Voyages d'étude et visites

Visite de l’Académie de marine au Salon de l’Aéronautique et de l’espace

C&M 3 2018-2019

Du 18-06-2019 au 18-06-2019

Un groupe de 14 membres et invités permanents de l’Académie de marine a visité le Salon de l’Aéronautique et de l’Espace du Bourget le 18 juin 2019. Cette année, le milieu aéronautique de la Défense était marqué par le dévoilement la veille de la maquette de l’avion de combat de nouvelle génération (New generation fighter, NGF) à la suite de la notification d’un contrat d’étude conceptuelle par la France et l’Allemagne aux sociétés Airbus et Dassault Aviation en février 2019. Le NGF devrait être opérationnel vers 2030.

L’Académie a été reçue au Groupement des industries aéronautiques et spatiales (GIFAS) par le capitaine de vaisseau (r) Bruno Lamy et conduit toute la matinée avec compétence par M. Bertrand Leroy.

Chez MBDA, le groupe a été reçu par le vice-amiral d’escadre (2s) Xavier Païtard qui a rappelé que cette société fabricante de missiles, de dimension mondiale, a un chiffre d’affaires annuel de 3 milliards d’euros et un carnet de commande de 18 milliards. Fondée par le Royaume Uni et la France, l’Allemagne et l’Italie y participant maintenant, elle emploie 11 000 personnes, dont la moitié en France. Elle a la taille critique au niveau mondial pour développer et produire des systèmes de souveraineté de missiles et les produire à des coûts acceptables. Elle développe les systèmes des années 2030 et au-delà pouvant franchir les systèmes maillés intégrés et les dispositifs anti-accès de guerre électronique qui seront en service alors. Notons, au-delà des prolongations en service, les développements actuels : le missile de croisière futur supersonique à plus de Mach 2 et d’une portée de plus de 500 km ; un missile agile pour les théâtres terrestres à grande réactivité pour museler les défenses antiaériennes ; des bombettes planantes à effet de grappe guidées par un missile-drone ; les évolutions des missiles air-air Mica et Meteor au grand succès à l’export ; un successeur de l’Aster 30 comme missile antibalistique à capacité trans-atmosphérique proposé à l’Union européenne.

Sur le stand de l’exposition statique du ministère de la Défense, l’ingénieur en chef de l’Armement Philippe Bourgault, au pied d’un Rafale marine, a relevé les différences avec celui de l’Armée de l’air, puis a présenté avec autorité les évolutions de standards du Rafale, du F3 au F3R vers le futur standard F4 qui comprendra une liaison satellite, l’amélioration des liaisons entre avions, de l’identification ami-ennemi et une mise à niveau des armements contre les menaces futures. Pour améliorer la disponibilité des Rafale, le développement d’un système d’information technico-logistique vient d’être confié à Dassault Systèmes.

Au même emplacement, les capacités des hélicoptères EC665 Tigre dans les versions HAD (appui destruction) et HAP (appui protection), tous deux employés de concert au Mali, ont été présentées au groupe par un lieutenant pilote de l’armée de Terre enthousiaste des capacités de son hélicoptère et revenant des opérations en Afrique.

Le groupe fut chaleureusement reçu par le vice-amiral (2s) Bruno Thouvenin, ancien commandant de l’Aéronautique navale, conseiller marine du président de Dassault-Aviation, Eric Trappier, capitaine de vaisseau de réserve. Il a rappelé, au travers de l’histoire des sociétés Breguet et Dassault, combien « la marine était dans l’ADN de la société Dassault ». Il a rappelé combien avait été bénéfique pour l’Armée de l’air que le Rafale, dont il a été pilote d’essai, ait été mis en service initialement dans la Marine. Il a souligné que l’écart entre deux conceptions d’un avion d’armes correspondait maintenant à une génération d’ingénieurs : le lancement du Rafale A a été effectué en 1984 et le NGF est lancé maintenant. La connectivité aux réseaux systématiquement requise actuellement pour tous les systèmes d’armes et de navigation et d’attaque est le défi technique du moment. Les sujets concernant la Marine sont actuellement l’Albatros, Falcon 2000LXS, dont sept devront être disponibles en permanence, destinés à remplacer les Guardian et les Falcon 50 de la Marine, ainsi que la modernisation du système d’armes de l’Atlantique 2 qui est en cours. Des Falcon 8X succéderont aux C160 Transall Gabriel de l’Armée de l’air. Ce même porteur pourrait-il être adapté à la patrouille maritime et proposé à la France et à l'Allemagne dans le cadre du programme de Système de lutte aéroporté maritime (Maritime Airborne Warfare System, MAWS) pour le remplacement des P-3 Orion et Atlantique 2 ?

M. Christian Bourdeille a présenté la société Safran, constituée initialement de la Snecma et de Sagem. L’effectif actuel est de 92 000 personnes. Les turboréacteurs CFM56 d’avions civils, réalisés conjointement avec General Electric, constituent actuellement le principal du chiffre d’affaires. 120 000 moteurs restent à construire ! Le réacteur LEAP, développé et construit dans la même organisation industrielle, à la consommation réduite et de grande fiabilité, destiné aux avions commerciaux monocouloirs, est entré en service en 2016. A cette activité de motoriste s’ajoutent les nacelles des moteurs d’Airbus 330, les trains d’atterrissage d’Airbus 350-900, les freins électriques du Boeing 787 Dreamliner, les activités relatives à la navigation comme les centrales à inertie de SNLE. Safran vient d’acquérir la société Zodiac, ce qui permet de prendre en charge l’aménagement intérieur des avions commerciaux, y compris les cuisines et lieux d’aisance. Pour la Défense, Safran produit aussi le réacteur M88 du Rafale, toujours en amélioration, et le drone tactique Patroller qui entre en service dans l’Armée de terre.

Le général de corps aérien (2s) Pierre Niclot nous accueille une nouvelle fois chez Thales. Il appelle l’attention du groupe sur la connectivité du futur nécessaire sur tous les théâtres d’opérations et pour tous les participants. C’est un changement de modèle de pensée et une nouvelle dimension. La politique de Thales est de réaliser toutes les briques technologiques de cette connectivité à l’aide des moyens techniques de l’instant et de progresser ainsi. Il faut recueillir, traiter, trier les flux de données, les analyser, les stocker et les diffuser en toute sécurité dans un contexte de guerre électronique agressive et de cyber-sûreté en utilisant les ressources des nuages informatiques (les Clouds), de l’intelligence artificielle et du calcul massif. La volonté réalisatrice de Thales est que l’homme soit toujours en position dominante pour exercer les choix nécessaires. Le groupe Thales, fort de 95 000 personnes avec une très forte proportion d’ingénieurs, a les moyens de relever ce défi.

M. Vincent Patard a pris le relais pour présenter les différents types du renseignement ; aux sources traditionnelles de renseignements, il ajoute l’OSINT (Open source intelligence) ; les résultats de ces différentes sources sont traités selon des critères prédéfinis et déclenchent des alertes pour réorienter la mission. Il prend exemple de la nouvelle bouée-sonore Sono-buoy, pour avions de patrouille maritime, à la fois passive et active à réseau de capteurs, qui rappelle l’ancienne bouée BARRA australienne, développée dans cet esprit, ainsi que le pod aéroporté AREOS, travaillant dans le visible et l’infrarouge, aux performances inégalées dans le monde, pour les avions d’armes.

La société Defense conseil international (DCI) est un réseau d’entreprises dont M. Luc Vieillard présente avec chaleur un outil pédagogique destiné à l’instruction technique et opérationnelle, qui serait appelé entraîneur dans la Marine voire simulateur pour les plus complexes, ayant pour but de faire acquérir la connaissance des systèmes complexes. Il prend exemple de la formation initiale des opérateurs de drones : par des exercices de plus en plus complexes à l’aide de ces entraîneurs, un opérateur est formé en trois à six mois. Le maintien à niveau et l’amélioration des compétences des opérateurs en unités opérationnelles sont également effectués sur ces entraîneurs. Ce type de matériel peut être utilisé conjointement aux vols pour la formation initiale en trois ans des pilotes d’avions d’armes ou des opérateurs de systèmes d’armes aéroportés.

L’impression générale de cette visite est que l’activité des grands acteurs industriels de l’aéronautique, qui permet de maintenir la compétence et d’assurer le chiffre d’affaires, est l’aviation commerciale civile. Les développements militaires ne peuvent être lancés qu’en coopération avec une forte volonté des Etats concentrant leurs moyens, avec la difficulté de la rédaction de besoins militaires communs et de règles d’exportation communes.

Le grand sujet technique dépasse l’aéronautique : c’est l’informatisation des activités humaines et, pour la Défense, du théâtre des opérations avec les apports de l’intelligence artificielle, du traitement massif des données, des nuages informatiques, dans un contexte de cyber-défense, ayant pour but la mise à disposition de chaque acteur, du commandant en chef au pilote ou à l’équipage d’aéronef, des informations nécessaires pour la conduite et le succès de sa mission.


Article rédigé par l’amiral Jacques Petit.

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