dans ces détroits.

Après cette période dense et particulièrement riche sur le plan professionnel, le capitaine de vaisseau Michel Brem est nommé en 1980 auditeur au CHEM et à l’IHEDN.

Il prend ensuite le commandement de la toute récente frégate Tourville basée à Brest et spécialisée dans la lutte anti-sous-marine.

À l’issue de ce dernier et brillant commandement, il regagne Paris à la direction des études de l’École supérieure de guerre navale 1982-85), puis du Centre des hautes études militaires (1985-86).

Nommé contre-amiral le 1er août 1986, il prend alors les fonctions de chef de la Division « Transmissions-électronique-informatique » de l’État-major des Armées.

En 1988, il est nommé adjoint au directeur de l’IHEDN. Il prépare et anime la première session des Hautes études européennes de défense.
Le 7 mars 1990, à l’issue d’une carrière de presque quarante années, il est admis dans la deuxième section du cadre des officiers généraux.

L’amiral Michel Brem était officier de la Légion d’Honneur (1984), commandeur de l’Ordre National du Mérite (1990), croix de guerre des T.O.E. et croix de la Valeur militaire avec deux citations (Indochine, Algérie), officier du Mérite maritime, officier du mérite (avec épées) de l’Ordre souverain de Malte.

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En 1999, il est élu membre du Conseil d’administration de l’Association pour la sauvegarde et l’expansion de la langue française (ASSELAF). La même année, il est nommé président de la Commission de terminologie et de néologie du ministère de la Défense.

Invité permanent de notre Compagnie depuis 1992, d’abord élu membre correspondant de la section « Droit et Économie » en juillet 1994, puis élu membre titulaire dans la même section en 2004, l’amiral Michel Brem a souhaité devenir membre honoraire en mai 2008 pour – je le cite – ne pas constituer un frein à l’entrée d’un membre plus jeune dans notre Académie.

En l’occurrence, il laissera son siège à notre actuel président, Xavier de La Gorce, qui avait embarqué avec lui comme commissaire sur la Jeanne d’Arc.
Pendant toutes ces années et avant que la maladie ne vienne faire obstacle à son activité, Michel Brem a pris une part active aux travaux et réflexions de notre Compagnie.

Après sa première élection, il prononça le 1er février 1995 un brillant éloge du médecin général inspecteur Jean Galiacy, membre correspondant de notre Compagnie.

On lui doit plusieurs articles publiés notamment dans Lettre(s), le bulletin de l’Association pour la sauvegarde et l’expansion de la langue française, dont certains ont été repris dans nos « Communications et mémoires ».

Il s’est également exprimé dans son domaine de spécialité technique, en prononçant des conférences et écrivant des articles relatifs aux sciences naissantes de l’informatique et au multimédia.

Son expérience et ses compétences en matière de droit de la Mer, acquises au cœur même des négociations sur la Convention dite de « Montego Bay » qui entrait justement en vigueur au moment où il rejoignait notre Compagnie, lui donneront aussi l’occasion de participer activement aux débats, colloques et séminaires organisés sur l’ensemble des sujets afférents.
En 2000, il publiait ainsi une étude intitulée « L’océan, notre avenir … et l ‘avenir des détroits internationaux ».

Le 16 mai 2002, il participait à un colloque intitulé « Le Droit de la Mer, 20 ans après Montego Bay », avec d’autre membres éminents de notre Compagnie.

En 2003, il publiait un article sur le plateau continental, en soulignant - je le cite - que « rares sont ceux qui savent que la France peut prétendre, en de nombreux endroits du Globe, à un plateau continental s’étendant jusqu’à 350 milles, avec les conséquences que cela implique ».

Le 16 mars 2005, après son élection comme membre titulaire, il prononçait en séance publique l’éloge du commissaire général de la Marine Michel Paraiso, membre de la section « Droit et Économie ».

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Issu d’une famille modeste, Michel Brem n’a jamais renié ses origines. Il avait une haute idée de la notion de service de l’État et se serait interdit de proposer une promotion qui ne serait pas due au seul mérite du postulant. Il était très attaché à la Marine, sans pour autant être un amoureux de la mer. Sa loyauté et sa probité sont soulignées, sans considération de son intérêt personnel. Ses commandants successifs ont noté l’attention marquée qu’il portait aux personnes. Lors de son affectation à la Direction du personnel comme gestionnaire d’officiers, il n’hésitait pas à faire partager à son épouse ses soucis professionnels, pour répondre au mieux aux impératifs du service en tenant le plus grand compte des situations individuelles et familiales.

Tout au long de sa carrière, ses chefs ont fait l’éloge de ses remarquables qualités intellectuelles. Esprit jeune, vif et pénétrant, faisant preuve d’une grande rigueur intellectuelle, sans complaisance ni compromission ; doté d’une grande facilité de travail et d’excellentes capacités d’expression. […] Il me semble parfois manquer un peu de fantaisie, note cependant le capitaine de frégate Bovis.

Sous une apparence détendue ou flegmatique, doté d’un esprit critique de bon aloi et d’un jugement très sûr, il avait la volonté d’aboutir et la passion d’un métier bien fait. D’une autorité naturelle indéniable, calme et réfléchi, homme de contact et de dialogue, excellent organisateur, il était de ceux qui font avancer les problèmes, comme le souligne l’amiral commandant l’escadre de l’Atlantique.

C’était par ailleurs un homme très cultivé qui parcourait volontiers les musées en famille, féru d’histoire, grand amateur de littérature classique et de jazz. Il parait que son fils et sa fille ne se seraient pas risqués à le défier au Trivial Pursuit ou au Jeu des mille francs. Il passait de nombreuses soirées à lire, allongé sur le tapis de son salon : livres d’histoire, mais aussi Plutarque, les œuvres de Jules César ou encore Balzac. Une appétence particulière - que l’on retrouve ici et là de façon récurrente chez les officiers de marine - le poussait à un certain perfectionnisme dans l’expression, écrite comme orale. Ses enfants rapportent aussi qu’il adorait les roses.

Un humour incisif, parfois qualifié de piquant, le portait volontiers à souligner les fautes ou même les inexactitudes de langage relevées dans les textes administratifs voire dans les journaux. Il avait par exemple conservé dans ses archives une lettre officielle signée d’un général de l’Armée de l’air promu à un très billant avenir, qui n’hésitait pas affirmer que les liaisons satellitaires, je cite : […] sont parfaitement adaptées à la situation, alors qu’elles font cruellement défaut lorsqu’elles n’existent pas (sic !). À cet égard, nul n’était mieux qualifié pour soutenir l’Association pour la sauvegarde et l’expansion de la langue française et pour présider par ailleurs la commission de terminologie du ministère de la Défense.

Michel Brem était un excellent marin. Pour autant, il semble qu’il n’ait eu aucun goût pour la voile, au sens sportif du terme ; mais il était passionné par la navigation, faisait preuve d’un grand sens marin, était distingué parmi les fins manœuvriers.

De caractère relativement peu expansif, plus sachant que brillant en société, Michel Brem pouvait sans doute paraître austère, voire rigide, mais c’était aussi un bon vivant, excellent camarade, appréciant une bonne table, du vin de qualité et des blagues entre amis. Parfois qualifié de déconcertant, un indéniable sens de l’humour est toutefois souligné par plusieurs témoignages. Un caractère enjoué sous des dehors froids, pour reprendre les mots du capitaine de frégate de Kersauson.

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Au terme de cet éloge, je voudrais – au nom de toute l’Académie - saluer une dernière fois la mémoire de mon camarade de promotion et confrère, en présence de son fils, de sa fille et de membres de sa famille, que je remercie encore pour leur indispensable et précieuse collaboration dans ce travail de mémoire.

Notre Compagnie peut légitimement s’honorer d’avoir compté Michel BREM parmi ses membres.

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