Conférences

Automatisation et autonomisation des navires, thème retenu pour l’année académique 2018-2019

Yves Desnoës
Ingénieur général

Le 15-10-2018

En ce début d’année académique, j’ai l’honneur et le plaisir de devenir le quatre-vingt-unième président de notre Compagnie. Pour ce nouveau biennat, durée bien courte à l’échelle des projets humains, il importe de suivre une route bien définie, ce qui a été préparé de main de maître par mon prédécesseur Alain Coldefy, que je ne saurais trop remercier pour sa confiance amicale. J’ai été totalement associé aux réflexions stratégiques depuis deux ans et c’est tout naturellement que je prolonge les actions de mes prédécesseurs.

Le changement le plus visible dans la vie de l’Académie sera l’installation dans de nouveaux locaux particulièrement prestigieux à l’Hôtel de la marine, prévue vers la fin de 2019 ou le début de 2020. Je n’en dis pas plus car les modalités précises restent à définir et le chantier de l’Hôtel de la marine est loin d’être terminé, comme nous avons pu le constater récemment lors d’une visite sur les lieux. Ce qui est certain, c’est que ce sera un formidable outil pour notre Académie et qu’il faut se préparer à en faire le meilleur usage.

C’est dans cet esprit qu’un changement moins visible, mais plus en profondeur, porte sur les travaux de l’Académie : celle-ci a décidé de mieux structurer et cibler ses actions tout en améliorant l’audience des rapports, synthèses et recommandations qu’elle publie régulièrement. A cette fin, elle a notamment décidé de retenir chaque année un « thème d’approfondissement » débouchant sur un colloque, généralement en partenariat, car il est peu de domaines maritimes où d’autres organismes français ne soient pas compétents.

Le thème doit être porteur d’avenir et inclure une problématique ; pour l’année qui s’ouvre, nous avons retenu « automatisation et autonomisation des navires », qui nous semble bien répondre à ces objectifs et pour lequel nous avons déjà un partenariat en vue pour un colloque ; je n’en dis pas plus pour l’instant sur ce colloque car nous n’en sommes encore qu’aux préliminaires.

Le thème d’approfondissement donnera lieu à une mise en commun de l’ensemble unique de compétences et expériences diverses représentées dans l’Académie, de manière à produire une vision globale au plus près des réalités. De ce point de vue, on observe que ce thème « automatisation et autonomisation des navires » aborde les domaines suivants :


  • les enjeux de défense ;

  • les progrès scientifiques et techniques dans la conception et la réalisation des navires et des systèmes à terre qui les servent, sans oublier la normalisation qui doit les accompagner ;

  • les enjeux de sécurité et de sûreté ;

  • les enjeux juridiques : quelle nécessité de modifier les textes nationaux et internationaux régissant notamment la conduite des navires, les statuts du personnel ou la sécurité ;

  • les enjeux sociaux : statut des marins, formation, conditions d’emploi, enseignement maritime ;

  • enfin, et c’est fondamental, les gains en efficacité et productivité pour les opérateurs économiques sans lesquels rien ne se fera.


Il n’aura pas échappé à ceux qui me connaissent que le thème retenu cette année correspond bien à mes compétences et à mon expérience, puisque d’une part je suis ingénieur hydrographe, et l’on sait la part que la cartographie électronique et les informations nautiques prennent dans l’automatisation des navires, et que d’autre part j’ai beaucoup travaillé dans les systèmes d’information ; et d’ailleurs je suis de près les travaux internationaux sur ce que l’Organisation maritime internationale appelle la « e-Navigation ». Croyez bien que je n’ai pas voulu trop influencer ce choix et que d’autres thèmes ont été envisagés ; celui qui est retenu l’a été par un choix spontané de la majorité des sections.

L’ensemble des thèmes envisagés constitue le portefeuille de thèmes dont l’Académie gérera l’évolution, généralement dans le prolongement d’études passées et en prévision d’études futures. On peut se faire une idée plus précise de la variété des thèmes potentiels en consultant les rapports publiés sur le site internet de l’Académie. On y constate la grande diversité des sujets traités, allant du statut de la haute mer à la répartition des sources d’énergie, en passant par la piraterie, les problèmes des grands navires à passagers, la politique maritime intégrée de l’Union européenne, les garde-côtes, etc. On ne peut tout citer, et la liste va s’enrichir d’une part des rapports futurs, mais aussi des documents passés, car nous avons le projet de numériser l’ensemble des Communications et mémoires de notre Académie depuis 1921, en partenariat avec la Bibliothèque nationale de France qui les mettra en ligne sur Gallica, sauf pour les plus récents. 1921 est l’année de reprise des publications interrompues en 1793 ; vous voyez qu’un centenaire se profile, mais ce sera pour mon successeur. Les documents antérieurs à 1793 sont conservés à Brest et leur numérisation sera traitée ultérieurement.

La dynamique que je viens d’ébaucher implique une accélération progressive du rythme de travail mais doit se garder de vouloir trop « coller » à l’actualité. Notre vocation et notre rôle sont de prendre du recul et de rechercher les voies les plus prometteuses sur le long terme.

L’Académie de marine ajoute sa voix à celle des multiples organismes qui œuvrent pour que la mer devienne de plus en plus un domaine de projets nationaux ambitieux, dans un cadre généralement international. Ces initiatives, que l’on voit se multiplier, sont, espérons-le, le signe d’un sursaut national que nous nous devons d’accompagner et de renforcer. Bon nombre de nos membres, et des plus actifs, appartiennent aussi à ces organismes ; Christian Buchet, dans sa magistrale démonstration, en est un bon exemple ; moi-même aussi, et bien d'autres. L’une des raisons de ce qui pourrait apparaître comme une dispersion des efforts réside dans le statut de notre Compagnie, statut qui en limite le nombre, contrairement à la plupart des organismes que je viens d’évoquer. Il ne faut pas le déplorer, mais au contraire il faut assumer le rôle central que ce statut nous confère implicitement, et c’est ce que vise la nouvelle conduite de nos actions.

L’Académie poursuivra bien entendu ses activités traditionnelles, notamment deux conférences par mois, un voyage en France et un voyage à l’étranger. En France nous irons en région bordelaise, ce qui était déjà prévu au printemps dernier mais a dû être reporté à cause des grèves des trains. Pour l’étranger, nous prévoyons l’Allemagne, le long du Rhin pour être plus précis. Le Rhin, qui est de loin le plus grand fleuve au service de l’économie européenne, mérite toute notre attention ; en effet, devant les défis qui se posent aujourd'hui au monde et à l’Europe, en particulier dans les domaines de l’énergie et de l’environnement, la liaison entre maritime et fluvial revêt une importance particulière.

Dans ces voyages, nous ne manquerons pas de visiter des installations dédiées à la navigation et à son contrôle, afin de mieux nous familiariser avec les automatismes, embarqués ou à terre, qui sont visés par notre thème d’approfondissement « automatisation et autonomisation des navires ». Au cours de ces visites, nous rencontrerons des professionnels que nous pourrons questionner sur leur vision du futur de leurs métiers. L’intérêt de ces visites est d’autant plus grand que la navigation fluviale et en estuaire puise bon nombre de ses méthodes et outils dans le monde maritime et que mieux la connaître permettra de voir concrètement l’application des techniques modernes ainsi que de recueillir l’avis de leurs utilisateurs. Je note par ailleurs que les eaux du Rhin sont internationales et présentent donc des particularités juridiques intéressantes.

J’espère que cette brève description vous aura aidés à comprendre le « plan de navigation » de l’Académie de marine. Il traduit notre ambition de lui faire jouer pleinement son rôle statutaire « de favoriser le développement des hautes études concernant les questions maritimes ». Les années qui viennent vont être passionnantes pour nous tous. Je dois reconnaître que j’ai beaucoup de chance d’avoir été élu président à cette période charnière et je remercie tous les membres pour la confiance qu’ils m’ont témoignée à cette occasion. Je remercie également Madame le Secrétaire perpétuel de l’Académie française d’avoir bien voulu présider cette séance de rentrée académique. Nous ne pouvions entamer notre année sous de meilleurs auspices. Les cormorans et les mouettes que nous pouvons observer sur la Seine ne disent pas autre chose.

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