Conférences

Quand la Chine saisit le trident de Neptune

François Bellec
Ancien président de l’Académie et membre de la section Histoire, lettres et arts

Le 05-12-2018

Dans une communication bien illustrée, dont le titre est inspiré par le poème d’Antoine-Marin Lemierre « Le trident de Neptune est le sceptre du monde », l’amiral François Bellec, ancien président de l’Académie et membre de la section Histoire, lettres et arts, nous a rappelé les principaux éléments historiques de la rencontre de la Chine avec la mer.

La voie maritime côtière est essentielle pour les échanges entre les régions de l’empire chinois ; cependant, la navigation y est dangereuse en raison de hauts-fonds, d’une mer puissante et de conditions météorologiques imprévisibles et souvent difficiles. Pour prévenir ces difficultés les marins chinois ont développé des connaissances navales poussées en élaborant des cartes marines, des tables de navigation, des relevés d’observations astronomiques, et aussi l’utilisation de la boussole venue de Perse et adaptée aux conditions locales, ainsi qu’une construction navale originale et très élaborée. La jonque est un vrai bâtiment marin dès le XIIème siècle : elle est munie d’un gouvernail d’étambot, jouit d’une grande stabilité en particulier grâce à son avant « en cuillère », d’une grande contenance et d’une grande solidité.

Les marins chinois pratiquent la navigation en haute mer, ils parcourent l’archipel méridional et les rivages de l’océan Indien. Les célèbres voyages de l’amiral Zheng-He (1371-1433) attestent la domination chinoise sur cet océan : les navires chinois entrent dans la mer Rouge ; ils naviguent sur le littoral de l’Afrique orientale et reconnaissent Zanzibar. Cependant, au milieu du XVème siècle, les conseillers de l’empereur de Chine font suspendre ces grands voyages car ils les estiment insuffisamment rentables au regard de leur coût et ils font construire le Grand Canal pour ménager les relations entre les provinces.

Ils laissent ainsi la place aux navigateurs portugais qui prennent le contrôle de la navigation dans l’océan Indien, s’établissent à Macao et poursuivent jusqu’au comptoir de Deshima dans le port de Nagasaki au sud du Japon. Au XVIIème siècle d’autres navigateurs européens circulent en Asie orientale, d’abord les Hollandais, puis les Anglais et enfin les Français. Ils sont présents en mer mais absents sur le continent. Le port de Canton, en Chine du sud est, le seul ouvert aux Occidentaux qui viennent y charger des marchandises chinoises, principalement du thé payé en métaux précieux. Au XIXème siècle les puissances occidentales prennent le contrôle du commerce extérieur du pays ; les Britanniques imposent l’ouverture au trafic de l’opium pour équilibrer la balance commerciale puis les autres nations d’Europe exigent des concessions territoriales (ainsi la concession française de Shanghai) et des avantages commerciaux. Les Occidentaux organisent la navigation intérieure (le célèbre film Les canonnières du Yangtsé en témoigne avec brio) tandis que le Japon, devenu une grande puissance maritime depuis les transformations de l’ère Meiji dans la seconde moitié du XIXème siècle, fait la conquête de la Corée puis de la Mandchourie.

Après une période d’effacement la Chine revient à la mer dans la seconde moitié du XXème siècle. Elle commence par des grands travaux pour réguler la navigation sur le Yangtsé puis elle développe sa capacité maritime qui représente maintenant 80 % des activités de transport. Actuellement quatorze des vingt premiers ports maritimes du monde sont en Chine et le pays est le premier constructeur de bâtiments de mer du monde. L’Empire développe sa présence sur toutes les mers du globe, tant vers l’Europe avec la « nouvelle route de la soie » que vers l’Amérique en effectuant des investissements dans les aménagements du canal de Panama et il donne raison une fois encore à Antoine-Marin Lemierre : « La puissance dépend de l’empire de l’onde. »

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