Voyages d'étude et visites

Rouen et Le Havre

C&M 2 2016-2017

Du 15-03-2017 au 17-03-2017

Mercredi 15 mars


En début de matinée le groupe accède au Centre des techniques hydrodynamiques ou « bassin des carènes » désormais « décentralisé » depuis le site de Balard et installé en bordure de la ville nouvelle de Val-de-Reuil. Un chargé de communication fait visiter le bassin de traction de 600 m de long, le grand tunnel aquatique et la cuve à houle permettant d’améliorer les appareils de propulsion en diminuant les résistances à l’avancement (avec la réalisation de maquettes), d’optimiser la forme des carènes afin d’éviter les phénomènes de cavitation, d’obtenir la discrétion acoustique et une meilleure aptitude à la manœuvre. Le centre dispose aussi d’une grande puissance de calcul de simulation. Celui-ci est très souvent utilisé mais il ne peut remplacer les essais, comme pour la mise au point des systèmes de manœuvre des sous-marins, pour la conception des propulseurs ou pour la tenue au vent latéral. Les missions du centre (dont l’exécution doit être approuvée par la Direction générale de l’Armement, y compris celles qui sont demandées par DCNS) consistent à préparer et optimiser l’équipement des forces de défense, améliorer la qualité du matériel en service, conduire des expertises techniques (y compris des prestations payantes pour l’industrie privée), contribuer à l’exportation.


A la suite, en fin de matinée, le groupe se rend dans le centre de Rouen, à l’Hôtel du conseil de la région, où il est reçu par le conseiller chargé des aménagements du fleuve. Celui-ci réunit une grande partie de l’activité économique de la province et présente un tableau original de la nature modelée par l’action humaine. Le tirant d’eau estimé à 3 m au milieu du XIXe siècle, est établi à 9 m un siècle plus tard et devrait atteindre 11,50 m à la fin de 2019. Le mascaret ne constitue plus une gêne pour la navigation et des travaux hydrauliques exécutés dans le respect de l’écosystème limitent l’influence de la marée et permettent la poursuite des échanges et la desserte des activités de construction automobile et aéronautique. La région appuie le développement industriel du port du Havre, en particulier la construction d’installations permettant de recevoir des porte-conteneurs de 20 000 boîtes ainsi que du matériel d’entretien des parcs éoliens. La sauvegarde du patrimoine est un autre domaine d’action : la région encourage la poursuite de l’inventaire du patrimoine et elle l’étend aux paysages industriels ; elle assure l’entretien du parc naturel régional des Boucles de la Seine, en particulier celui de la forêt domaniale de Brotonne.


Le groupe rencontre ensuite le sous-directeur du port. Celui-ci qualifie Rouen de « Port d’estuaire accueillant des navires de haute mer » avec un marnage de 3 à 4 m mais d’eau douce !


C’est un port industriel pour les activités manufacturières de la ville et pour l’industrie agro-alimentaire ; c’est un port d’hinterland moins coûteux et plus facile d’accès qu’Anvers (qui est au fond d’un estuaire avec le franchissement d’une écluse).


En 2016 le port a reçu 2 500 navires avec en première position les céréaliers, puis en seconde les pétroliers, et beaucoup de petits trafics (par exemple des engrais, des granulats) et peu de conteneurs (il peut recevoir des porte-conteneurs de 2 500 EVP alors que Le Havre peut aller jusqu’à 12 000 EVP). La chute du trafic de pétrole brut est durement ressentie, ici comme ailleurs, et le port espère beaucoup en l’approfondissement du chenal qui devrait permettre l’augmentation du trafic céréalier et des produits pétroliers ; l’alliance portuaire mise en place en 2012 fonctionne et Le Havre se spécialise dans les conteneurs et le pétrole brut tandis que Rouen accueille les céréaliers et les produits raffinés. A une question de J.-C. Pujol sur les liaisons terrestres le directeur du port affirme : « C’est une catastrophe ! ». Le contournement du « verrou » de Serqueux n’est toujours pas réalisé et la SNCF ne sait pas transporter du fret. Peut-être la solution est-elle à trouver dans l’aménagement du fleuve en amont.

La journée se poursuit par une visite de la galerie des peintres impressionnistes au Musée des beaux-arts de la ville, et principalement les œuvres de la donation Depeaux. Le conservateur de ces chefs-d’œuvre insiste sur l’évolution artistique continue de la fin du XIXe siècle avec les tableaux de Fantin-Latour, Sisley (Eglise de Moret), Renoir (Chrysanthèmes) et surtout Monet avec La Rue Saint-Denis, fête du 30 juin 1878, avec le chatoiement des couleurs des drapeaux, et Le portail de la cathédrale de Rouen au soleil levant.


Jeudi 16 mars


Au début de la matinée le groupe se rend à Fécamp où il est accueilli à la Maison du Patrimoine par M. Martin, conservateur des archives. Celui-ci présente quelques extraits d’une documentation photographique considérable dont la ville vient de faire l’acquisition. Il s’agit du fonds d’un atelier de photographie tenu par la même famille depuis 1914. Toute l’histoire de la ville y est présentée, à commencer par celle des familles avec près de 80 000 portraits identifiés et pour lesquels M. Martin donne un exemple de recherche. Il y a aussi toute une documentation sur la reconstruction de la ville après le bombardement du 25 mai 1944, sur les transformations industrielles en relation avec l’activité de la pêche industrielle, particulièrement les techniques modernes de conservation du poisson puis le développement de la congélation, et d’autres informations sur l’activité maritime de ce port. Puis Mme Dujardin, directrice du musée de la ville, donne un aperçu de sa recherche sur les Terre-Neuvas de Fécamp. La pêche morutière commence au XVIe siècle et elle est active avec des hauts et des bas jusqu’à l’époque contemporaine ; en 1958, Fécamp, premier port morutier de France obtient le trophée de la grande pêche. Le choc pétrolier puis l’instauration des quotas de pêche sont fatales à cette activité ; le dernier chalutier est condamné en 1987. Mme Dujardin s’attache à l’histoire des bâtiments de pêche, surtout les chaloupes, remplacées par les doris à partir de 1876, puis les voiliers, principalement bricks et goélettes, remplacés à partir de 1905 par les chalutiers à vapeur, puis depuis 1950 le moteur Diesel. Le Musée des Terre-Neuvas, ouvert en 1988 dans le quartier des saurisseries (nommées ici « boucanes ») pour le fumage du poisson et prochainement transféré dans les locaux d’une ancienne sécherie, témoigne de ce glorieux passé.

A la suite, le directeur du port présente un rapide historique des transformations de ce havre installé au débouché de l’étroite vallée du ru de Valmont, profondément transformé par des travaux ordonnés par l’abbaye bénédictine à l’origine du développement de la ville et surtout l’approfondissement du bassin et la construction d’une digue brise-lames pour faciliter l’entrée du chenal. A la suite, d’autres aménagements sont apportés au début du XVIIIe siècle sur un plan élaboré par Vauban en 1694 afin de créer un port de commerce ; d’autres travaux sont effectués à partir de 1820 sous la direction de la chambre de commerce, en particulier la construction de deux bassins à flot. Actuellement la pêche a beaucoup décliné avec 5 000 tonnes en moyenne par an et un seul armateur ; la plaisance est active avec 725 résidents à flot ; le projet d’installation d’un atelier de maintenance des éoliennes en mer semble bien engagé et le lycée technique Anita Conti, spécialisé dans la formation de capitaines et de matelots pour la pêche, rencontre un grand succès. A noter une expérience encourageante d’installation de récifs artificiels permettant la croissance de douze espèces de crustacés et de poissons.


Au début de l’après-midi, le groupe se déplace à l’Ecole nationale supérieure maritime du Havre. Il est accueilli tout d’abord par l’Administrateur général des affaires maritimes Jean-Marie Coupu, directeur Inter-régional de la mer. Celui-ci précise les compétences de ce service déconcentré de l’Etat qui dispose d’un budget de 4,3 millions d’euros avec un personnel de 448 agents. En premier lieu il est responsable de la sécurité maritime, c’est-à-dire la surveillance de la navigation et l’organisation du sauvetage en mer (avec la mise en œuvre éventuelle du plan ORSEC maritime). M. Coupu rappelle que 100 000 navires, assurant 25 % du commerce maritime du monde, entrent dans la Manche chaque année et pour ceux-ci son service est responsable du maintien de la sécurité et de la sûreté, c’est-à-dire le bon fonctionnement de la signalisation maritime et des deux CROSS (Jobourg et Gris-Nez) assurant le contrôle des navires.

Le même service jouit d’un pouvoir étendu d’organisation et de surveillance de toutes les activités maritimes : il veille à la protection de l’environnement marin : il organise et il contrôle les activités en mer, ainsi l’aquaculture marine et le développement des programmes éoliens ; il veille à l’accompagnement économique et social des entreprises maritimes ainsi qu’au bon fonctionnement de la formation professionnelle maritime et à la protection sociale des marins.

Il est enfin chargé de la coordination des politiques publiques de la mer et du littoral en accord avec les autorités préfectorales, c’est-à-dire avec le préfet de la région Normandie et celui des Hauts-de-France ; le préfet maritime ; avec le préfet de la zone de défense et avec les préfets des départements concernés.


Discussion


A. Coldefy : 1. Quelles sont vos relations avec les Britanniques ? R/ La mise en œuvre du Brexit suscitera certainement beaucoup de difficultés, mais actuellement il est difficile de les apprécier. 2. Y-a-t-il une évolution du plan Polmar ? R/ Non. Il n’y a pas de changements.

J.-M. Schindler : Quel est le résultat des travaux de la mission d’évaluation du coût des catastrophes ? R/ Celui-ci est fixé à un million d’euros.

A la suite de cette conférence le groupe visite le nouveau bâtiment de l’Ecole nationale supérieure maritime dont l’édification est achevée depuis peu. Située au voisinage des bassins du port cette construction originale se rapproche d’un « navire-école ». Le site accueille (après 3 années d’études à Marseille) les étudiants de niveau M et dispense la formation « Officier chef de quart passerelle international ». Outre quatre amphis et une salle de documentation, l’école dispose de deux simulateurs de navigation dont l’un est connecté avec un moteur. Les étudiants peuvent choisir entre trois modèles : un pétrolier de 300 000 t ; un ferry ; un porte-conteneurs.


Vendredi 17 mars


La matinée est consacrée à la visite du port sous la direction de M. Franck Bruger, directeur des opérations.

Le Havre, premier port français pour le commerce extérieur, surtout grâce au trafic des conteneurs, est en relation avec Rouen, second port pour le commerce des grains, et Paris, premier port intérieur. En 2015, le trafic total s’élevait à 87 Mt pour le seul port du Havre et 120 Mt pour Haropa avec 160 000 emplois directs. C’est le 5e port européen – « Un petit dans la cour des grands. » – et le 2e pour le trafic des conteneurs.

L’objectif d’Haropa est la mise en place d’un système international performant permettant de conquérir des places de marché. Le moyen est la construction de plates-formes logistiques afin d’établir des hubs pour les conteneurs et Le Havre dispose de plusieurs atouts, à savoir : 1° l’étendue des terrains disponibles d’autant que le port s’étend sur plus de 27 km le long du fleuve et le déclin de l’industrie pétrochimique (35 Mt d’importation d’hydrocarbures en 2015 en diminution de 5,5 %) dégage des emplacements ; 2° des conditions nautiques exceptionnelles avec un accueil sans contraintes de marée jusqu’à 19 000 EVP à pleine charge et un titrant d’eau à 17 mètres.

Haropa dispose encore d’autres atouts. C’est toujours le second bassin pétrochimique en Europe (le brut arrive au port d’Antifer avec en moyenne 350 000 t par semaine ; le premier port français pour l’importation et l’exportation de véhicules neufs ; un port d’escale de croisières (150 en 2016) avec des excursions vers Paris et la côte normande ; le trafic des ferries sur la ligne vers Portsmouth demeure actif et les croisières fluviales sur la Seine se développent (12 000 passagers en 2016).

Le trafic des conteneurs conserve cependant le plus fort potentiel de développement ; mais il faut améliorer la qualité de l’accueil et l’excellence du passage portuaire (avec une simplification des douanes grâce au « Guichet Unique Portuaire »).

Le climat social est tendu par périodes (ainsi au printemps 2016) mais le port n’est plus paralysé depuis que les 500 portiqueurs sont employés par une société privée.

A la suite de cet exposé, M. Bruger entraîne le groupe dans une visite des installations du port. La matinée se termine alors qu’un porte-conteneurs de grande capacité quitte le port et le groupe prend la direction de Paris pour s’arrêter sur le quai La Bourdonnais où est amarrée une barge portant un conteneur venu du Havre.

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