Conférences

Du port autonome au grand port maritime, les défis d’un port moderne de nos jours

François Soulet de Bruguière
Président délégué de l’Union des Ports de France

Le 08-04-2015

M. François Soulet de Bruguière, président délégué de l’Union des Ports de France, président du Conseil de surveillance du Grand Port maritime de Dunkerque (où il a aimablement et savamment guidé les confrères lors du voyage de l’Académie en octobre dernier) a bien voulu accepter de présenter devant l’Académie une communication sur les grandes orientations du développement des ports français.
Le port, rappelle-t-il, est l’intersection d’un plan d’eau où les navires peuvent faire escale et d’un arrière-pays dont l’étendue et la richesse font la puissance du port. Les voies de communication sont donc essentielles pour recevoir et répartir les flux commerciaux.
L’Union des Ports de France réunit 41 ports de commerce et de pêche, des ports d’Etat et des ports concédés (ports de plaisance, ports fluviaux, plates-formes logistiques). Les 13 ports d’Etat (7 Grands Ports Marins en métropole qui assurent 80 % du trafic, 4 GPM en Guyane, Martinique, Guadeloupe, Réunion, 2 ports fluviaux à Paris et Strasbourg) assurent 80 % du tonnage. Les autres appartiennent aux régions (ainsi Calais, premier port de passagers en France, à la région Nord ‒ Pas de Calais).
Quels sont les critères de choix d’un port ? La commodité de l’accès nautique est essentielle (ainsi en est-il en France pour les porte-conteneurs à Marseille et Dunkerque). La fluidité des procédures, en particulier fiscales et administratives, est importante car elle permet le passage rapide des marchandises. Il faut en outre un accès facile aux systèmes d’information et aux moyens de communication avec l’arrière-pays ; en France, le ferroviaire est essentiel. Le savoir-faire du personnel portuaire est aussi un critère de choix (depuis 2011 il n’y a pas eu de grèves dans les ports français) ainsi que la qualité du matériel (remorqueurs, grues). Le prix n’intervient pas dans ces critères.
Depuis 1992 une réforme portuaire de grande ampleur modifie l’organisation des ports.
Après la mensualisation des dockers en 1992, la distinction entre dockers et grutiers a été supprimée en 2011, au profit d’une seule catégorie, celle de manutentionnaire, seul responsable. Le résultat est un accroissement de 18 à 20 % de la productivité et l’absence de grèves. Cependant la difficulté du moment est l’ajustement avec la « pénibilité ». Seconde modification : entre 2004 et 2007, 13 ports d’intérêt national ont été transférés à des collectivités territoriales, régionales, départementales ou locales. Troisième modification : à partir de 2008, les 7 « ports autonomes » (Marseille, Nantes et Saint-Nazaire, Bordeaux, Dunkerque, La Rochelle, Le Havre, Rouen) ont été transformés en « Grands Ports Maritimes » ; ensuite, en 2012-2013, cette réforme a été appliquée aux 4 ports des départements d’Outre-mer. Dans la nouvelle organisation le directeur et le conseil d’administration sont remplacés par un directoire (de 2 ou 3 personnes) et un conseil de surveillance. Ceux-ci bénéficient d’une plus grande autonomie et peuvent rechercher davantage d’efficacité dans la poursuite de missions précises, telles les tâches régaliennes, l’aménagement du port, la poursuite du développement durable, la promotion du port, l’efficacité des connexions terrestres. Les ministères de tutelle sont ceux des transports, du budget et des finances.
Quelles difficultés ces gestionnaires rencontrent-ils actuellement ? La plus immédiate est le déclin du raffinage pétrolier, car les usines quittent les pays de consommation pour gagner les régions de production. Or cette activité est très rentable : la fermeture de la raffinerie de Dunkerque entraîne une diminution de 22 % du trafic du port. Marseille et Nantes ‒ Saint-Nazaire redoutent une évolution semblable. Autre difficulté : les croisières connaissent un grand essor et cette activité est intéressante pour les escales, mais les sociétés d’armement demandent une tournée à 35 € alors que les dépenses moyennes sont de 120 €. A plus long terme il y a des interrogations sur la disponibilité des terrains. Les ports de Marseille et Dunkerque ont de grandes disponibilités foncières et ils entendent les conserver pour permettre l’implantation de nouvelles activités, mais ces emplacements intéressent aussi d’autres activités, ainsi des déchetteries ou des usines d’incinérations d’ordures.



Discussion :
J.-M. Barrault. Qu’en est-il de l’automatisation de la manutention dans les ports ? R. Elle devient importante, surtout en Asie, cependant les quantités traitées dans les ports français ne peuvent justifier l’installation de l’automatisation.
J. Chapon. Dans les grands ports maritimes, l’autonomie est-elle plus importante avec la nouvelle organisation ? Le pouvoir des directeurs est différent, mais n’est-ce-pas une façon pour l’Etat d’utiliser des fonctionnaires pour contrôler les ports ? R. Les directeurs des ports ont une latitude d’action plus grande. Le président du conseil d’administration était consulté mais ce n’était pas systématique. L’Etat propose et le conseil de surveillance doit confirmer la décision.
I. Paparella. Existe-t-il des actionnaires à long terme ? Comment se fait le passage du conseil d’administration au conseil de surveillance ? R. Les actionnaires sont l’Etat ou les régions ; les régions veulent prendre l’autorité et l’Etat est disposé à la leur donner. Il faudrait cependant des actionnaires stables.
J. Dhellemmes. L’importation de produits pétroliers raffinés remplace le brut, mais elle reste une importation. R. Elle entraîne une diminution des tonnages, donc des recettes. Il en est ainsi à Dunkerque. J. D. Quelle est l’influence de la taille des bateaux sur les ports ? R. Il y a une évolution. Pendant six à sept ans on a utilisé des pétroliers de 500 000 t, puis maintenant d’un plus faible tonnage. Actuellement les porte-conteneurs de 20 000 équivalents vingt pieds demandent une grande profondeur, des portiques de grande taille, des locomotives puissantes et des installations ferroviaires importantes. J. D. Quelle sera l’influence de l’agrandissement du canal de Panama sur les ports ? R. Certains flux commerciaux seront détournés. Il faudra creuser de nouveaux chenaux dans les ports, ainsi à Anvers et Rouen.
H. Legoherel. Lorsque 8 000 personnes sont embarquées sur un navire de croisière, comment est-il possible d’intervenir en cas d’incendie ? R. Ce sera compliqué, comme pour un porte-conteneurs de 20 000 boîtes.

C&M 2 2014-2015

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