Un grand musée maritime pour le XXIe siècle
Rénovation du musée national de la Marine 2017-2021

Vincent Campredon
Commissaire général, directeur du musée national de la Marine

Le 15-11-2017

Le commissaire général Vincent Campredon, directeur du musée national de la Marine, est présenté par Philippe Henrat, président de la section Histoire, lettres et arts. Il prend la parole.
« En France, on ne parle jamais assez de la mer. Je suis donc très heureux et honoré d’intervenir devant votre prestigieuse et noble assemblée qui compte deux de mes prédécesseurs, l’amiral Bellec et l’amiral Gard, - à qui je souhaite rendre un hommage très respectueux, ainsi qu’au commissaire général Renvoisé, mon gourou depuis qu’il a eu la faiblesse de me recruter à l’école du commissariat de la marine en 1983, - et de vous entretenir d’un passionnant défi pour le directeur de musée national de la Marine, celui d’un formidable projet culturel porté par une grande ambition pour l’avenir de notre pays, le plus vaste de son histoire.
C’est là l’enjeu majeur du futur musée maritime français du XXIème siècle ! Comme le disait le général De Gaulle « Les grands pays le sont pour l’avoir voulu ». Car on ne peut envisager un tel projet sans une certaine idée de la France, sans une certaine idée du monde et de la France dans le monde. Ce nouveau destin du musée, lancé il y a un peu plus de deux ans, s’inscrit, sans aucun doute, comme une des composantes de l’envergure maritime de la France. « Etre une puissance mondiale, cela veut dire être une puissance maritime » exprimait lui aussi Georges Leygues. Le comprendre est essentiel pour nous, dont l’histoire, la géographie mais aussi l’économie rappellent sans cesse toute l’importance du fait maritime, qui est désormais au cœur du contexte stratégique et environnemental sur le plan mondial. La mer, et tout ce qui s’y passe, est sans nul doute l’une des nouvelles frontières qui dessineront le monde de demain.
Ce qui caractérise le fait maritime contemporain, c’est l’identité maritime comme projet d’avenir pour notre pays. Par-là, il faut comprendre que la mer est un enjeu économique, bien sûr, mais c’est plus profondément encore une question d’identité, une question de culture. Il fallait un projet culturel d’ambition égale. Alors que les espaces et les activités maritimes connaissent des évolutions rapides et majeures, n’avions-nous pas besoin d’un lieu partagé, au cœur de la capitale, pour porter aux yeux de tous ce qui fait l’identité maritime de la France et lui faire partager ses trésors méconnus ? Un lieu où toutes les grandes questions qui, demain, agiteront notre planète, seront abordées : les questions économiques, les questions écologiques, les questions scientifiques, les questions énergétiques, les questions stratégiques et militaires… mais aussi une adresse prestigieuse où les loisirs et les sports nautiques trouveront toujours un accueil chaleureux et passionné. Il devenait urgent de sensibiliser et de transmettre, aux jeunes générations notamment, la conscience de ces enjeux ; la mer est l’avenir de la Terre, on le sait tous, et plus encore ici à l’Académie de marine !
Mais, nous le savons tous, un projet ne vaut que par la volonté politique de ceux qui le portent, et qui permettent de passer des mots et des idées aux actes. Jean-Yves Le Drian, par sa volonté d’innovation, d’anticipation et de modernité, a voulu faire de la mer et de l’aventure maritime de notre pays un sujet d’intérêt pour tous. Il s’agit d’expliquer et de mettre en valeur notre identité maritime : La France et la mer, la France à travers la mer et la mer à travers la France. Il a voulu faire du futur musée un lieu de référence, permettant la rencontre et l’échange autour de ces grandes interrogations qui agitent notre planète bleue, élargissant ainsi le rôle du musée pour en faire un lieu culturel contemporain. Il sera à la fois stratégique, médiatique, encyclopédique, et universel, un espace omniscient en prise directe avec l’actualité de ses univers maritimes, une nouvelle génération de musée qui marie, avec intelligence et pertinence, passé et présent pour les mettre au service du futur.
Le futur Musée de la Marine est un projet qui a du souffle et de l’ampleur, qui ose regarder au loin, dans l’espace et dans le temps. Pensant à André Malraux, je veux vous dire qu’avec ce Musée, nous voulons tenter ici quelque chose qui n’a jamais été tenté : créer un univers particulier dans lequel la mer et les marins trouveront leur place et un lieu ouvert et vivant pour tous ceux qu’intéressent les enjeux maritimes de demain. Aujourd’hui les musées changent de visage et d’approche. Ils sont plus interactifs, se tournent résolument vers l’excellence et diversifient leur public. Ce projet, vous l’avez compris, est de réinventer le musée de la Marine, le faire changer d’époque et lui donner une nouvelle identité !
Notre défi est bien de réinventer le musée de la Marine, pour construire le grand musée maritime français du XXIème siècle, afin de rendre le grand public plus familier avec la dimension maritime de notre pays et de lui transmettre la conscience des enjeux de la mer d’aujourd’hui et de demain. Notre volonté est de créer un univers spécifique dont le premier devoir est d'établir spontanément et durablement un lien d'émerveillement, de curiosité et de transmission de savoirs, à travers notre grande histoire maritime et ses trésors patrimoniaux ! Notre ambition est d'offrir à tous nos visiteurs, nationaux et internationaux, toutes générations confondues, un lieu résolument ouvert à toutes les passions et sensibilisations qui touchent au monde de la mer, des océans et bien sûr de la navigation. Un musée vivant, un musée ouvert à tous, un musée ouvert sur le grand large, un musée qui établit des ponts, un pont au cœur de Paris entre la Terre et la Mer, un pont entre l’histoire et la légende, un pont entre le passé et l’avenir, un pont entre l’éveil et le rêve.
Associant Chaillot et les cinq musées des ports de notre littoral, ainsi que notre nouveau centre ultramoderne de conservation et de ressources de Dugny, notre mission est ainsi clairement établie : Inviter au voyage, susciter l’émotion, partager la grande et la petite histoire, pour lier notre histoire navale aux défis du XXIème siècle et à l’ambition maritime de notre pays : les nouveaux enjeux économiques et scientifiques liés aux richesses de la mer, l’actualité de l’écologie et de la biodiversité marine, l’influence de la mer sur le climat, la promesse des énergies marines renouvelables, l’économie des loisirs, le transport maritime, le développement des ports, et naturellement les enjeux qui touchent à la défense et à la sécurité de la France. Sans oublier, bien sûr, monsieur de La Pérouse et Tabarly qui n’ont jamais été aussi présents. Au musée de la Marine, le futur aura sa légende !
Mais aussi, garant de son héritage, il faut inscrire le musée de la Marine dans une démarche visant à soutenir le lien armée-nation et l’esprit de défense. Nous invitons nos futurs visiteurs à prendre la mer pour un embarquement immédiat, où les escales seront nombreuses. Nous ferons, Mesdames et Messieurs, le musée de l’aventure maritime de la France !

Différentes galeries ont été imaginées avec une muséographie définitivement contemporaine et une dynamique entièrement repensée pour répondre aux attentes des différents publics : A. Un espace « repères », à la fois centre d’interprétation et lieu immersif, qui donnera des clés de compréhension et embarquera nos visiteurs dans les histoires que nous voulons raconter. B. Trois espaces semi-permanents renouvelés tous les cinq ans sur les thèmes les plus emblématiques de notre passé. C. Quatre ou cinq espaces « objets », appelés « studios », qui mettront en valeur les plus belles œuvres de nos collections éternelles, les célèbres Vernet bien sûr, les majestueuses figures de proue, les admirables décors de la Réale ou nos légendaires maquettes tant affectionnées de nos visiteurs. D. Un nouvel espace qui permettra d’organiser deux expositions temporaires par an sur des sujets plus en regard avec l’actualité ou sur les grands trésors de notre patrimoine ou de notre histoire. Qui ne se souvient pas des expositions à succès du musée : Paquebot France ! Phares ! Le mystère Lapérouse ! Jules Verne ! E. Enfin, le plus innovant, un espace dit d’actualités, engagé et ouvert, où seront exposés et débattus les grands sujets d’actualité. Il favorisera la rencontre et l’échange, il sera un lieu de dialogue autour de grands espaces modulables, d’un nouvel auditorium de 200 places, d’une boutique agrandie et totalement renouvelée, et puis enfin d’un restaurant ouvert à tous, attendu depuis si longtemps par nos visiteurs. Bienvenue dans notre nouveau monde !

Comment le musée va-t-il vivre durant ces quatre années ? Il n’est évidemment pas question de mettre la clé sous la porte pour la rouvrir fin 2021, sans que l’on entende parler de nous. Il s’agit au contraire de continuer d’exister, de façon permanente et même très présente, pour que le futur musée s’installe d’ores et déjà dans les esprits et dans le paysage culturel et maritime français. Il y aura d'abord les travaux de l'architecte dont vous allez découvrir le projet. Puis ceux du muséographe à partir de 2019. 

Mais la richesse de ce musée a aussi besoin de rayonner. Nos cinq musées du littoral que sont Brest, Port-Louis, Rochefort et Toulon, vont porter notre image, en occupant le terrain culturel maritime par de multiples expositions. La programmation sur quatre ans est définie, elle est attractive, séduisante, elle s’inscrira dans le paysage local, tout en étant cohérente avec le projet scientifique et culturel du futur musée. Sur le web, afin de ne jamais rompre le lien avec nos visiteurs assidus, et pour capter de nouveaux publics, nous sommes en train de mettre en ligne une plate-forme de médias digitaux et des réseaux sociaux associés, ayant pour architecture, celle d'un musée virtuel. Sa mission sera de permettre aux internautes de suivre pas à pas et en direct, la mise en œuvre de notre nouveau musée, autant que de suivre son actualité, animée par des expositions virtuelles, des conférences en ligne, des web séries, des interviews, des reportages... Un nouveau site officiel verra en outre le jour en 2020. En parallèle de la communication vers la presse, nous allons enrichir la communication événementielle par des rendez-vous annuels qui s’adosseront à ceux qui rythment la vie culturelle et maritime : le Nautic, les Journées européennes du patrimoine, la Nuit européenne des musées, les Assises de l’économie maritime, la Journée des océans, pour les plus connus. Le musée informera le public de son projet pour demain, tout en préparant ce même public à la naissance du grand musée maritime national.

Enfin, n'oublions pas les chaines de télévision, généralistes ou thématiques, à qui nous souhaitons proposer différents projets sur lesquels nous travaillons déjà. Nous pensons à deux documentaires de création. A. Le premier, indispensable et inédit, sur les origines et l'histoire du musée de la Marine, depuis sa naissance sous Louis XV jusqu'à nos jours. Ce sera la fabuleuse Odyssée du musée de la marine. B. Un second, qui témoignera du chantier et la transformation que nous sommes en train de vivre, ce sera Dans les secrets d’une métamorphose. C'est dans cet esprit, que nous avons anticipé et amorcé dès la fin de l'année 2015 la constitution d'une banque d'images photographiques et vidéographiques en haute définition, ayant pour premier objectif d'alimenter cette nouvelle mémoire audiovisuelle du musée. Une série de tournages a été réalisée pour sauvegarder et illustrer le chantier des collections, première et passionnante aventure humaine et scientifique, en préambule à notre rénovation, et qui avait pour défi l'ultime inventaire, le conditionnement, puis le déménagement de près de 30 000 objets que comptent notre patrimoine vers notre nouveau pôle de Dugny. Pour terminer le tour des projets, nous voulons aussi reconstituer les réseaux qui irrigueront le musée : celui des universitaires, celui de l’éducation nationale avec l’enseignement de la mer à tous, les réseaux de nos partenaires du champ social pour la conduite de nos actions de démocratisation culturelles – j’y tiens particulièrement –, les réseaux associatifs et les fondations qui se consacrent aux sujets maritimes, celui enfin des musées maritimes du littoral français que nous réunirons d’ici la fin de l’année 2017. J’ai la même ambition au niveau international, notre musée est un des derux plus anciens musées de la marine du monde, il doit prendre la place qui est la sienne parmi les plus grands ! Il n'y a pas de légende sans ambition. Et cette ambition, qui a été exprimée pour la mer et la dimension maritime de notre pays, et partant pour ce musée comme vitrine de cette vocation nationale, cette ambition a sonné pour nous comme un défi.


Ce soir, le musée national de la Marine appareille vers son avenir !

C&M 1 2017-2018

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