Conférences

DCNS : navires militaires à la pointe du progrès

Hervé Guillou
Président-directeur général de DCNS

Le 18-05-2016

En introduction à la conférence d’Hervé Guillou, Bertrand Vieillard-Baron, après l’avoir félicité de son arrivée parmi les membres de la compagnie, a souligné que ces deux événements venaient à point nommé pour soutenir l’action de la section Sciences et techniques et de l’Académie dans son ensemble dans la relance de la mise en valeur du « Génie Maritime » comme une des branches majeures des sciences de l’ingénieur, dans laquelle la France a une réputation mondiale. La récente décision australienne de placer DCNS en tête des réponses à son appel d’offres pour douze sous-marins de grandes dimensions en est une claire illustration.


Le « génie maritime », qui couvre notamment la conception et la réalisation de tous les systèmes navals, navires militaires et marchands, off-shore, systèmes énergétiques en mer, systèmes d’exploration et d’exploitation des fonds marins, course en mer, plaisance, etc., est un intégrateur de nombreuses disciplines, architecture navale, hydrodynamique, science et mise en œuvre des matériaux, acoustique, informatique, cybernétique, contrôles et autres. C’est par excellence le domaine de la maîtrise de systèmes scientifiques et techniques complexes.

Pour que la France garde sa place à l’avant-garde du génie maritime, les questions de formation de tous niveaux, en particulier celle de l’apprentissage et des métiers de savoir-faire, et celles des jeunes techniciens, ont une grande importance. Certaines réflexions de l’Académie pourraient porter à l’avenir sur ce sujet.

La carrière d’Hervé Guillou, rappelée brièvement, est exemplaire en ce sens qu’elle commence à Cherbourg et Indret par un apprentissage de la vie industrielle sur des sites d’exploitation, avant des expériences de relations internationales (Royaume-Uni, Allemagne), de direction générale (Technicatome, divisions d’EADS) et d’état-major (DGA, EADS) pour arriver à la présidence de DCNS avec toute la légitimité nécessaire pour poursuivre les évolutions engagées.

DCNS, poursuit M. Guillou, est un leader du naval de défense. En 2014 elle était au huitième rang mondial avec 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires et les derniers résultats disponibles confortent sa position. Elle fabrique des produits parmi les plus complexes au monde, tant physiques (alors qu’un Boeing 777 compte 100 000 composants, un SNLE en a un million) que fonctionnels (alors qu’un Rafale requiert seulement 5 millions de lignes de codes, SETIS FREMM en a 20 millions). DCNS dispose d’une position unique en Europe avec la pratique de l’intégration de deux systèmes sur ses navires, d’une part la plate-forme avec ses équipements, tels le moteur, la ligne d’arbres, le propulseur et autres, tous intégrés dans un système de contrôle-commande, d’autre part le système de combat avec des senseurs (radars, sonars…), le Combat Management System, logiciel embarqué assurant la liaison entre les senseurs et les armes, les armes (missiles, torpilles…). Les principaux enjeux de sa croissance sont la maîtrise des programmes et la tenue des délais ; l’amélioration de ses performances opérationnelles et financières ainsi que la poursuite de la maîtrise de ses compétences souveraines ; le développement commercial et industriel à l’international, maîtrisé et diversifié tant pour les produits que pour les pays.

Il faut que DCNS soit en permanence à la pointe des technologies. D’abord parce que celles-ci sont au service des équipages. En temps de paix elles améliorent la fiabilité, la sécurité et la sûreté des lieux de vie courante et de travail des équipages ; en temps de crise ou de guerre elles offrent une supériorité et une capacité à durer à la mer. L’entreprise développe une innovation permanente et une recherche de compétitivité, à la fois pour répondre aux besoins de ses clients, pour conserver son avance technologique et pour améliorer ses processus industriels.

Puis M. Guillou dresse un état de l’art technologique sur les navires militaires les plus récents avec quelques exemples, ainsi les systèmes de management de plate-forme avec la présentation du pupitre du sous-marin Scorpène et de celui d’une FREMM ; puis le système de management de combat du SNLE Le Terrible. Il insiste sur le développement des techniques d’intégration dans une force aéromaritime ; sur les progrès considérables en matière de discrétion acoustique et de détection sous-marine grâce à la maîtrise améliorée de l’hydrodynamique, des senseurs acoustiques et des architectures de propulsion ; sur le développement de la construction modulaire avec des exemples comme les modules lance-armes (sur BARRACUDA ou FREMM), ou bien une mâture intégrée (ainsi sur les GOWIND), une chaufferie (sur BARRACUDA), et des installations de servitude (sur les FREMM).

Quelles sont les perspectives d’évolution technologique pour les navires futurs, tant pour les frégates multi-missions que pour les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins et les autres sous-marins ? Les capacités opérationnelles devraient s’accroître par l’intégration des algorithmes de détection et la fusion de données hétérogènes au système de direction de combat, par la mise en œuvre des drones, par la possibilité de navigation près du fond en eaux resserrées, par la capacité à gagner un état de mer pour la mise en œuvre du système de combat. L’autonomie en plongée des sous-marins classiques devrait être augmentée grâce à l’amélioration des piles à combustible et des batteries au lithium et à la réduction des besoins en énergie grâce aux les nouveaux revêtements de coque. La furtivité et la résilience devraient faire de grands progrès, avec notamment le développement de la cyber-sécurité. Il faut aussi souligner l’évolution favorable des processus de fabrication dans l’industrie.

Des ruptures technologiques importantes peuvent aussi être envisagées à plus long terme avec l’élaboration de navires virtuels permettant des simulations multi-physiques avancées et la recherche d’optimisation. Il faut envisager une amélioration de la vie quotidienne et des conditions de l’exploitation pour les hommes, en particulier grâce à l’interaction, à l’interactivité et au système expert. Il y aura certainement une amélioration des capacités opérationnelles avec le développement de nouvelles armes (ainsi l’arme laser ou les canons électromagnétiques et l’arme anti-aérienne pour les sous-marins), la poursuite de l’ultraconnectivité et l’utilisation de drones, l’accroissement de la mobilité (la supraconductivité permettra de gagner 5 nœuds sur les moteurs).

En conclusion, M. Guillou précise ses objectifs et ses moyens pour DCNS : il faut gagner la guerre et améliorer la compétitivité. Comment ? En maintenant un équilibre entre innovation, besoins opérationnels et maîtrise des risques ; en développant des compétences et des métiers hors normes ; en poursuivant une ouverture vers l’extérieur.


Discussion : J. Pépin-Lehalleur : Comment voyez-vous l’avenir des énergies marines renouvelables ? R. La filière des éoliennes en mer est très évoluée ; celle des hydroliennes est en développement et DCNS est parmi les trois premiers mondiaux avec un prototype en exploitation depuis huit ans et la construction de quatre machines ; pour l’exploitation de l’énergie thermique des mers, DCNS travaille sur la maîtrise des échangeurs et sur le développement d’une conduite eau de mer de 1 000 m.


A la suite de cette discussion Michel L’Hour, membre de la section Histoire, lettres et arts et directeur du Service des recherches archéologiques sous-marines et subaquatiques du ministère de la Culture, présente le programme Ocean one avec la réalisation de la première expérience de plongée d’un robot humanoïde sur une épave sous-marine.

C&M 3 2015-2016

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