Conférences

La politique maritime européenne

Yves Auffret
Administrateur civil, chef du bureau des politiques ministérielles des ressources humaines au ministère de l’Economie et des Finances

Le 04-12-2013

Le conférencier de ce jour, administrateur civil, chef du bureau des politiques ministérielles des ressources humaines au ministère de l’Economie et des Finances, vient de passer trois années en « mobilité » auprès de Mme Marie Damanaki, commissaire aux Affaires maritimes et à la pêche de la Communauté européenne, et il a bien voulu communiquer à l’Académie ses réflexions sur cette expérience.
Il rappelle que la CEE compte 23 Etats ayant des façades maritimes ; elle a des territoires d’outre-mer dans tous les océans ; elle vient au cinquième rang dans le monde par l’importance de sa pêche ; 90 % de son commerce se fait par mer. La mer a donc une importance vitale et stratégique pour les Européens. Si la mer procure des emplois, elle est aussi une source de dangers en raison des risques de la navigation, de la pollution et de la surexploitation.
La mer est absente du traité de Rome de 1957 et elle est toujours victime d’une politique publique organisée en secteurs cloisonnés, sans communication entre eux. Cette difficulté a été ressentie très tôt pour la pêche, pour laquelle la CEE a été contrainte de mettre en place une réglementation commune, mais il n’y a toujours pas de politique maritime de la communauté. Cette lacune se fait sentir pour l’industrie maritime, particulièrement pour la construction navale ; pour l’exploitation des énergies marines ; pour la surveillance des frontières ; pour les transports maritimes ; pour la protection de l’environnement marin, en particulier la sauvegarde de la bonne qualité de l’eau de mer.
Cependant on assiste depuis quelques années à l’ébauche d’une politique prenant en compte ces divers éléments. José Manuel Barroso, président de la Commission depuis 2004, citoyen d’un Etat ayant une relation étroite avec la mer, est sensible au mouvement en faveur de l’élaboration d’une politique maritime et il a cherché à y répondre en faisant préparer le Livre blanc de 2006, suivi du Livre bleu de 2007 et de l’accord du 14 décembre 2007 donnant naissance à l’Europe de la mer. Celui-ci préconise une politique maritime mettant en cohérence la politique de chaque Etat afin de consolider les atouts européens en matière économique, tant localement que dans le monde. Il propose une stratégie visant à soutenir la croissance de l’économie maritime, à développer les ressources énergétiques des océans, l’aquaculture et l’exploitation des fonds marins. Les récents développements de cette politique consistent dans l’ouverture de nouvelles possibilités d’accéder à des bases de données de connaissance maritimes, à leur mise en réseau, à leur fusion ; dans la recherche de la sécurité des intérêts maritimes européens, avec la mise en place d’une surveillance maritime intégrée ; dans la recherche de la sécurité sur les routes maritimes et dans la réduction des conflits ; enfin dans une approche mondiale, avec une adhésion à des organisations maritimes internationales ainsi que des relations continues avec des partenaires stratégiques.
Pour se développer, l’Europe de la mer doit reconnaître la diversité de plusieurs approches. Il n’est pas possible par exemple de définir une politique valable à la fois pour l’Arctique, pour la Baltique et pour les domaines maritimes d’outre-mer. L’Union européenne doit chercher des interlocuteurs parmi les « clusters » maritimes, parmi les députés au Parlement européen, et surtout il lui faut l’appui des Etats membres sans lesquels elle ne peut rien faire. Il y a un consensus dans la Commission en faveur de la poursuite d’opérations communes, comme la lutte contre la piraterie et la recherche océanique, et dans l’élaboration de la définition d’une vision stratégique pour l’avenir. Mais il reste beaucoup à faire, car il n’y pas d’agenda de la CEE sur la politique maritime, ni de base légale pour l’action de la Commission, ni de structure de conduite politique permettant une concertation entre les Etats.
Ainsi le besoin d’une politique maritime européenne est-il ressenti, mais il s’agit toujours d’une ambition fragile.
E. Berlet : ‒ Quelle est l’attitude des puissances face à l’idée d’une politique maritime commune ? ‒ La France, le Portugal, l’Espagne et l’Italie y sont favorables ; le Royaume-Uni et les Pays-Bas y sont hostiles ; l’Allemagne, les Etats de la Baltique et de l’Europe du Nord, plutôt opposés en 2007, sont devenus favorables ; la position de la Grèce, peu engagée jusqu’à maintenant, évolue progressivement vers une réponse favorable. Ce qui fait défaut est la base juridique ; il n’y a rien dans le traité de Rome, donc il faudrait mettre en place un support juridique multiple, avec l’approbation d’un même texte par tous les Parlements.

C&M 2013-2014 n° 1

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