Conférences

Cycle du carbone et climat : rôle de l’océan et recueil d’observations à partir des bateaux (commerce et plaisance)

Yves Dandonneau
Directeur de recherche au laboratoire d’océanographie dynamique et de climatologie de l’Institut de recherche pour le développement

Le 29-05-2019

Bruno Voituriez, président de la section Navigation et océanologie, présente M. Yves Dandonneau, directeur de recherche au laboratoire d’océanographie dynamique et de climatologie de l’Institut de recherche pour le développement.

Le point de départ de cette recherche est l’augmentation de la concentration en gaz carbonique de l’atmosphère : celle-ci était d’environ 280 parties par million à la fin du XIXème siècle et elle est aujourd’hui accrue à 414 parties par million. Cette hausse est due principalement à la combustion du charbon et des hydrocarbures fossiles, mais aussi à la production de ciment ainsi qu’au changement d’usage des sols en raison de la déforestation.

Davantage de gaz carbonique dans l’atmosphère stimule la croissance des végétaux ; de ce fait la biosphère terrestre absorbe 12 gigatonnes de gaz carbonique par an. L’océan est le plus grand réservoir de gaz carbonique de la Terre. Il échange en permanence avec l’atmosphère et il héberge le plancton qui respire et est doué de photosynthèse. Au bilan, il absorbe 9 gigatonnes de gaz carbonique par an. Le plancton exporte 13 gigatonnes de gaz carbonique par an et en fixe une quantité égale. Il n’absorbe pas de gaz carbonique anthropique ; les observations réalisées depuis qu’on observe la couleur de l’océan ne mettent pas en évidence un changement dans la biomasse du plancton.

Cette inefficacité de la pompe biologique pour extraire du gaz carbonique de l’atmosphère n’est pas vraiment une surprise. Mais pour fabriquer de la matière vivante il faut aussi, entre autres, de l’azote et du phosphore. Il faut encore 16 molécules de nitrate pour fixer 106 molécules de gaz carbonique, soit un rapport égal à 6,6. Or, la quantité de nitrate dans l’océan est restée pratiquement inchangée depuis le début de l’ère industrielle. Les exceptions sont les coccolithophoridés qui fabriquent du calcaire et du gaz carbonique, ainsi que le trichodesmium qui est capable de fixer le diazote.

Si le rôle du plancton dans les échanges de gaz carbonique entre l’océan et l’atmosphère est mineur, on ne connaît pas l’influence du réchauffement global sur la composition et l’évolution du plancton. Pour la mesurer une expérience a été conduite de 1999 à 2003 à bord du porte-conteneurs Contsphip London lors de ses trajets, avec des prélèvements effectués cinq fois par jour sur lesquels sont pratiquées les mesures de 23 pigments ainsi que des sels nutritifs, carbonates et bactéries.

Il apparaît que l’ajout de gaz carbonique dans l’atmosphère y augmente la pression partielle et génère un déséquilibre : du gaz carbonique passe dans l’océan. C’est la « pompe physique » de gaz carbonique et tout ajout de CO2 dans l’atmosphère la déclenche. La pression partielle de gaz carbonique est très variable selon l’activité biologique et les saisons. Par exemple, 10 mol par kilogramme de nitrate permettent la fixation de 68 mol par kilogramme de gaz carbonique. Une telle diminution de la concentration en carbonates dans l’océan induit une baisse de la pression partielle de gaz carbonique de 410 à 225 atmosphère normale environ, en une dizaine de jours. Autre exemple : une baisse de la température de surface de l’océan en automne de 4° C induit une baisse de la pression partielle de gaz carbonique de 410 à 338 atmosphère normale. Ces variations sont de plus grande amplitude que celles qui sont dues aux émissions anthropiques, mais elles sont réversibles.

Le gaz carbonique qui pénètre dans l’océan y rejoint la famille des carbonates. Celle-ci comprend le gaz carbonique et aussi les ions carbonate et bicarbonate, tous présents en équilibre. Tout ajout ou retrait d’une quantité de l’un des termes active une réaction vers une composition plus acide ou moins acide (selon le facteur de Revelle) afin de rétablir l’équilibre.


Le point essentiel est que plus l’océan contient de gaz carbonique, plus son acidité augmente, et moins il devient capable d’en absorber.


La couche mélangée de surface s’équilibre avec l’atmosphère en six mois environ. C’est elle qui est la principale composante du puits océanique de carbone. L’océan profond et la couche mélangée de surface communiquent par les mélanges turbulents provoqués en particulier par les mouvements cycloniques et lors du refroidissement hivernal. Ces deux processus apportent en surface une eau qui s’est équilibrée avec le gaz carbonique de l’atmosphère bien avant le début de l’ère industrielle. L’océan profond met environ mille ans pour se renouveler. C’est le temps qu’il faut pour qu’un équilibre soit atteint avec l’atmosphère.

Qu’en sera-t-il dans un futur lointain ? Le puits de carbone dû à la croissance de la biomasse terrestre devrait diminuer très fortement, d’une part parce que l’effet fertilisant de ce gaz n’existera plus dès que la respiration s’équilibrera avec la photosynthèse, d’autre part parce qu’à une température plus élevée, avec des risques de sécheresse, la croissance de la végétation terrestre sera freinée. Par ailleurs, un océan devenu plus acide d’avoir absorbé de grandes quantités de gaz carbonique l’absorbera moins facilement : plus de la moitié du gaz carbonique injecté est absorbé par la végétation terrestre et par les océans après cent ans ; l’océan profond en mille ans en absorbe encore environ 20 % ; au bout de dix mille ans la réaction avec les carbonates de calcium des sédiments laisse encore 15 % du gaz carbonique injecté ; le reste persistera encore 100 000 à un million d’années, le temps qu’il faut pour restaurer l’alcalinité de l’océan par l’altération des silicates.

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