Conférences

Les princes de Monaco et la tradition maritime de la Principauté

Henri Legohérel

Le 25-03-2014

Le recteur Henri Legohérel, membre de la section Histoire, lettres et arts et vice-président de l’Académie, nous a rappelé l’histoire des relations de la Principauté avec la mer.
Aussi loin que l’on remonte dans l’histoire de Monaco, assure-t-il, il y a la mer. Le relief littoral forme une barrière difficile à franchir tant pour les liaisons intérieures que pour l’accès depuis la mer. Par contre la navigation maritime est possible et le port en eau profonde est accessible au cabotage.
Ses avantages sont connus de longue date et c’est une escale fréquentée comme le montrent les trouvailles monétaires ; il y a aussi une activité de pêche ainsi qu’il apparaît dans le matériel des tombes. On y trouve encore la mention d’un culte d’Hercule (il y serait passé au retour de Gibraltar autrement dit les colonnes d’Hercule…). En l’an 50 av. J.-C., César s’y embarque pour se rendre à Rome et les auteurs romains parlent d’une citadelle ; c’est donc un port fortifié. Les éléments archéologiques sont nombreux jusqu’au Ve et VIe siècles, puis ils disparaissent pour réapparaître au début du XIe siècle, signe d’une reprise de l’activité commerciale.
Elle se fait sous l’autorité des Génois. Ceux-ci prennent le contrôle du littoral et ils fortifient Monaco « … pour défendre la chrétienté contre les sarrasins ». A la fin du XIIIe siècle, la place tombe sous l’autorité d’une branche des Grimaldi, l’une des grandes familles qui se partagent le gouvernement de la république de Gènes, où ils représentent le parti guelfe, c’est-à-dire les partisans de l’autorité du pape contre celle de l’empereur. Le 8 janvier 1297, les Grimaldi s’emparent par surprise du château de Monaco et s’y installent tandis que leurs galères entrent dans le port.
Cette famille, enrichie par le grand commerce maritime, s’adonne maintenant à la guerre sous l’autorité de Rainier Grimaldi, chef de la branche aînée. Au service de Charles d’Anjou, roi de Naples, il commande sa flotte des Pouilles ; puis il passe au service de Philippe le Bel et remporte en 1304 une grande victoire contre la flotte flamande. Mort en 1314, il est remplacé par son fils Charles ; celui-ci améliore les fortifications et l’arsenal maritime de Monaco dont il fait une domination autonome, toujours sous l’autorité des Guelfes. En 1339, au début de la guerre de Cent Ans, Philippe VI de Valois fait appel aux galères de Monaco dont les matelots expérimentés harcèlent les convois commerciaux anglais et font régner la terreur sur la côte anglaise. Il poursuit des opérations par intermittences, toujours au service du roi de France, jusqu’à sa mort en 1357.
Son fils Rainier est aussi homme de guerre et marin, une fois encore au service de la famille d’Anjou et à celui des souverains de la France. De 1372 à 1380, il tient la mer presque continuellement avec ses galères ; en 1384, il est « capitaine général de la mer au royaume de Naples » pour Louis d’Anjou. Avec sa mort en 1407 cette longue suite de seigneurs de Monaco, hommes de guerre et de mer, s’interrompt, mais la tradition de la présence des Grimaldi dans les affaires maritimes se poursuit comme le montre la présence du prince Louis Ier à la bataille du Texel en 1666 au cours de laquelle il est embarqué sur un vaisseau des Provinces-Unies, alors alliées avec la France, et se déshabille pour se jeter à la mer, ainsi que son beau-frère le comte de Guiche, pour échapper à l’explosion de son navire en feu et gagner un bâtiment ami.
Un autre aspect de l’activité maritime des princes de Monaco ce sont les efforts diplomatiques pour obtenir la reconnaissance de leur péage maritime ou « droit de mer ». Mentionné pour la première fois en 1330, à raison de 2 % sur la valeur de la cargaison, cette taxe est perçue uniquement dans le sens ouest-est. Son existence est reconnue par le roi de France, puis par Charles-Quint et elle est maintenue jusqu’à la Révolution. La Principauté tire de cette taxe, donc de la mer, ses principaux revenus.

C&M 2013-2014 n° 2

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