Conférences

Enseigner la mer

Christian Lecoq
Inspecteur général de l’Education nationale, professeur des Universités, associé à l’Université de Paris Sorbonne

Le 05-11-2014

En introduction M. Lecoq cite quelques passages d’un manuel distribué aux troupes britanniques lors de leur arrivée en France en 1944 et destiné à leur faire connaître ce pays. Celui-ci, est-il mentionné, dispose de 3 200 km de côtes, il a de « belles flottes de guerre et de commerce », cependant ces avantages « … n’ont pas réussi à convaincre les Français de l’importance de la mer. » Pourquoi ? Sans doute, assure M. Lecoq, parce que la mer n’est pas assez présente dans l’enseignement.

En 1973 le recteur Legohérel a présenté un rapport sur les possibilités d’introduire l’enseignement de la mer dans les établissements secondaires français. Ce travail a encouragé quelques initiatives intéressantes comme l’instauration des classes de mer dans les collèges dans le cadre général de « Projets d’action éducative », mais ces projets sont peu nombreux, partiels, éclatés. Dans les lycées il n’y a aucune attention particulière portée à la mer car tout l’enseignement vise à la préparation du baccalauréat. Au total, dans notre enseignement, l’approche de la mer demeure ponctuelle, partielle, éclatée.

Depuis 2010, M. Lecoq a engagé un travail visant à introduire la mer dans les enseignements secondaires. En 2013, il a proposé de mettre à profit la refonte des programmes pour introduire une dimension maritime, ainsi à l’occasion de la présentation d’événements contemporains comme la guerre des Balkans et les conflits dans le golfe Arabo-Persique, ou encore de persuader les enseignants de choisir leurs exemples en relation avec la mer.

Il propose trois démarches :

La première est d’essayer de faire prendre conscience aux jeunes Français de la dimension maritime contemporaine. Nous vivons actuellement la découverte de la « maritimisation » dans l’opinion française avec un passage de la préoccupation de la défense des frontières terrestres à celle des limites maritimes. Il faut répondre à une demande de la part des lycéens qui s’interrogent plus ou moins confusément sur la composition du territoire et sur la place de la mer comme ouverture vers de nouvelles possibilités. Dans cette pratique pédagogique il est possible de prendre appui sur les développements récents des programmes de géographie qui font une grande place à l’étude des territoires et à l’examen des conflits. Enfin il faut suivre avec attention des initiatives comme celle de Christian Buchet avec les « Mardis de la mer et des océans », celle de Francis Vallat avec le Cluster maritime français et les travaux du Centre d’enseignement maritime.

La deuxième démarche est l’ouverture des programmes d’enseignement d’histoire et de géographie aux questions maritimes. Il faut d’abord formuler deux remarques générales : 1° la formulation des programmes répond à des exigences disciplinaires qu’il est impératif de respecter ; 2° les sujets maritimes sont communs à plusieurs disciplines, par exemple la mer dans l’art ou encore la marine dans la culture scientifique et technique. Dans les programmes refondus récemment sept à huit millions d’élèves apprennent la mer, ainsi en classe de sixième « Habiter la planète – habiter les littoraux » ; en cinquième « Gérer les océans » ; en troisième « Rôle maritime et mondial de la France » et « Grands conflits maritimes » ; en seconde « Les grandes découvertes » ; en terminale technique « Technologie des transports maritimes » et dans toutes les séries, la première partie est intitulée « Territoires de la mondialisation », et à l’intérieur de celle-ci le premier chapitre a pour thème « Les espaces maritimes ».

La troisième démarche vise à introduire l’enseignement des sujets portant sur les mers et océans dans le système éducatif en général. Celui-ci repose sur trois éléments : les programmes, les épreuves, la formation des maîtres, et il faut introduire la dimension maritime dans chacun de ceux-ci. Comment ? D’abord en essayant de les rapprocher des éléments de la recherche ; ensuite en poursuivant une réflexion didactique, ainsi examiner à quel moment il est nécessaire d’enseigner les approfondissements ; enfin, il faut une dimension pédagogique. Celle-ci est en cours d’élaboration avec l’inscription de la question : « Géographie des mers et des océans » au programme des concours de recrutement des enseignants à partir de 2016 ; avec l’édition de l’outil Enseigner la mer, dans la collection Trait d’union, contenant des applications pédagogiques et une documentation immédiatement accessible pour les enseignants.

En conclusion, M. Lecoq insiste sur la nécessité d’enseigner les mers et les océans sans chercher à mettre une hiérarchie quelconque, tout en présentant les techniques les plus contemporaines. Cette inflexion devrait donner aux élèves une vision du monde peut-être plus « moderne » que celle qui est présentée actuellement et en tout cas elle est fort différente.

C&M 1 2014-2015

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