Projet Polar pod de bouée laboratoire
dérivant dans le courant circumpolaire antarctique
Jean-Louis Etienne
Explorateur polaire scientifique
Le 19-12-2018
Le docteur Jean-Louis Etienne, coéquipier d’Eric Tabarly lors de sa course autour du monde en 1977 et 1978, explorateur polaire scientifique, premier homme à atteindre le pôle Nord en 1986 en tirant lui-même son traineau pendant 63 jours, lauréat du prix Manley-Bendall de notre Compagnie en 2006, prépare une campagne d’exploration de l’océan Austral, la Polar Pod Expedition, dont il a bien voulu nous présenter les grandes lignes de l’organisation matérielle et les principaux objectifs scientifiques.
L’immense océan Austral est mal connu car les campagnes océanographiques y sont rares. C’est pourtant un acteur majeur du climat car ses eaux froides absorbent une part importante du CO2 émis par les activités humaines ; il relie les eaux des océans Atlantique, Indien et Pacifique avec les eaux froides de l’Antarctique ; c’est la principale source de formation des eaux profondes de l’océan mondial. C’est aussi une réserve de la biodiversité marine, un immense refuge d’oiseaux de mer et de mammifères marins. Selon l’avis unanime de la Commission océanographique intergouvernementale de l’UNESCO il est nécessaire de pratiquer des mesures in situ.
La difficulté est de concevoir un vaisseau offrant des conditions de confort au travail et de sécurité dans les « cinquantièmes hurlants » de cet océan et le bureau d’ingénierie navale Ship St de Lorient a ainsi conçu le Polar pod. Pour échapper à l’agitation des vagues il faut un navire avec un fort tirant d’eau, pris dans les eaux stables profondes, et une faible surface à l’impact des vagues. Le Polar pod est inspiré du Flip, la plateforme océanographique américaine ; sur le même principe, le Polar pod sera tracté à l’horizontale jusqu’à la zone d’étude et basculé en position verticale par remplissage des ballasts à l’eau de mer. C’est une plateforme de 100 m de hauteur pour un poids de 1 000 tonnes en charge et elle est dimensionnée pour affronter les plus grosses vagues du monde. Le lest du fond pèse 150 tonnes. La structure de la nacelle est en aluminium et la coque extérieure en acier spécial pour encaisser les plus violentes tempêtes. La construction est certifiée par le Bureau Veritas.
La nacelle, située à 15 m au-dessus de la surface, est équipée pour héberger huit personnes (3 marins, 4 ingénieurs, 1 observateur) avec 6 mois d’autonomie. Pour alimenter les équipements scientifiques et les nécessités de la vie quotidienne, la production d’électricité est assurée par quatre éoliennes et des cellules photovoltaïques. Le Polar pod est bien plus stable et confortable qu’un navire traditionnel. Avec un tirant d’eau de 75 mètres, ce « navire vertical » est très stable.
Entraîné par le courant circumpolaire autour de l’Antarctique il fera un « tour du monde » de 24 000 km entre 50° et 55° de latitude sud, à la vitesse moyenne d’un nœud durant au moins deux ans. Soumis à des vents contraires et à des courants défavorables il ne suivra pas une trajectoire rectiligne. Avec des voiles et un propulseur transversal à 10 mètres sous la flottaison il a la capacité d’infléchir son cap pour s’éloigner des icebergs.
Les équipages seront relevés tous les deux mois à l’aide d’un navire type supply de haute mer, affecté en permanence à la mission avec douze personnes. Il partira du port le plus proche pour rejoindre le Polar pod sur son trajet de dérive.
Cette plateforme, stable et silencieuse, est adaptée pour : 1. Mesurer les échanges air/océan, notamment le CO2 pour évaluer son rôle sur le climat. 2. Dynamique des vagues. 3. Suivi et études des tourbillons du courant. 4. Collectes de planctons et évaluation de l’impact de l’acidification. 5. Inventaire par acoustique de la faune marine. 6. Validation en mer des mesures satellitaires : couleur de l’océan, hauteur des vagues, vitesse des vents et du courant. 7. Mesures des aérosols et leurs sources. 8. Observation aérienne de la faune marine, baleines, oiseaux de mer.
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