Voyages d'étude et visites

Croatie et Monténégro

C&M 3 2015-2016

Du 06-06-2016 au 12-06-2016

Lundi 6 juin

Cette journée est consacrée à la visite du centre historique de Split, en particulier des vestiges importants du palais édifié à fin du IIIe siècle par l’empereur Dioclétien, restaurateur de l’Empire romain après une longue crise de près de cent années et originaire de la même région. C’est une gigantesque construction, à la fois forteresse et résidence patricienne, sur plus de 30 000 m², un carré d’approximativement 200 m. de côté, avec un plan rigoureux semblable à celui d’un camp militaire, partagé par un cardo et un decumanus, entouré d’un rempart d’environ 20 m de hauteur, renforcé de tours dont plusieurs sont conservées, et percé de quatre portes. Le plan rigoureux, bien apparent dans les soubassements de l’édifice, permet de reconnaître les appartements impériaux, situés au sud, le long du rivage, éclairés par une galerie ouvrant sur l’Adriatique, puis le quartier des serviteurs, celui des militaires, les entrepôts et des thermes alimentés par un aqueduc. Une place entourée d’un magnifique péristyle est aménagée au centre de ce vaste complexe de bâtiments, à la rencontre des deux voies principales ; elle est bordée par un temple de Jupiter, manifestant l’ascendance divine de l’empereur, et par le mausolée-tombeau de Dioclétien. C’est une construction octogonale, avec plusieurs éléments de décor funéraire d’inspiration égyptienne (Dioclétien fait sa principale campagne militaire en Egypte pour rétablir l’autorité de l’empire), en particulier deux sphinx placés de part et d’autre du portail d’entrée. Cette portion du palais est particulièrement bien conservée car l’édifice est devenu cathédrale ; les autres bâtiments ont servi de refuge pour la population voisine lors des troubles et ont été transformés en appartements privés, ce qui en a évité la destruction. A la fin du Moyen-Age l’augmentation du nombre des habitants (sans doute en relation avec l’essor du commerce maritime) entraîne la construction d’un faubourg avec une « place du peuple » situé au voisinage de l’une des portes du palais ainsi que l’édification de somptueux palais aristocratiques de style gothique vénitien et d’un hôtel de ville devenu le centre de l’administration et des affaires.


Mardi 7 juin

La journée commence par la visite de la base navale de Lora, principale installation de la Marine de guerre croate, et le capitaine de vaisseau Milenko, interprété par le colonel Laurent Vonderscher, attaché de Défense à l’ambassade de France en Croatie, précise les trois missions attribuées à la Marine : défense et dissuasion ; contribution à la sécurité et à la coopération internationale ; appui donné aux institutions civiles, en particulier pour le sauvetage en mer et la lutte contre la pollution. Elle est divisée en deux corps : la « flottille » pour armer les navires de guerre ; une garde-côtes pour assurer la surveillance de 57 000 km² d’eaux territoriales avec 1 246 îles et îlots. La Marine de guerre dispose de huit bâtiments de surface, dont deux sont équipés pour la lutte anti-sous-marine, et d’un dragueur de mines ; la garde-côtes, réorganisée en 2008 sur le modèle de celui de la Norvège, placée sous l’autorité du président de la République et des ministres de tutelle, a 9 bâtiments et 6 avions. Un plan à long terme sur quinze ans doit permettre de moderniser et revaloriser des bâtiments anciens provenant de l’ancienne flotte yougoslave et d’augmenter les forces pour la guerre des mines. La force croate a participé en 2015, avec un navire placé sous le commandement du lieutenant de vaisseau Gijevic, à l’opération Triton de sauvetage des migrants au large de la Libye (2 516 migrants sauvés) ainsi qu’à l’opération Atalante de lutte contre la piraterie et de protection des navires du Programme alimentaire mondial sur la côte de l’Afrique, avec un bâtiment placé sous le commandement du lieutenant de vaisseau Kontri.
Après avoir visité un patrouilleur lance-missiles récemment rénové, le groupe se dirige vers l’Institut hydrographique tout proche, où il visite une salle d’exposition du matériel utilisé depuis un siècle jusqu’au plus récent (en particulier des sondeurs), puis le département de cartographie (où il peut admirer les cartes du golfe de Venise dressé par Beautemps-Beaupré en 1806). L’Institut, qui collabore avec les organisations internationales, dispose de deux bâtiments hydrographiques et a publié 120 cartes.

L’après-midi commence avec la visite de l’Institut Ribastovo édifié dans un site d’une grande beauté sur le rivage du golfe de Split. Ce laboratoire, placé sous la tutelle du ministère de l’Education, développe des activités de recherches fondamentales et appliquées ainsi que d’enseignement dans les domaines de l’océanographie et des pêches. Il emploie soixante-quinze chercheurs et dispose d’un navire de recherches baptisé Navicula. Parmi ses huit laboratoires, le plus actif est dédié à l’étude du plancton et aux conséquences de l’évolution de celui-ci sur la nourriture et la santé humaine à travers la chaîne alimentaire ; l’Institut s’intéresse aussi aux répercussions des changements climatiques sur les ressources halieutiques, à l’évolution des espèces des poissons pour la pêche et aux modifications des productions côtières (par exemple, les huitres). Il publie les résultats des travaux de ses chercheurs dans Acta Adriatica, journal international des sciences de la mer, fondé en 1932 ; il collabore avec des laboratoires d’autres pays tels que, pour la France, Ifremer, le CNRS, l’Ecole navale ; il passe des contrats avec des entreprises, comme Pechiney. Il reçoit des étudiants de diverses nationalités, en particulier des Français (les confrères se sont entretenus avec des étudiants de l’Université de Toulon en cours de stage).

A la fin de la journée l’Académie est reçue par S. E. Madame Michèle Boccoz, Ambassadeur de France en Croatie, qui apporte des informations sur l’évolution politique actuelle du pays. Indépendante depuis vingt-cinq ans, la Croatie est issue d’une longue histoire marquée par des liens très étroits avec la Hongrie.

L’actuelle présidente de la République, Mme Grabar, élue en 2015, appartient à la droite pro-européenne. Ancienne secrétaire générale pour la diplomatie de l’OTAN, elle est proche des institutions européennes et voudrait resserrer les liens avec celles-ci. Le parlement issu des élections de novembre 2015 n’a pas de majorité de gouvernement et dix-neuf personnalités de diverses tendances ont formé une association dénommée « Le pont » pour défendre une politique d’union nationale et demander six ministères importants. Comme ils n’ont pas réussi à s’entendre sur le choix d’un premier ministre ils ont fait appel à une personnalité extérieure, à savoir un homme d’affaires originaire du pays mais fixé au Canada. Plusieurs ministres sont atteints par des scandales, ainsi le ministre des Anciens Combattants convaincu de corruption et contraint de présenter sa démission, et encore le ministre de la Culture, historien révisionniste dont les affirmations suscitent des vives critiques. A la suite de ces scandales, l’audience du parti de gauche et celle du parti anarchiste augmentent.

Après une période de forte croissance économique jusqu’en 2008 la Croatie a été fortement touchée par la crise économique. Depuis un an la situation économique s’est améliorée avec une bonne saison touristique et une amélioration des rentrées fiscales. Des entreprises françaises sont actives dans le pays, ainsi Bouygues (qui a le marché de la construction des autoroutes d’Istrie), la Société Générale, Lactalis et d’autres, mais plusieurs hésitent à cause des incertitudes provoquées par la crise gouvernementale. L’organisation des appels d’offres, jusqu’à maintenant favorable à la corruption, s’est rapprochée des normes de l’Europe.

La Croatie est engagée dans une coopération régionale active (processus de Brijuni) avec la Slovénie, en particulier par la création d’un office de la jeunesse analogue à l’office franco-allemand ; la même tendance se dessine avec la Bosnie-Herzégovine. Membre de l’Union européenne depuis 2013, le pays développe une coopération politique, culturelle et touristique active avec ses partenaires. Le pays est aussi membre de l’OTAN depuis 2005. Il a une armée petite (17 000 hommes) mais bien équipée et bien entraînée. Depuis 2008 il s’agit d’une armée professionnelle dont l’équipement est en grande partie américain. Elle a été engagée en Afghanistan aux côtés des Etats-Unis et elle a des accords militaires régionaux avec l’Italie, l’Allemagne et l’Autriche. Son armée a des accords d’entraînement avec celles de l’Italie, de l’Allemagne et de l’Autriche. Avec la France, la relation de défense est modérée ; il y a cependant du côté de la Croatie une volonté de rapprochement avec la seule puissance, en dehors des Etats-Unis, capable de la défendre dans une crise internationale.

Le vice-doyen de la Faculté maritime de l’Université de Split donne ensuite quelques précisions sur la formation maritime dispensé dans cette institution, collège nautique en 1959, puis faculté en 1985. L’enseignement porte sur la navigation, la mécanique, la gestion, les techniques informatiques et depuis peu le nautisme. Depuis la fondation plus de six mille étudiants y ont été formés et ils sont appréciés dans de nombreux pays, y compris le Japon.

Une association de passionnés de restauration de vieux gréements dont le siège est à Split participe à des rassemblements en France, surtout à Brest et dans le golfe du Morbihan. Il y montre des petites embarcations originales, parfois héritées de la navigation des anciens Grecs, utilisées pour la navigation dans les chenaux et entre les îles de l’Adriatique.


Mercredi 8 juin

Au début de la matinée, le groupe de l’Académie, accompagné de l’ambassadeur Boccoz et du colonel Vonderscher, se dirige vers le vaste chantier naval de Brodosplit, ancienne entreprise d’Etat achetée par le groupe privé DIV en 2013. Il emploie 2 300 ouvriers et 80 % de sa production, très diversifiée, est exportée. En parcourant les cales de construction on trouve des tankers, des cargos, des navires de passagers (il a lancé en 2011 un bâtiment de 180 m et 750 passagers commandé par la SNCM), des yachts, et les portes de la future écluse du lido de Venise…

La journée se poursuit dans le nord de la Dalmatie, avec la visite du port et de la ville ancienne de Zadar, sur un site défensif de presqu’île (occupé depuis l’Antiquité et y compris par les Angevins de Hongrie au XIVe siècle), au voisinage d’une embouchure offrant un bon abri pour la navigation. L’ancien forum romain situé au milieu de la cité est bordé de plusieurs établissements religieux parmi lesquels le couvent des sœurs bénédictines abrite une collection exceptionnelle d’art sacré, ainsi une croix syrienne du VIIe siècle, une extraordinaire Vierge à l’enfant de Paolo Veneziano peinte vers 1340, un étonnant polyptique de Carpaccio, du début du XVIe siècle, ainsi qu’une émouvante composition de bois sculpté de la même époque représentant le Christ et les apôtres, et bien d’autres chefs d’œuvre. Au voisinage l’église Saint-Donat édifiée au IXe siècle, avec des pierres provenant de monuments antiques, offre un rare exemple d’architecture byzantine avec un plan en rotonde inspiré de Sainte-Sophie, voisin de celui de la chapelle palatine d’Aix. Toujours à proximité, la cathédrale Sainte-Anastasie est une belle construction romane du XIIe siècle avec une façade harmonieuse et un plan basilical à trois nefs. Après un circuit dans la ville dont l’architecture civile est fortement marquée par l’influence vénitienne, le groupe prend la route de Split et s’arrête à mi-chemin dans la cité de Sibenik. Cette agglomération bien fortifiée, centre commercial et artisanal actif est demeuré durant quatre siècles sous la domination de Venise. A la Renaissance la bourgeoisie locale entreprit la construction d’une splendide cathédrale dont la direction est confiée successivement à trois architectes d’inspiration très différente. Un Vénitien réalise les soubassements dans la première moitié du XVe siècle en gothique, un Dalmate les poursuit en style de transition, et un Toscan édifie les portions supérieures en pure inspiration de la Renaissance florentine ; le tout se marie heureusement pour donner naissance à un ensemble exceptionnel. Dans cette cité les animaux domestiques sont choyés au point de pouvoir disposer d’un abreuvoir pour les chiens (avec l’inscription amor cani) et d’un autre pour les chats, tous deux situés à bonne hauteur !


Jeudi 9 juin

Cette journée est consacrée au trajet entre Split et Kotor par la route du littoral dite magistrale, avec la traversée d’une bande côtière de 10 km appartenant à la Bosnie-Herzégovine, de part et d’autre de la rivière Neretva, seul débouché du pays sur la mer, facilité par l’utilisation du port de Ploce (situé en Croatie). Avant l’arrivée au Monténégro la route en corniche permet d’avoir une vue d’ensemble de la très belle ville de Dubrovnik – « la perle de l’Adriatique » – avant la visite détaillée prévue à la fin de la semaine.


Vendredi 10 juin

Après une nuit passée dans la petite cité balnéaire de Budva, à proximité du célèbre îlot touristique de Sveti Stefan, ancien village de pêcheurs, fortifié et relié à la côte par une digue au XVe siècle, puis restauré et transformé sous l’impulsion du maréchal Tito en hôtel de grand luxe, le groupe poursuit sa route vers la ville côtière de Bar, anciennement Antivari, principal port commercial et militaire de cette République.

L’Académie, accompagnée du premier conseiller de l’ambassade de France dans le pays, ainsi que de l’attaché de Défense, est reçue au quartier général de la marine du Monténégro, dont les deux contre-torpilleurs et les deux patrouilleurs garde-côtes sont hérités de l’ancienne flotte yougoslave. Le Monténégro, qui aspire à entrer dans l’OTAN et dans l’Union européenne – il dispose déjà de l’euro comme monnaie – a participé à l’opération Atalante. A la suite de cette rencontre tous se rendent sur le port où ils sont rejoints par le maire de Bar et M. Ivo Paparella, invité permanent, afin de déposer une gerbe sur la plaque commémorant le naufrage du contre-torpilleur Dague, touché par une mine, et la mort de trente-huit marins, le 24 février 1915 durant une opération d’escorte d’un convoi de ravitaillement. A proximité, dans une ancienne résidence royale, une exposition présente une centaine d’objets remontés des fonds sous-marins et des documents d’archives prêtés par le Service historique de la Défense, en particulier le plan du navire. Un panneau explique en outre l’épopée du sous-marin Monge, coulé au large de Kotor le 28 décembre 1915, et le comportement héroïque du commandant Morillot qui réussit à sauver tout son équipage avant de couler avec le bâtiment, pour en empêcher la capture par l’ennemi.

Sur le chemin du retour vers Budva le groupe s’arrête au complexe touristique de Porto Monténégro. Sur un vaste chantier naval militaire déclassé en 2006 le milliardaire canadien Peter Munk a eu l’idée d’aménager une luxueuse marina pouvant recevoir 650 yachts, dont 150 de plus de 150 mètres. Des résidences somptueuses, un hôtel et des magasins de luxe ainsi que des restaurants complètent cet ensemble. Un musée naval est abrité dans une ancienne dépendance de l’arsenal, et le sous-marin Hero, ayant appartenu à l’ancienne marine yougoslave, et depuis peu restauré, est installé à proximité.


Samedi 11 juin

La journée commence par une visite du centre de la ville de Budva. C’est une île reliée au littoral par une flèche de sable et on y trouve des traces d’occupation humaine depuis au moins 3 500 ans avec des installations par les Illyriens, les Grecs, les Romains, les Vénitiens, les Français et d’autres encore. Bourg de pêcheurs et de cultivateurs d’oliviers jusqu’à il y a peu de temps, elle est maintenant le principal site de tourisme balnéaire du Monténégro et compte environ 15 000 habitants.

Le groupe pénètre ensuite dans les bouches de Kotor, vallée profondément entaillée dans du calcaire blanc, envahie par les eaux de l’Adriatique pour former quatre golfes reliés les uns aux autres et à la mer par des passes étroites et profondes. Le tout est dominé par les pentes escarpées de hautes montagnes culminant à 1 749 m. au mont Lovéen. Kotor, capitale régionale, est d’abord un port de fondation illyrienne puis romaine, installé à l’extrémité des passes, dans un site bien abrité. Citadelle byzantine bien fortifiée, siège d’un archevêché avec une cathédrale abritant les reliques de saint Tryphon, transférées depuis Constantinople. Protégée par Raguse puis par Venise elle devient une grande cité commerçante comme le montre son riche patrimoine d’églises et de palais depuis le XVe siècle jusqu’au XVIIIe siècle. L’église Notre-Dame-du-Rocher – construite au XVIIe siècle après une apparition de la Vierge sur une petite île située dans la dernière baie avant la passe d’accès à la mer – offre une vue splendide sur ce golfe aux eaux d’un bleu profond contrastant avec la clarté éblouissante de la roche calcaire.


Dimanche 12 juin

La matinée est consacrée à la visite de la célèbre ville de Dubrovnik (anciennement Raguse), puissante république maritime commerciale demeurée indépendante aux XVe et XVIe siècles grâce à une habile politique de bascule entre Venise et les Ottomans. Elle est entourée d’une ceinture spectaculaire de remparts édifiés à partir du Xe siècle et maintes fois consolidés, renforcée de trois forteresses et dix bastions. Après le dramatique bombardement de l’hiver 1991 la ville a été restaurée de manière remarquable et en un temps assez court grâce à l’énergie des habitants et à l’aide de l’UNESCO ainsi que de l’Union européenne. Sous la direction d’un guide le groupe découvre le cloître roman du monastère franciscain avec la pharmacie active depuis 1317, puis la ou Stradun, large rue traversant la ville d’est en ouest et principale artère de circulation, bordée de beaux immeubles du XVIIe siècle, aboutissant à la place du marché. Celle-ci est le centre religieux, économique et politique de la ville avec la cathédrale de la fin du XVIIe siècle et l’église Saint Blaise du XVIIIe siècle, dédiée au patron de la ville ; le palais (gothique flamboyant et Renaissance) du Recteur, chef de l’Etat (élu pour un mois parmi les 51 sénateurs de l’aristocratie des armateurs et des marchands de la ville et non immédiatement rééligible) ; l’hôtel de ville. Les fouilles récentes menées à l’occasion de la restauration des bâtiments endommagés ont révélé des fondations du VIIe siècle permettant de donner à cette cité une origine byzantine. Entre la cathédrale et le palais du Recteur une rue mène au port très bien protégé par l’enceinte fortifiée. A l’issue de cette visite le groupe se dirige vers l’aéroport et s’arrête au passage dans la petite ville de Cavtat, fondation grecque commodément édifiée sur une presqu’île, station balnéaire avec un vieux village bien conservé.

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