Voyages d'étude et visites

Pays-Bas

C&M 3 2010-2011

Du 02-05-2011 au 05-06-2011

Ce compte rendu a été rédigé par Mme Véronique de Longevialle, secrétaire général de l’Académie, et par M. Jean-Paul Nerrière, secrétaire de la section Droit et économie, pour les parties concernant la visite du port de Rotterdam et la rencontre avec la Marine Royale.

Trente membres et invités permanents ont participé à ce voyage.

Le Royaume des Pays-Bas est un Etat souverain dont la population compte 17 millions d’habitants. Il mesure 300 km du nord au sud et 200 km d’est en ouest. Le quart du territoire se situe sous le niveau de la mer et parfois à 6,75 m en dessous.

Lundi 2 mai

Après une (trop) courte halte à Delft, dont la majeure partie de la ville est en cours de réhabilitation, le groupe de visiteurs s’est rendu à Den Haag ou La Haye, ville de paix et de justice, dont l’atmosphère internationale s’impose.
Réception à la Résidence de France par S.E. l’Ambassadeur Jean-François Blarel
La Compagnie est accueillie par S.E. l’Ambassadeur Jean-François Blarel à la Résidence de France. Après avoir souhaité la bienvenue à l’Académie de marine, l’ambassadeur nous livre son opinion sur les Pays-Bas qu’il va quitter au terme de trois années fort intéressantes.
Les Pays-Bas sont avant tout pour la France un pays « exotique ». Aussi exotique que pourrait l’être un pays très éloigné, dans le sens où, dotés d’une culture germanique et d’une forte tradition religieuse calviniste, les Pays-Bas sont depuis toujours tournés vers la mer et le monde, alors que la France est davantage tournée vers la terre et l’intérieur.
Dans ce contexte, le travail de l’ambassadeur est d’abord bilatéral, avec pour mission essentielle de faire fructifier et de fortifier les relations entre la France et les Pays-Bas. Un travail de collaboration commune est ainsi fait, comme avec l’opération Atalante au large de la Somalie, non sans difficultés. Les premières victimes des coupes budgétaires sont en effet les militaires.
Les fonctions de l’ambassade de France ne sont pas uniquement bilatérales, elles concernent souvent la Cour internationale de Justice, située à La Haye.
Le président Jean-Pierre Quéneudec remercie l’ambassadeur Jean-François Blarel pour son accueil et son mot de bienvenue. Mais ajoute-t-il, la première personnalité rencontrée par les académiciens participant au voyage aux Pays-Bas, n’a pas été l’ambassadeur de la République mais le célèbre juriste Hugo De Groot, plus connu sous le nom de Grotius, dont ils ont admiré la statue à l’occasion d’une courte halte à Delft ! Le président évoque le souvenir de ses divers séjours à La Haye, notamment sa première invitation à la Résidence il y a 50 ans… Puis il présente l’Académie de marine, vieille dame, qui fêtera ses 260 ans en 2012 et dont l’anniversaire sera célébré à Brest, son lieu de naissance. Après une brève description de la Compagnie, le président précise les trois objectifs du voyage de l’Académie au Pays-Bas : présentation et visite du port de Rotterdam ; la Cour Internationale de Justice et sa jurisprudence en matière maritime ; la base navale de Den Helder.
Il remercie à nouveau l’ambassadeur Blarel puis lui remet la médaille de l’Académie de marine.

Mardi 3 mai

Visite du port de Rotterdam
L’Académie de marine aura été somptueusement accueillie par le premier port d’Europe. Visite parfaitement montée et conduite par une organisation dont l’ampleur et l’activité rappellent cruellement que la porte de l’Orient n’est plus vraiment Marseille.
Merveilleusement francophone, le directeur responsable des relations extérieures, M. Frans Van Keulen, nous consacrera sa journée, en commençant par une présentation détaillée du port. Nous ne sommes pas les seuls à nous y intéresser : il accueille 18 000 visiteurs par an.
Rotterdam remonte à un modeste village de pécheurs au bord de la rivière Rotte (littéralement eau boueuse), à l’emplacement où fut, de très bonne heure, établi une digue ou barrage (dam). La mer était distante d’une trentaine de kilomètres dans un estuaire parfaitement abrité et facile à protéger. Les rives, plates, ont permis l’édification du port moderne, qui ne cesse de se développer en aménageant de nouvelles terres, et surtout en conquérant des surfaces sur la mer. Le procédé consiste à draguer des canaux et des darses aux bonnes sondes et à empiler les produits de dragage, principalement du sable, pour constituer les terre-pleins et aires de stockage qui les sépareront. Au XIVème siècle, la remontée de l’estuaire pouvait prendre d’une à deux semaines. De nos jours, quelques heures, et les marchandises sont en outre déchargées dans les postes en aval et acheminées par route et souvent autoroute, par fer (dont un réseau réservé exclusivement à la marchandise, faisant circuler un convoi toutes les sept minutes), par barge et par conduites enterrées (réseau de 1 500 km pour toutes sortes de denrées, pétrole brut et raffiné, gaz combustible, oxygène, hydrogène et azote, pétrochimie, etc.).
Entreprise privée depuis 2004, employeur de 1 500 personnes, avec pour actionnaires l’Etat néerlandais (30 %) et la ville de Rotterdam (70 %), le port couvre une superficie de 100 km2, dont 40 en terrains desservant les postes à quai. Une bonne partie se trouve sous le niveau de la mer et doit donc être protégée par des digues et écluses, dont les plus spectaculaires à portes flottantes en secteurs circulaires pivotants ouvrent sur une largeur de 300 mètres.
Les chenaux d’accès offrent des fonds maintenus par dragage à 25 m, bien au-delà des besoins des plus grands navires actuels. La connexion au Rhin, à l’ensemble de son bassin et au premier cœur de l’Europe industrielle est facile, et absorbe ou engendre la moitié des 430 millions de tonnes de marchandise transitant annuellement par Rotterdam. Au total, le port voit passer 35 000 navires par an, pas loin de cent par jour, et 110 000 barges ou péniches.
Rotterdam est aussi le premier port d’Allemagne, avec un trafic de 100 millions de tonnes, de et vers cette destination. C’est ainsi que, depuis vingt et un ans, un minéralier de 360 000 tonnes ravitaille toutes les six semaines les aciéries Thyssen avant de repartir lège vers le Brésil en y emportant la cargaison suivante. C’est également le port de l’Autriche.
Le réseau fluvial, essentiel ici, est donc l’objet d’attentions minutieuses et d’une surveillance active des niveaux de pollution, quelle que distante que puisse en être l’origine. Des initiatives énergiques, avec les équipements nécessaires, visent à la limiter et à l’éliminer, dont des lacs artificiels destinés au recueil et traitement des denrées suspectes qui y seront collectées.
Le port n’est propriétaire et responsable que des terrains, des voies navigables et des aménagements ainsi que des services afférents, comme la capitainerie qui, avec 550 salariés, assure les tâches coutumières en même temps que l’armement de 10 bateaux de surveillance et de lutte contre les pollutions. Grues, portiques, citernes pour vrac liquide, etc., sont dans les mains d’entrepreneurs privés. Remorquage et pilotage sont également sous-traités à des entreprises privées, aux tarifs contrôlés par le ministère des Transports néerlandais. Les commandants de navires de moins de 110 mètres peuvent, en fonction de leur nombre de touchées au port de Rotterdam, obtenir une licence les dispensant de faire appel à un pilote.
Les corporations orbitant autour du port ne dépendent donc pas de lui directement, mais achètent ou louent la capacité d’opérer. Notre présentateur est donc moins renseigné sur leurs organisations respectives. Il pense ne pas se tromper en indiquant que les portiqueurs de Rotterdam travaillent 35 heures par semaine, et partent en retraite entre 57 et 62 ans.
Avec 430 millions de tonnes de marchandise en 2010, Rotterdam est le quatrième port mondial, la première place, avec ses 650 millions de tonnes annuelles, revenant, à Shang-Haï, visité en 2005 par l’Académie lors d’un voyage organisé par le président Guibert. Le Havre, avec ses 60 millions de tonnes, et Marseille avec 80 nous semblent tout à coup bien modestes.
Les conteneurs représentent 112 millions de tonnes, avec de l’ordre de 14 millions d’EVP manutentionnés le long de quais, totalisant pour ces navires un linéaire de 6 km. La plupart des aires sont servies par des véhicules à guidage automatique.
Le vrac liquide, pour moitié pétrolier, représente 209 Mt, et alimente cinq raffineries sur site qui en traitent 50 % avant réexpédition. Le vrac sec, principalement du minerai et du charbon, soit 84 Mt, est presque en totalité (90 %) destiné à l’Allemagne. Le port accueille des pétroliers de 450 000 t et dispose déjà des portiques permettant de traiter les porte- conteneurs de 400 mètres de long et 57 de large, et les unités de 18 000 EVP en construction en Corée. Rappelons que les Panamax font 297 mètres par 33 de maître-bau. L’immensité du port est naturellement divisée en zones spécialisées, affectées non seulement à des marchandises, mais aussi à des compagnies. Maersk vient ainsi de réserver une aire de stockage des conteneurs amenés par ses navires, dans les 700 hectares offerts à ce propos par le nouveau port Maasvlakte 2 en cours de construction à l’ouvert de l’estuaire de la Meuse (dont il tire son nom « plaine de la Meuse »). Disponible dès 2013, il augmentera les capacités de Rotterdam de 20 %, et permettra surtout l’accueil des porte-conteneurs géants qui ne trouveront leur tirant d’eau ni à Anvers ni à Hambourg.
Ce projet de trois milliards d’euros est financé par le port lui-même, avec un prêt consenti par l’Etat, et dont il est soigneusement souligné qu’il ne s’agit ni d’un cadeau ni d’une subvention. Le chargement optimisé des feeders à partir de ces multiples zones de stockage intermédiaire des conteneurs doit poser à l’informatique de jolis problèmes de recherche opérationnelle, mais ils ne seront pas discutés ici. En revanche, comme dans nos ports, un système unifié de liaisons informatiques assure le flux des données entre les différentes corporations du port, en parallèle du flux physique des marchandises. La politique du port est marquée par le plus grand réalisme. La concurrence avec les voisins d’Anvers et d’Amsterdam appartient à une ère révolue. Une alliance des trois ports vise à échanger tout ce qui peut améliorer les efficacités, et à éviter les rivalités stériles.
Notre contact se poursuit par une visite du port à bord de la vedette armée par le port. Une courte partie seulement sera proposée à notre examen, la taille interdisant le parcours complet. L’hospitalité y sera à nouveau exquise, tout autant que le déjeuner servi à bord, avec le pavillon français arboré en courtoisie sur la drisse tribord. (Jean-Paul Nerrière)
Après cette remarquable visite et présentation du port de Rotterdam, le groupe regagne La Haye pour une réception à la Cour internationale de Justice.

Visite de la Cour internationale de Justice (CIJ)

C’est au milieu d’un parc de 7 ha que le Palais de la Paix, construit en 1913 sur les plans de l’architecte français Louis Cordonnier, nous ouvre ses portes. Il fut construit pour la Cour permanente d’arbitrage, ancêtre de la Cour internationale de Justice, grâce au don fait par un industriel philanthrope américain, Andrew Carnegie. Aujourd’hui c’est la fondation néerlandaise Carnegie qui en est propriétaire et administrateur. On peut remarquer à l’intérieur un grand nombre de boiseries, de vitraux, de mosaïques, de tapisseries et d’objets d’art, tous offerts par les Etats qui ont participé aux conférences de la paix à La Haye ; ils reflètent également la diversité des cultures. Le Palais abrite l’une des plus grandes bibliothèques de droit international public au monde, la bibliothèque Carnegie. Le Palais accueille également les cours d’été de l’Académie de droit international de La Haye.
La Compagnie est accueillie par M. Jean-Pierre Issélé, secrétaire juridique principal et chef du département des Affaires juridiques du greffe de la Cour internationale de Justice. Il nous donne un bref aperçu de l’histoire et de la mission de la CIJ.
La Cour Internationale de Justice est née de la signature de la Charte des Nations Unies, le 26 juin 1945. Elle est ainsi devenue le principal organe judiciaire des Nations Unies : « Un corps de magistrats indépendants, élus, sans égard à leur nationalité, parmi les personnes jouissant de la plus haute considération morale… » (extrait du statut de la CIJ). La création de la CIJ est l’aboutissement d’une longue évolution des méthodes de règlement pacifique des conflits internationaux. Ainsi, le but premier de la CIJ est de réaliser par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l’ajustement ou le règlement de différends ou de situations de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix. La Cour a commencé ses activités en 1946, prenant la suite de la Cour Permanente de Justice Internationale (CPJI) qui avait été instituée en 1920 sous l’égide de la Société des Nations (SDN).
La CIJ est composée de 15 juges, originaires de différentes régions du monde et élus pour 9 ans. Ils sont rééligibles. Les élections ont lieu généralement à l’automne au siège de l’ONU. Ils sont élus par l’Assemblée générale et par le Conseil de sécurité. Le président et le vice-président de la CIJ sont élus par leurs pairs tous les trois ans au scrutin secret. Il n’y a pas de limitation du nombre des mandats de juge : M. Shigeru Oda (Japon) fut juge pendant 27 ans alors que M. Richard Baxter (Etats Unis) ne le fut que pendant 19 mois… Une fois élus, les membres de la Cour ne représentent ni leur gouvernement ni aucune autre autorité. Ce sont des magistrats indépendants dont le seul devoir est d’exercer en « pleine et parfaite impartialité ». Le président de la CIJ doit résider à La Haye tandis que cela n’est pas une obligation pour les membres qui sont simplement tenus d’être à la disposition de la Cour à tout moment. Les juges ne peuvent exercer de politique, ni se livrer à aucune occupation de caractère professionnel pendant leur mandat. Les membres de la Cour bénéficient des mêmes privilèges, immunités et facilités que les diplomates. Le président de la Cour a quant à lui préséance sur tous les ambassadeurs accrédités auprès du souverain néerlandais, y compris le doyen du corps diplomatique. Celui-ci vient après lui et est suivi par le vice-président de la CIJ. Les fonctionnaires du greffe bénéficient des mêmes privilèges et immunités que les membres des missions diplomatiques ; ils sont soumis au même statut et règlement que le personnel de l’ONU.
Le président dirige les travaux de la Cour et contrôle ses services, le vice-président le remplace uniquement en cas d’absence, d’empêchement ou de vacance. Il est assisté d’une commission administrative (le greffe) et budgétaire, ainsi que de divers comités tous composés de membres de la Cour. Le greffier, qui a le même rang qu’un sous-secrétaire général de l’ONU, est élu par la Cour pour sept ans, de même que son adjoint. Tous deux sont rééligibles. Tout comme le président, le greffier s’occupe des communications émanant de la Cour et il assure aussi les relations entre la Cour, les Etats, les organisations internationales et les Nations Unies. Il est responsable des archives, des publications de la Cour et de la préparation du budget. Outre le président, le vice-président, les juges et le greffe, la Cour possède également des juges ad hoc. Lorsqu’un Etat partie dans une affaire devant la Cour ne dispose pas d’un juge de sa nationalité, il a la faculté mais non l’obligation de désigner un juge ad hoc pour cette affaire. Celui-ci fait la même déclaration solennelle que les membres de la Cour lors de sa prise de fonctions. Il est aussi à la disposition de la Cour et est tenu d’assister à toutes les séances concernant l’affaire à laquelle il participe. Il arrive parfois que certains juges ad hoc soient élus membres de la Cour. La Cour est constamment en session. Outre les audiences publiques, les membres participent à un grand nombre de réunions : délibérations, lectures de projets de décision, sessions administratives et réunions en comité. La Cour est également habilitée à confier une expertise ou une enquête à toute personne et organe de son choix, elle peut aussi se rendre sur le lieu du litige. Le règlement de la Cour prévoit que si le président est un ressortissant de l’un des Etats représentés dans une affaire, il cède alors la présidence au vice-président pour la circonstance.

Quel droit la Cour applique-t-elle ?

Les sources de droit que la Cour doit appliquer sont définies par l’article 38 de son Statut : conventions et traités internationaux ; coutume internationale ; principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées ; décisions judiciaires et écrits des auteurs les plus qualifiés.
Seuls les Etats peuvent être parties à des affaires contentieuses devant la Cour. La Cour ne peut pas traiter des différends entre un Etat et une organisation internationale ou entre deux organisations internationales. Un ancien magistrat faisait ainsi remarquer : « Les affaires devant la Cour ont porté sur de vastes étendues de notre planète. La Cour est réellement devenue planétaire ; elle a eu à connaître des affaires mettant en jeu la vie et le bien-être d’un nombre considérable d’hommes et de femmes. »
Depuis sa création en 1946, la CIJ a été saisie de plus de 130 affaires dont 80 % de différends entre Etats et 20 % de demandes d’avis consultatifs présentés par des organes ou des institutions spécialisées de l’ONU. Depuis 1985 le nombre d’affaires portées devant la Cour ne cesse de croître. Plus de la moitié des affaires contentieuses portent sur des différends territoriaux et frontaliers. Une part importante concerne les différends maritimes et les questions liées au droit de la mer. La décolonisation de l’Afrique, en particulier, a donné lieu à un grand nombre d’affaires devant la Cour, les jeunes Etats attachant une grande importance à la stabilité de leurs frontières. La cause de ces différends concerne souvent des enjeux maritimes : zones de pêche ou zones économiques réputées riches en ressources énergétiques ; plateau continental ou mer territoriale ; liberté de la haute mer, détroits internationaux, droits de l’Etat du pavillon, droit de passage et d’exploration. La Cour connaît un grand succès dans la résolution de ces différends. La Cour est un rouage important du mécanisme international de promotion et de maintien de la paix. Elle a souvent désamorcé des crises potentiellement explosives et contribué à normaliser des relations entre Etats. La Cour est un instrument efficace de diplomatie préventive. Sauf à de très rares exceptions les Etats se conforment aux arrêts de la Cour et en exécutent les termes.

Quels sont le budget et la rémunération de la Cour ? Le coût d’une procédure ?

Les membres de la CIJ percevaient en 2000 un traitement annuel de 160 000 dollars. Le président reçoit une allocation supplémentaire. Les traitements et les allocations sont fixés par l’Assemblée générale de l’ONU et ils sont exempts de tout impôt. Le budget annuel de la CIJ est voté par l’Assemblée générale de l’ONU, il représente moins de 1 % des dépenses des Nations Unies. A titre d’exemple en 2000-2001 il représentait 11 millions de dollars.
La Cour ne coûte rien aux parties, ni émoluments, ni frais administratifs ou de traduction. Ils sont entièrement pris en charge par l’ONU. Leurs seuls frais sont les honoraires de leurs avocats et de leurs conseils. Les Etats qui ont des difficultés financières ont accès au Fonds d’affectation spéciale créé en 1989 par le Secrétaire général de l’ONU. Ce fonds est alimenté par des dons des Etats membres de l’ONU et a pour but d’aider les Etats les plus démunis. Ainsi, en 1980, il a servi pour procéder à la délimitation sur le terrain de la frontière fixée par la Cour entre le Burkina Faso et la République du Mali.
A l’issue cette présentation par M. Issélé, la délégation de l’Académie de marine a le plaisir de saluer brièvement le président de la Cour internationale de Justice, S.E. M. Hisashi Owada. Le président Quéneudec le remercie d’avoir permis à l’Académie de siéger quelques moments à la Cour et lui remet la médaille de la Compagnie.
Nous pourrons conclure notre visite en empruntant la citation de Montesquieu (1689-1755) :
« Un jour viendra où le droit sera le souverain du monde » et en citant aussi M. Diogo Freitas do Amaral, président de la 50ème session de l’Assemblée générale de l’ONU, qui déclarait, lors du 50ème anniversaire de la Cour en 1996 : « hors l’empire du droit, l’humanité ne peut atteindre ni à la paix, ni à la liberté, ni à la sécurité qui lui permettront de poursuivre le développement d’une société civilisée. »

Mercredi 4 mai

Nous sommes rejoints à l’hôtel par l’Attaché de Défense pour les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg, le capitaine de vaisseau Arnaud d’Aboville, en compagnie de qui nous partons pour la base navale de Den Helder où l’Académie de marine est attendue par le Capitaine de frégate Maarten Poortman, représentant de la Marine Royale Néerlandaise.

Rencontre avec la Marine Royale Néerlandaise

Rencontre non moins plaisante et non moins informative avec la Marine Royale Néerlandaise. Après les propos introductifs du CV d’Aboville, nous pouvons voir une présentation illustrée, préparée à notre intention par le capitaine de frégate Marteen Poortman. Récent élève de notre Collège Interarmées de Défense, il est une vivante illustration de notre rayonnement dans le domaine militaire et une démonstration concrète que notre langue attire des personnes de qualité, la pratiquant avec passion et fierté.
Les informations se rejoignent donc pour nous rappeler qu’avec 16,5 millions d’habitants, les Pays-Bas représentent en population le quart de notre pays. Les Forces armées y sont à peu près homothétiques des nôtres dans un rapport voisin : elles emploient 68 000 personnes, pour un budget de 8,5 milliards d’euros. La situation économique de la nation n’a rien à envier à la nôtre, et un récent gouvernement de coalition s’attaque à la réduction de la dette et au retour rapide vers les exigences de Maastricht avec une résolution exemplaire. Le budget annuel des Armées subit une coupe de 650 millions d’euros tandis que les missions supplémentaires s’additionnent : contre la cybercriminalité, contre-mesures à installer pour se protéger des missiles balistiques, lutte contre la piraterie, le terrorisme, le trafic de stupéfiants. A périmètre identique, la coupe s’évalue à 12 ou 13 % des moyens financiers. Toutes les armées sont concernées. La Marine est sévèrement touchée et son format sera dorénavant limité à vingt-et-un bâtiments cependant que les effectifs passeront de 9 500 à 8 400 hommes.
Le capitaine de Frégate Peter Van Maurik analyse ensuite les implications de cette arithmétique énumère les principales missions assignées dans les domaines de la sécurité et de l’affirmation de la souveraineté et d’une présence active.
La vision favorisera le déploiement en zone lointaine, avec une intégration renforcée entre la Marine et les fusiliers marins.
Le souci d’économie et d’optimisation a conduit à un rapprochement organique avec la Force Navale Belge, dont un capitaine de vaisseau s’est associé à la visite de l’Académie de marine. Entretien et réparations, mise en condition, mettent les moyens en commun, chaque pays conservant sa totale souveraineté quant à l’emploi.
L’action en mer est confiée à une Garde-côtes, décrite comme voisine en conception de la Coast Guard américaine : statut civil, personnel détaché, surtout officiers, pouvant provenir de la Marine Royale. Existe aussi une Gendarmerie maritime ; il est laissé entendre que Napoléon aurait laissé à ce pays la certitude qu’une force de police et de maintien de l’ordre militaire, plutôt que fonctionnaire, était une excellente idée. Elle trouve donc son application dans le domaine maritime.
Enfin, la Marine Royale, consciente de son importance dans les enjeux présents, entreprend une large campagne d’information et de sensibilisation dont le CF Van Maurik est l’organisateur et l’interprète principal. Elle positionne la Marine Royale en regard de l’économie, de la volonté de stabilité du pays, et des problèmes d’importance globale évoqués ci-dessus. L’incidence de ces facteurs est différente selon les orientations des partis politiques, mais le langage de conviction doit être tenu et écouté. L’industrie est mobilisée au service de cette cause.
Le capitaine de vaisseau Hugo Ammerlaan nous reçoit à bord de son bâtiment, la frégate anti-aérienne Zeven Provincien, bâtiment très bien tenu. Si les marins ont des états d’âme devant les sacrifices qui leur sont imposés, ils ne transparaissent ni dans les attitudes, ni dans les propos tenus, y compris en excellent français par cet officier. Les interrogations doivent pourtant être nombreuses et pressantes.
La frégate est une unité de 4 400 tonnes, donc intermédiaire entre nos Horizon et nos La Fayette. Equipage de 200 hommes, dont nombre de femmes, et dont 30 officiers. Elle est propulsée jusqu’à 28 noeuds par deux hélices à pas variable, entraînées principalement par des turbines à gaz Rolls Royce et accessoirement par des diesels. L’électricité est produite à 6 000 volts, et distribuée par des câbles redondants de moindre importance que dans les organisations précédentes, vers trois centres répartis de transformation et redistribution.
L’outil de détection principal est un radar de veille aérienne fourni par Thales, capable d’acquérir ses cibles à 400 km de distance. L’armement fait appel à un catalogue important, dont l’essentiel a été présenté. Le projet de modernisation important vise à équiper les missiles SM2-MR d’une capacité d’interception des missiles balistiques, dont ils sont encore privés, mais dont l’OTAN aimerait que ces bâtiments soient pourvus. Incertitude sur le budget…
Au total, la Marine Royale aura donné l’impression d’une force cohérente et motivée en dépit d’un horizon budgétaire peu propice à l’optimisme. Les missions sont réévaluées, et la détermination à les calibrer, à les assumer et à les conserver ne fait aucun doute. (JP N).
Notre journée, ainsi que notre périple néerlandais s’achèvent par une très intéressante visite du musée Mauritshuis menée par une guide passionnée et parlant un excellent français. Malheureusement notre emploi du temps très serré ne nous permettra pas de contempler davantage ces maîtres flamands dont l’art et la technique restent tout aussi grandioses à travers les siècles.

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