Éloge

Séance du 18 décembre 2019

Eloge de l'Ingénieur général du Génie maritime René Bloch

Cet éloge est prononcé en présence de la famille de René Bloch par le contre-amiral Jacques Petit, son successeur dans la section Sciences et techniques.


L’ingénieur général du Génie maritime René Bloch, ancien président et membre des plus éminents de l’Académie de marine, est décédé le 3 décembre 2016 à l’âge de 93 ans. Les honneurs militaires lui ont été rendus dans la cour des Invalides trois jours plus tard.
Plus que tout autre, l’ingénieur général du Génie maritime René Bloch avait la passion de la France.

Je l’avais connu au milieu des années 60 lorsque je servais dans le détachement Br 1150 Atlantic de la Commission d’étude pratique d’aviation au Centre d’essais en vol à Istres. Il était notre directeur de programme, d’une intelligence rayonnante, sûr de lui, un brin altier, fin capteur d’opportunités, menant toute chose de main de maître avec une volonté inlassable. Il s’adressait aux étrangers dans leur propre langue et son exigence calme faisant plier industrie et services officiels. Il était grand, admiré des officiers mariniers car il connaissait l’avion et le programme sur le bout des doigts ; son autorité naturelle était plus affirmée que celle de certains de nos chefs de service.

Son exemple lumineux fut de ceux qui m’ont conduit vers l’Ecole navale pour y embrasser une carrière d’ingénieur.


Les siens.

René Bloch est né le 19 février 1923 à Francfort sur le Main en Hesse. La famille de son père, David Bloch, industriel à Strasbourg, est de forte tradition rabbinique portée par le souvenir de son ancêtre le rabbin Moïse Bloch, plus connu sous le nom de Hokhem de Uttenheim, et des rabbins des plus éminents de la descendance de ce dernier. Sa mère Irma Benjamin, était issue de la communauté juive de Francfort, des plus vivantes et anciennes d’Allemagne, d’où sont issus les Rothschild. Le jeune René aurait appris à lire dans la Torah, qu’il a toujours lue aisément, et parlait couramment hébreux.

Sa scolarité, suivie aux lycées Fustel de Coulanges à Strasbourg, à Jeanson de Sailly à Paris, à Gay-Lussac à Limoges, puis au lycée Bugeaud d’Alger, fut toujours des plus brillantes, à la grande satisfaction des siens.

La naissance de notre futur ingénieur général fut suivie, trois ans plus tard, par celle de sa sœur Ellen, qui épousa M. Robert Schapiro, de qui descendent Mme Anne Schapiro, épouse de M. Olivier Binder et M. Guy Schapiro, son neveu, que je remercie infiniment pour l’aide apportée à la rédaction et à l’illustration de cet éloge.

René Bloch fut un grand ami et un familier de la famille de M. Marcel Dassault. C’est le petit-fils de ce dernier, M. Olivier Dassault qui fut de ceux qui prononcèrent un vibrant éloge aux Invalides alors que les honneurs militaires étaient rendus à sa dépouille.



Début de la carrière militaire.

La carrière militaire de l’ingénieur général René Bloch commença à Alger, où sa famille s’était réfugiée vers 1940.

Il a alors dix-neuf ans, élève en classe préparatoire au lycée Bugeaud, sous-admissible à l’Ecole Polytechnique. Il brûlait de servir la France et s’engage le 20 décembre 1943 dans les forces françaises libres auprès du bureau de la Royal Navy du port d’Alger.
Deux jours plus tard, l’amiral Darlan fut assassiné ; il ne put rejoindre le Royaume-Uni mais fut mis en poste par la Royal Navy aux carburants du port, et participa à l’évacuation des Français libres d’Alger.

Au printemps de 1943, malgré cette activité semi-clandestine, il est reçu deuxième à Polytechnique et major aux Ponts, aux Mines, à Sup’Aéro et à d’autres grandes écoles.

A l’automne il rejoint pour une année l’Ecole des élèves aspirants (EEA) de Cherchell, où l’enseignement spartiate était entièrement tourné vers le combat pour libérer la France.

Le 1er avril 1944, l’aspirant Bloch est affecté au groupe d’artillerie anti-aérienne qui deviendra la 3e batterie, 2e section du 21e groupe antillais de Défense contre avions de la première Division française libre (1ère DFL). Un mois plus tard, cette unité embarque de Tunisie vers Naples et commence la Campagne d’Italie dans une progression victorieuse vers le Nord : c’est Monte Cassino, Rome, Montefiascone, Radiofani. Il fut blessé à la jambe lors de cette campagne.

Le 11 août 1944, son groupe embarque à Tarente et débarque le 16 à Cavalaire en Provence avec la force Garbo et l’armée B commandée par le général de Lattre de Tassigny. Il s’ensuit la libération du Sud de la France, Toulon, Marseille, Nîmes, puis de la remontée de la vallée du Rhône. Lyon est libéré le 3 septembre. En octobre, il commande une section d’infanterie car la menace aérienne est absente.

René Bloch a commandé des hommes au combat, ce qui le marquera toute sa vie.
Le 10 novembre 1944, l’aspirant René Bloch quitte la zone des combats et est acheminé par la route vers l’Ecole polytechnique ; il fera partie de la promotion 1943A.



Polytechnique. Ingénieur du Génie maritime.

L’accueil à l’Ecole polytechnique du Free French René Bloch, comme il aimait se nommer, de plus sous-lieutenant d’artillerie coloniale ayant combattu, commandé, médaillé, membre des FFL, ayant reçu les remerciements du général de Gaulle, ne fut pas exempt de difficultés dont il gardera le souvenir toute sa vie.

Après avoir passé une licence de Science physique à l’Université de Paris, son classement à l’examen de sortie de Polytechnique, en août 1946, lui permet de choisir le grand corps d’élite du Génie maritime avec une option pour l’Aéronautique navale, arme de pointe.
Le 1er octobre 1946 il est nommé ingénieur de 2e classe du Génie maritime. Il est alors détaché pendant une année à l’Université d’Harvard aux Etats-Unis, d’où il revient titulaire d’un Master of Art, pour suivre l’année suivante l’enseignement de l’Ecole du Génie maritime dont il est diplômé en juillet 1947.

De 1948 à 1950 il suit l’enseignement de l’Ecole nationale supérieure de l’Aéronautique, alors à Paris ; il mène un projet d’étude avec M. Serge Dassault, de la promotion suivante. Il complète sa formation par un diplôme du Centre de perfectionnement dans l’administration des affaires.

Il est promu ingénieur de 1ere classe du Génie maritime.

Il est ensuite affecté au service aéronautique des constructions navales de Toulon ; il produit alors une étude approfondie sur l’Aéronautique navale des Etats-Unis qui fait encore référence.

Il est connu du vice-amiral d’escadre Henri Nomy, chef d’état-major de la marine d’alors, pilote de l’Aéronautique navale, qui a aussi participé au débarquement de Provence.
L’époque est au rééquipement de l’arme aérienne de la Marine dotée alors d’aéronefs anglais et américains, reliefs du second conflit mondial.

Sa détermination et son fort caractère le font choisir en mai 1952, pour le placer à la tête de la section marine du Service technique aéronautique (STAé) au sein de l’Armée de l’air.
Il est promu ingénieur principal du Génie maritime le 1er juillet 1952 ; il a moins de trente ans.

C’est aussi à ce moment qu’il passe le brevet de pilote des corps techniques qui sera converti plus tard en brevet de pilote de l’Aéronautique navale.



Les programmes aéronautiques de la marine.

Alors que la marine lance le projet des deux porte-avions 54 qui deviendront le Clemenceau et le Foch, l’ingénieur principal René Bloch va lancer les programmes qui permettront de doter l’aviation embarquée d’aéronefs français modernes.
Dans l’urgence, c’est tout d’abord le Sea Venom à turboréacteur, chasseur embarqué tous temps britannique, équipé d’un radar américain, qui deviendra l’Aquilon pour la marine et sera construit dès 1952 en France par la Société nationale de construction aéronautique du Sud-Est.

Il eut la charge de trois autres avions : le CM 175 Zéphyr, biréacteur léger d’entraînement construit par Potez, le Br 1050 Alizé de lutte anti-sous-marine, construit par Breguet, et l’Etendard IV d’assaut et de reconnaissance à la mer construit par Dassault.

De projets mal adaptés, il fallut toute sa pugnacité pour les rendre capables d’être mis en œuvre sur porte-avions et les faire atteindre le niveau d’efficacité opérationnelle requis par la marine.

Mais le chef d’œuvre de l’ingénieur principal René Bloch, ingénieur en chef du Génie maritime et chevalier de la Légion d’honneur en juin 1956, fut sans conteste le programme de l’avion de patrouille maritime de l’OTAN, le Br 1150 Atlantic.

En décembre 1956, l’OTAN lance un groupe d’experts auquel participent quatorze nations qui, d’une vingtaine de projets, retiendra le 21 octobre 1958, de façon unanime, le projet du Breguet 1150. Le 2 décembre 1959 l’organisation générale du programme est fixée par le conseil de l’OTAN et comprend un comité directeur à présidence tournante, assisté d’une agence exécutive et de différents sous-comités.

De 1959 à 1965, sept phases successives sont lancées, conduisant à la fabrication de 20 avions pour l’Allemagne et de 40 avions pour la France. Suivront 9 pour les Pays-Bas et 18 pour l’Italie, soit 87 avions de série au total.

A l’issue de ces phases, force est de constater que les spécifications techniques et les échéances calendaires ont été tenues : les appareils ont été livrés dans les temps et au prix prévu. Une logistique commune internationale a été mise en place par le programme qui a fait une économie de 6 % et a de plus financé une large part des études de son successeur l’Atlantique 2.

Tout cela fut réalisé grâce à l’intelligence et l’énergie déployées par l’ingénieur en chef René Bloch ; ses qualités humaines, ses capacités hors de pair d’organisateur et négociateur, sa connaissance parfaite de l’anglais, de l’allemand, pratiquant aussi l’italien, ont été les moteurs de cet exceptionnel succès.

Le programme du patrouilleur de l’OTAN Breguet 1150 Atlantic reste encore de nos jours l’archétype d’une coopération internationale réussie et jamais égalée.



Directeur des Affaires internationales du ministère de la Défense.

En 1965, alors qu’il vient d’être promu officier de la Légion d’honneur, l’ICGM René Bloch est nommé à la tête de la nouvelle Direction des Affaires internationales du ministère de la Défense, créée lors de la réorganisation de la Délégation ministérielle pour l’Armement, comme d’autres directions transversales mises alors en place.

En 1966, la France sort de l’organisation militaire intégrée de l’OTAN selon des modalités précisées par l’accord Ailleret-Lemonnier. Dans un climat d’opprobre international et un contexte troublé, c’est à l’ingénieur général René Bloch qu’il revient de proposer, puis d’exécuter la politique de coopération internationale en matière de Défense.

Il met en place un réseau international, dialogue tant avec l’Afrique du Sud que le Pakistan, et copréside avec le ministre les comités de coopération bilatéraux franco-américain, franco-britannique, franco-canadien ou tripartite (Allemagne, France, Italie) qui traitent souvent, bien au-delà du matériel et des équipements, de toutes les questions de défense.

Avec constance, il recherche des partenariats équilibrés et ses qualités de négociateur font à nouveau merveille ; ses interlocuteurs de cette époque lui sauront gré et beaucoup resteront des amis fidèles, lui témoignant leur grande estime jusqu’à la fin de sa vie.

En 1966, il est nommé grand officier de l’ordre du Mérite de la République fédérale d’Allemagne.

Le 1er janvier 1968, l’ingénieur en chef du Génie maritime est intégré d’office et sans demande de sa part dans le corps des ingénieurs de l’Armement, branche Génie maritime. Il en conçu une forte amertume et gardera toute sa vie les traditions, les appellations de grade et l’uniforme des ingénieurs du Génie maritime comportant l’épée en tenue de cérémonie, avec l’accord des plus hautes autorités de l’Etat. Dans la suite nous respecterons cette volonté.

Il fut donc le dernier ingénieur à porter les parements du Génie maritime et le dernier officier en service actif à porter l’insigne des Forces françaises libres .

Le mois suivant, en février 1968, il va aux Etats-Unis suivre l’Advanced management program à l’Université d’Harvard, en apportant son expérience sur les programmes menés en coopération internationale.



Directeur du Centre d’essais des Landes.

Le 1er janvier 1969, l’ingénieur en chef René Bloch est nommé directeur du Centre d’essais des Landes (CEL) près de Biscarosse, créé en 1962 par Pierre Messmer, ministre des Armées. Il en restera directeur durant onze années, jusqu’en 1981.

Il y joua un rôle central dans le développement de la dissuasion nucléaire, « assurance-vie du pays », dont il fut toujours, comme beaucoup qui avaient connu la défaite de 1940, l’un des plus ardents défenseurs.

Le Centre d’essais des Landes permettait de tester des engins tactiques, des missiles tactiques nucléaires et des missiles stratégiques de 3 000 km de portée. Il s’agissait de démontrer la crédibilité de la force de frappe, de valider les performances et les procédures de mise en œuvre. Au site de Biscarosse s’ajoutent six stations annexes, une station de mesures à Florès dans les Açores, toutes sous la coupe du directeur du CEL.

Chaque tir requiert la mise en œuvre jusqu’à la zone réceptacle, alors à proximité des Açores, de nombreux moyens aéronavals regroupés autour du bâtiment d’essais et de mesures (BEM) Henri Poincaré et qui constituent le Groupe Naval d’Essais et de Mesures (force M) qui fut commandé de 1973 à 1974 par le contre-amiral Philippe de Gaulle.

Pendant ces onze années, il ne cessa de parfaire les moyens techniques du CEL et des stations annexes dans un strict respect des coûts et des délais qui a toujours été le sien, donnant à cet ensemble des capacités uniques en Europe, avec le soutien direct des plus hautes autorités de l’Etat.

C’est en effet sous sa direction que le CEL trouva son rythme de travail par une organisation, une programmation, une méthodologie rigoureuse des essais et des tirs auxquels il veillait avec une intelligence et une main de fer. Il porte le nombre d’essais et de tirs à plus de 300 par an, soit un par jour.

Aux essais essentiels et prioritaires des missiles balistiques de la force de dissuasion, les SSBS de tous types et les MSBS du M1 au M20 avec même certains essais préliminaires du M4, s’ajoutent en mode mineur les essais de missiles sol-air (comme le Crotale), air-air comme les Sidewinder, Super 530 ou air-mer, mer-mer, comme l’Exocet, et même de l’artillerie. Il n’oublie pas alors qu’il avait été officier d’artillerie coloniale !

Il se donna beaucoup dans la commission franco-portugaise chargée du développent des Açores dont il était co-président. La présence française fut bénéfique au développement de l’île de Florès et permit d’y implanter un hôpital. Avec la même attitude il mit en place au CEL des équipements sportifs et récréatifs, et même une crèche et une chapelle interreligieuse.

Organisateur et négociateur exceptionnel, son intelligence des situations, un sens de la mission qui ne supportait pas que des intérêts particuliers remettent en cause les intérêts supérieurs du pays, sa volonté d’aboutir au risque d’indisposer ceux que son énergie inquiétait, son autorité naturelle et son style de direction proche du commandement militaire déroutaient les syndicats mais firent merveille au CEL.

C’est pendant cette direction qu’il fut nommé « l’Amiral Bloch », marque de son attachement à la marine, de style d’autorité, mais aussi de l’estime personnelle que beaucoup lui portaient ; cela ne lui déplut pas et la marque de vice-amiral fut arborée en tête de mât. Pour ses subordonnés et beaucoup des siens et de ses amis il sera définitivement « l’amiral Bloch ». Il se nommait souvent ainsi lui-même.

C’est aussi pendant cette direction que l’ingénieur général René Bloch fut nommé commandeur de l’Ordre royal d’Orange-Nassau (Pays-Bas, 1969), commandeur de l’Ordre de Léopold 1er (Belgique, 1970), grand officier de l’Ordre militaire d’Avis (Portugal, 1976), enfin promu commandeur de la Légion d’honneur le 12 juillet 1977.



Madame Lucienne Marcelle Bloch, née Marino (1932-2010).

Pendant qu’il dirigeait le Centre d’essais des Landes, un autre événement va infléchir la vie de l’ingénieur général René Bloch : il rencontra et se maria le 18 février 1973, à 50 ans, avec Mme Lucienne Marino, âgée de 42 ans, pianiste des plus talentueuses, 1er prix du Conservatoire de Paris, disciple d’Yvonne Lefébure et d’Arturo Benedetti Michelangeli, et dont certains pianistes contemporains s’honorent encore d’avoir été l’élève.

Elle menait une carrière internationale des plus brillantes, dans toute l’Europe, mais habitait parfois à Biscarosse ; lors de soirées prestigieuses elle donna plusieurs récitals de piano au Centre d’essais des Landes. Ce fut un couple profondément uni qui n’eut malheureusement pas d’enfant.

Elle décéda le 9 août 2010. René Bloch l’avait accompagnée avec amour, une foi, une ferveur religieuse et une attention hors du commun, jusqu’à son dernier instant.



L’ingénieur général René Bloch quitte le service.

Le 21 mai 1981, M. François Mitterrand est élu Président de la République. Les temps ont changé, les anciens Français libres, qui avaient sauvé l’honneur de la France et l’avaient reconstruite, ne sont plus aux affaires et il est rapidement mis fin aux fonctions de directeur du CEL de l’ingénieur général René Bloch. Le 30 juin 1981, il quitte le CEL dans une cérémonie grandiose.

Le 1er août 1981, il est mis à la disposition du Délégué général pour l’Armement, M. Henri Martre, polytechnicien de la promotion 1947, soit quatre années après René Bloch, et qui ne trouve pas à l’employer. A quatre reprises, de septembre 1981 à mars 1982, il est reçu par le nouveau ministre de la Défense, M. Charles Hernu. On lui laisse un temps espérer un poste à la mesure de ses hautes compétences. Mais rien ne vient.

Il est placé, comme on aurait dit à l’époque de Vergennes, en « disgrâce active » sans véritable poste. Sa seule consolation est que la dissuasion nucléaire, cette assurance-vie de la France, un temps menacée, et qu’il défend encore avec passion, n’est pas remise en cause.

Mais le vent a bien tourné ! Et le dernier représentant de la France libre encore en service, rempli d’amertume, se résout le 20 décembre 1983 à solliciter une mise en situation de disponibilité à compter du 1er janvier 1984 et une mise en congé du personnel navigant au 1er juillet 1784.

Le 19 février 1985, en limite d’âge, il est admis dans la 2ème section. Il totalise 41 ans, 6 mois, 11 jours de service et 2 900 heures de vol.



L’Académie de marine

C’est alors qu’il fut requis par plusieurs présidents de sociétés américaines, dont certains étaient ses amis, pour les conseiller. En France, il conseilla alors le président du groupe Snecma dans les années 2000.

Le 17 novembre 1994, sur la base de l’Aéronautique navale de Lann Bihoué, le vice-amiral d’escadre Jean Wild, chef du Service central de l’Aéronautique navale, remit à l’ingénieur général du Génie maritime René Bloch la distinction de « Pingouin d’honneur » de l’aéronautique navale. Il la reçut avec une émotion qui le submergea : les Marins du Ciel le considérait toujours comme l’un des leurs ! La statuette dont il était si fier orna son bureau, et le pingouin devint son animal fétiche.

Le 24 mars 1987, il est élu à l’Académie de marine, section Sciences et techniques et en resta membre titulaire jusqu’à son décès. Il en devint le président d’octobre 1998 à octobre 2000.

Lors d’un voyage au Portugal en mai 1999, il accueille son ami Mario Soares comme membre associé ; M. Pierre Messmer, son ami, présida la séance de rentrée de 1999 ; le voyage en Israël et en Jordanie de mars et avril 2000, pendant lequel l’Académie fut reçue par les plus hautes autorités de la marine israélienne, fut un des sommets de sa présidence. M. Alain Richard, alors ministre de la Défense, présida la séance de rentrée de l’année 2000 lors de laquelle il remit ses fonctions. M. Jean Chapon, son successeur, relève que cette présidence fut l’une des plus brillantes de l’Académie : « Cette présidence est un témoignage éloquent de la volonté et de la ténacité du président René Bloch fondées sur une conviction sans faille et une riche expérience acquise tout au long d’une carrière totalement vouée au service du pays. »

13 mars 2009, l’ingénieur général du Génie maritime René Bloch est élevé à la dignité de grand officier de la Légion d’honneur par l’amiral Philippe de Gaulle. Il eut en 2013 le grand bonheur de constater que Mme Merkel se souvenait toujours de lui lors des cérémonies du cinquantenaire de l’amitié franco-allemande.



René Bloch avait la passion de la France.

Le 3 décembre 2016, six ans après son épouse, l’ingénieur général René Bloch s’éteint à son domicile, boulevard Lannes à Paris. Le 6 décembre 2016, les honneurs militaires lui sont rendus aux Invalides. M. Jacques Godfrain, président de la fondation Charles de Gaulle, et M. Olivier Dassault firent son éloge par de vibrants discours ; il a été inhumé auprès de son épouse au cimetière du Montparnasse. Le 16 décembre 2016, le ministre de la Défense, M. Jean-Yves Le Drian, présente ses condoléances à son neveu, M. Guy Schapiro : « Grand officier de la Légion d’honneur, votre oncle a consacré sa vie au service de la France. C’est une grande figure de nos armées qui disparait ».

La mémoire et l’œuvre de l’IGGM René Bloch sont conservées : au Service historique de la Défense où ont été versées ses archives personnelles ; au Musée de l’Aéronautique navale à Rochefort, qui a recueilli ses nombreuses maquettes et uniformes dont celui de lieutenant d’infanterie coloniale de son premier engagement ; à l’Atelier industriel d’aviation de Bretagne dont le bâtiment de direction sur la BAN Lann Bihoué porte son nom ; à l’Académie de marine où son drapeau personnel orne maintenant le bureau du président ; à l’Académie de marine encore, où un legs permet d’attribuer le prix Atlantic à un organisme ou une personnalité méritante de l’Aéronautique navale ; enfin par la rédaction en cours d’un ouvrage consacré à la vie de M. Bloch par M. Luc-Antoine Lenoir, sous couvert de la Fondation Charles de Gaulle.






Epilogue.

L’ingénieur général du Génie maritime René Bloch a été façonné par l’histoire, par les conséquences du traité de paix manqué à Versailles. Pendant son enfance et son adolescence il a ressenti dans sa chair même les désordres du monde, la montée du nazisme en Allemagne, ls atermoiements politiques de la France et l’humiliante défaite de 1940, la pire de notre histoire, source de compromissions infâmes.

L’ingénieur général René Bloch décida à dix-neuf ans de servir la France, sans calcul, complètement, avec la totalité de sa personne. Cela s’incarnait pour lui dans son engagement dans la France libre, aux côtés du général de Gaulle. Il n’a cessé toute sa vie de tenir cet engagement.

Homme fort et décidé, religieux et superbe, d’une intelligence rayonnante, d’une droiture parfaite et vivant dans la vérité du monde, travailleur inlassable et tendu vers ses objectifs, dominant avec aisance tous les sujets et connaissant ses dossiers sur le bout des doigts, ayant une juste appréciation des personnes, il était bon et généreux. Il sut être un ami chaleureux, fraternel et d’une fidélité à toute épreuve ; homme des ententes cordiales, il était un négociateur né, il respectait ses interlocuteurs et avait toujours ce temps d’avance qui lui donnait l’avantage sur les plus chevronnés. Son exigence réunissait les hommes de bonne volonté dans ce qu’ils ont de meilleur. « Le pouvoir tient à la fonction, mais l’autorité se gagne tout seul » disait Wilston Churchill. Comme beaucoup qui avait ressenti comme lui la défaite de 1940, il ne cessa de se poser en réaction contre tout ce qui abaissait la grandeur de la France.

Ce qui distingue l’ingénieur général du Génie maritime René Bloch, et qui le place hors du temps, est une immense passion de la grandeur de la France qu’il a si magnifiquement servie.






1 « Le sport me fit perdre une place ! » dira-t-il.

2 Une dizaine d’ingénieurs du Génie maritime a servi dans les forces françaises libres, dont l’IGGM Louis Kahn (1895-1967), X 1914, dont les conseils orientèrent la carrière de l’IGM René Bloch. Louis Kahn fut président de l’Académie de marine en 1960 et 1961 et son secrétaire général.

Retour

Copyright © 2011 Académie de marine. Tous droits réservés.