Conférences

Migrants en mare nostrum : pourquoi SOS Méditerranée ?

Francis Vallat
Membre de la section Droit et économie, président d’honneur de l’Institut français de la mer et du Cluster maritime français

Le 01-03-2017

Notre confrère Francis Vallat, membre de la section Droit et économie, président d’honneur de l’Institut français de la mer et du Cluster maritime français, a bien voulu accepter d’occuper la présidence de la branche française de SOS Méditerranée. Société civile et européenne de sauvetage en Méditerranée, et il voudrait appeler notre attention sur l’importance du travail accompli par cette association.

La situation est tragique en Méditerranée. L’année 2016 est la plus meurtrière de l’histoire de cette mer avec 5 079 victimes, soit 75 % des morts liés aux migrations dans le monde. Il y a eu en outre 46 000 morts depuis 2000 et 366 durant les deux premiers mois de 2017.

Cette situation constitue des enjeux pour le monde maritime : il faut respecter les valeurs et la loi de la mer en portant assistance à tout bateau en détresse ; les conséquences humaines et financières sont graves (le déroutage d’un navire marchand pour une opération de sauvetage coûte entre 50 000 et 80 000 $) en raison du manque de bateaux adaptés au sauvetage, de l’absence de préparation des équipages face à cette situation et de la fréquence des interventions.

Face à cette réalité, les objectifs de SOS Méditerranée sont de sauver les vies humaines ; de protéger et d’accompagner les migrants ; de témoigner sur les réalités et les visages de la migration. Comment les opérations de sauvetage se déroulent-elles ? Si le Cross Méditerranée italien reçoit un signal de détresse d’un canot en perdition en mer, il repère le bateau le plus proche et il fait appel à l’action de celui-ci (pour SOS Méditerranée c’est l’Aquarius) pour envoyer des canots de sauvetage. Les canots reviennent à bord du bateau où les migrants sont accueillis et reçoivent des soins. Puis le bateau (éventuellement l’Aquarius) rentre au port italien indiqué par le Cross. Le personnel de l’Aquarius de SOS Méditerranée comprend un équipage de 11 marins, 10 sauveteurs, ainsi qu’un photographe et un chargé de communication pour SOS Méditerranée, plus neuf médecins et infirmiers appartenant à l’association Médecins Sans Frontières.

En un an, du 26 février 2016 au 26 février 2017, SOS Méditerranée a effectué 68 opérations de sauvetage et 13 478 personnes ont été secourues et assistées en mer, dont 9 149 secourues à partir d’embarcations en détresse et 4 329 accueillies à bord de l’Aquarius après transbordement depuis un autre navire. Parmi ces 13 478 personnes secourues il y a 83 % d’hommes et 17 % de femmes ; 25 % de mineurs et 9 mineurs sur 10 sont non accompagnés. Le plus grand nombre est originaire de la Corne de l’Afrique et d’Afrique de l’ouest. Très fréquemment ils ont été victimes de violences en Libye, d’enfermements, de sévices physiques, de travaux forcés ou de rançons.

En Europe et surtout en France, le mouvement SOS Méditerranée a suscité un mouvement citoyen important avec un réseau de plus de trois cents bénévoles partout dans le pays et une équipe largement engagée à Marseille, Paris, Rennes, Grenoble, Bordeaux, Montpellier. Ces bénévoles organisent de nombreux événements et rencontres tels que concerts, festivals, projections, débats, conférences, expositions, sensibilisation dans les écoles, avec la participation de chercheurs, artistes, écrivains, sportifs, à l’instar du navigateur François Gabart, parrain d’honneur de l’association. Les Français sont aussi les premiers contributeurs au financement des opérations. SOS Méditerranée a besoin de 4 millions d’euros par an pour l’affrètement de l’Aquarius, la vie quotidienne de l’équipage et de l’équipe de sauveteurs, les matériels d’équipement et de sauvetage, la consommation de fuel et la logistique. L’association reçoit 1 % de fonds publics (de la Ville de Paris, la réserve des parlementaires, la Principauté de Monaco) ainsi qu’une contribution financière de Médecins sans frontières pour les opérations maritimes ; tout le reste provient de dons, soit 55 % par des Français, 35 % par des Allemands et 10 % par des Italiens.


Discussion


A. Coldefy – Je vois des femmes et des enfants en Méditerranée, des hommes jeunes à Calais. Est-ce une impression exacte ? R/ Non. Il y a aussi des familles à Calais, mais l’association SOS ne peut pas s’occuper des suites à donner car elle a déjà énormément de travail et elle ne sait pas faire. Cela concerne les responsables politiques. A. C. Quels sont les ports de débarquement ? R/ Trapani et Lampedusa.

A. Grill – Quelle est l’attitude d’Euromarfor qui dispose de matériel ? R/ Elle est favorable ; cependant cette organisation a une difficulté de mandat. Elle tente de lutter contre les passeurs, mais ceux-ci savent s’adapter. Pour une intervention analogue à celle qui a été réalisée contre les pirates en Somalie il faudrait obtenir un mandat pour les forces d’intervention avec une suspension du droit international. Or les riverains de la Méditerranée sont peu intéressés par une intervention en Libye car ce pays n’est pas situé sur une grande route commerciale. Ou bien il faudrait un accord analogue à celui qui a été passé avec la Turquie.

O. Laurens – Y-a-t-il d’autres organisations de sauvetage ? R/ Il y a une course médiatique entre les ONG.

F. Baudu – Le poste de l’OTAN au Pirée demande aux navires sur zone de se déclarer. Une telle précaution permettrait d’arrêter les bateaux des pirates et des migrants.

J.-M. Schindler – De quelles ressources humaines disposez-vous ? R/ Des formations sont offertes par SOS Méditerranée et l’équipage, qui est international, est recruté par un armateur allemand.

C&M 2 2016-2017

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