Voyages d'étude et visites

Arles et Marseille

C&M 2 2014-2015

Du 23-03-2015 au 26-03-2015

Lundi 23 mars

Au début de la matinée, le groupe se rend au musée départemental d’Arles antique, situé au voisinage de l’ancien port sur le Rhône. M. Claude Sintes, conservateur en chef, donne quelques notions de l’histoire de la ville en présentant les pièces archéologiques de grande qualité découvertes récemment dans le fleuve. Les premières preuves d’activité commerciale en relation avec les Phocéens se situent au IVe siècle av. J.-C. En 49 av. J.-C., au cours de la guerre entre Pompée et César, Arles se rallie au second et fait construire douze galères sur ses chantiers (en six semaines, ce qui montre une activité importante) tandis que Marseille choisit Pompée. Après sa victoire, César attribue à la ville les dépouilles de sa rivale et y installe une colonie de ses vétérans ; Arles reçoit alors des monuments, en particulier un théâtre avec des beaux reliefs en marbre, qui illustrent les bienfaits de la romanité. Parmi les plus belles pièces M. Sintes présente le célèbre « buste de César » ; l’attribution est discutée mais la qualité artistique est indéniable et le marbre provenant d’une carrière située au nord de la région du Pont est d’une qualité analogue à celui qui est utilisé pour les portraits officiels. Le bronze du « Gaulois captif » découvert également dans les fouilles du Rhône est une œuvre d’une qualité exceptionnelle tant par l’exécution que par le sujet (qui rappelle le « Gaulois blessé du Louvre ») : vaincu, il plie sous la défaite dans une attitude de grande dignité qui met en valeur la puissance du vainqueur et la gloire de sa victoire. Plus de 500 objets en relation avec la navigation et le commerce découverts lors de ces campagnes archéologiques sont mis en valeur dans un espace lumineux et libéré de tout cloisonnement.

Parmi la quinzaine d’épaves trouvées dans le fleuve, le chaland Arles-Rhône 3, datant du Ier siècle après J.-C., récemment restauré, est présenté par Mme Sabrina Marlier, conservateur et auteur d’un film visible sur le site internet du musée. La conception de ce bâtiment est élaborée et élégante avec une coque fuselée et très étroite de 31 m de long pour 3 m de largeur et 1 m de hauteur ; elle s’achève par une levée de proue de 7,70 m s’achevant en pointe. La construction est réalisée sur sole à fond plat et sans quille. La réalisation a nécessité 60 à 70 arbres (ossature en chêne et bordé en pins et sapins) et l’ensemble est assemblé au moyen de longs clous en fer. L’étanchéité est assurée par des chiffons de laine soigneusement choisis, imbibés de poix, entrés à force.

Le chargement est disposé dans un caisson de planches avec une capacité d’environ 22 tonnes soit un petit porteur pour la navigation locale, tiré par une vingtaine d’hommes. Parmi les produits transportés on rencontre des métaux (fer, plomb, cuivre, étain) et des pierres (chargement lors du naufrage). Cette embarcation a navigué pendant une vingtaine d’années et a fait naufrage brutalement lors d’une crue alors qu’elle était amarrée dans le port. C’est une découverte exceptionnelle par la qualité de la conservation qui permet d’étudier les techniques de construction et par la révélation des produits transportés.

La journée se poursuit avec la visite de la société A-Corros, établie dans la banlieue d’Arles dans la « pépinière d’entreprises » spécialisée Archeomed, où l’Académie est accueillie par le directeur Jean-Bernard Memet, docteur en sciences des matériaux, et son adjoint Philippe de Viviès, conservateur restaurateur. Au départ bureau d’études en traitement de la corrosion des structures, la société A-Corros est devenue depuis 2008 un laboratoire de conservation du patrimoine, soit pour l’entretien des monuments historiques (ainsi le palais de la Légion d’honneur à Paris) avec une spécialité dans les réalisations en fer pudlé, technique abandonnée aujourd’hui, soit pour l’optimisation des techniques de dessalement et de stabilisation des objets métalliques en archéologie sous-marine. Dans cette spécialité le laboratoire d’A-Corros a participé aux fouilles de Vanikoro et à celles du chaland Arles-Rhône 3 (pour les clous).

A la fin de la journée le groupe se rend au Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASM) établi sur le littoral de L’Estaque, dans la banlieue ouest de Marseille, où il est reçu par le directeur Michel L’Hour, aussi membre de la section Histoire, lettres et arts. Ce service du ministère de la Culture créé en 1966 (le plus ancien service au monde de recherche archéologique immergée) par André Malraux, a quatre missions : 1° Il délivre les autorisations de prospection et il contrôle les opérations de fouilles dans le domaine public maritime. 2° Il assure l’inventaire du patrimoine subaquatique et sous-marin. 3° Il participe à la formation des futurs archéologues professionnels dans les enseignements universitaires de master. 4° Il assure la conservation et la mise en dépôt du mobilier culturel qui lui est remis ou qu’il découvre. Depuis sa création il a dirigé l’étude ou contrôlé la fouille de plus de 1 500 sites archéologiques subaquatiques et sous-marins en France métropolitaine, en Outre-mer et à l’étranger avec parfois des chantiers spectaculaires comme les épaves de La Boussole et de L’Astrolabe à Vanikoro, la grotte Cosquer, le buste de César dans le Rhône ou l’épave de l’avion piloté par Saint-Exupéry lors de la disparition de celui-ci. Parmi les projets d’avenir Michel L’Hour annonce l’exploration de l’épave du cuirassé Danton coulé en 1917 au large de la Sardaigne et celle du vaisseau La Lune coulé en 1664 devant Toulon.

A la suite de cette présentation Michel L’Hour guide ses confrères dans la visite de l’André Malraux, bâtiment de recherche archéologique en service depuis 2012, succédant à l’Archéonaute, mis en service lors de la création du service. Très bien équipé, ce nouveau navire est un élément très important pour le développement des activités du DRASM.

Mardi 24 mars

Cette journée est consacrée à la visite du grand port maritime de Marseille (GPMM) et de ses installations sous la direction d’un guide-conférencier de l’établissement.

Marseille est le premier port français, le second de la Méditerranée, le cinquième de l’Europe (derrière Rotterdam, Anvers, Hambourg et Amsterdam) avec 78,5 millions de tonnes. C’est le premier employeur de la région (45 000 emplois).

Il s’étend sur 10 000 ha et 70 km de côtes depuis les bassins ouest de Lavéra, Port de Bouc, Fos-sur-Mer (qui dispose de 80 % de l’activité), et de Port-Saint-Louis jusqu’au Vieux-Port de Marseille à l’est. Un tiers du site constitue une réserve et n’est pas exploité.

Les hydrocarbures (hors gaz naturel liquéfié), avec 43 millions de tonnes entrent pour 60 % dans le trafic (c’est le 3e port pétrolier au monde). Une partie (32 %) est traitée sur place dans quatre raffineries ; le reste est expédié par l’oléoduc sud-européen vers les raffineries de Lyon, Reichstett en Alsace, Cressier en Suisse et Karlsruhe en Allemagne. En outre le terminal pétrolier dispose d’une capacité de stockage importante et les hydrocarbures alimentent une industrie de produits pétroliers dérivés (benzène, GNL, agro-diesel). La capacité du terminal méthanier (GDF 70 % et Total 30 %) est en augmentation. Les installations portuaires produisent aussi de l’énergie éolienne et photovoltaïque.

La sidérurgie sur l’eau demeure active avec 2 millions de tonnes produites dans l’usine Arcelor-Mittal. Celle-ci dispose d’un terminal privé. Un autre terminal minéralier, en particulier pour le fer et la bauxite, a une capacité supérieure.

Il y a aussi un terminal céréalier capable d’accueillir des barges qui circulent sur le Rhône ; un terminal de marchandises diverses reçoit les porte-conteneurs (1 200 000 par an avec une capacité de traitement de 22 à 30 boîtes par heure en cogestion privée par CMA CGM, MSC et Maersk) ainsi que des rouliers ; des espaces de stockage avec des hangars gérés par des entreprises spécialisés, ainsi Ikea pour les meubles ; un espace dédié pour le transport des automobiles avec une activité de 80 000 véhicules par an.

En général les bassins situés à l’ouest du port (surtout Fos) assurent les échanges avec l’Asie et l’Amérique tandis que ceux du côté oriental font les marchés de niches vers la Méditerranée, principalement l’Afrique du Nord.

Au début de l’après-midi le groupe gagne le Vieux Port et embarque sur une vedette pour visiter les installations du port Est sous la direction du conférencier du GPMM. Il s’arrête devant l’entrée des quatre bassins de radoub, puis devant la grande forme de radoub de 480 mètres de long dont la modernisation est prévue dans un avenir proche, en particulier la pose d’un bateau barge en béton pour assurer la fermeture ; il longe la nouvelle gare maritime, doublée par une galerie commerciale aménagée sur d’anciennes installations du port et destinée à accueillir les passagers des navires de croisière dont le trafic est en forte croissance ; puis il examine les cuves pour la décantation des hydrocarbures usagés.

A l’issue de la visite les académiciens sont reçus par Mme Cabau-Woehrel, directrice du GPMM. Dans son discours de présentation celle-ci insiste sur la recherche de la diversité dans les nouvelles installations du port. La diminution des activités de raffinage doit être accompagnée par l’augmentation des activités de croisière et de mouvements de conteneurs.

Puis elle répond aux questions.

A. Grill souligne l’importance des investissements actuels avec l’aménagement de nouveaux linéaires de quai et le mise en état de la grande forme de radoub ; Mme Cabau-Woehrel confirme cette observation et donne quelques chiffres.

Michel Bétous rappelle la politique d’implantation industrielle conduite par les précédentes directions ainsi la sidérurgie à Fos et il demande si elle est maintenue et s’il y a de nouveaux projets d’industrialisation. Mme Cabau-Woehrel approuve et insiste sur le développement contemporain des sites industriels « sur l’eau » pour lesquels le port de Marseille est bien placé en raison de ses possibilités logistiques ; il est prévu l’implantation de nouvelles énergies et d’industries chimiques.

Lars Wedin demande si Marseille participe au programme européen de « croissance bleue ». Le port est effectivement partie prenante surtout pour les relations avec la Méditerranée orientale, mais le développement de ce projet suppose une modification des habitudes.

Henri Legoherel : Quelle est la part du fleuve ? Mme C.-W. : L’axe rhodanien est essentiel et les revenus fluviaux ont augmenté de 22 % en un an ; pour les conteneurs le fleuve représente 25 % du report.

Raymonde Litalien demande des précisions sur les grandes directions des échanges. Mme C.-W. : L’Asie est la région principale en volume ; l’Afrique du Nord est essentielle pour les passagers ; les Etats-Unis et la Turquie ont tenu une place importante en 2014. Dans l’ensemble, il faut essayer d’apporter une « lisibilité d’image » plus forte du port de Marseille.

Mercredi 25 mars

La matinée est consacrée à la visite du siège social de CMA CGM sous la direction du contre-amiral (2s) Dominique Balmitgère. Depuis 2010, le siège de CMA CGM est établi dans une tour de 145 m (à la demande du maire Jean-Claude Gaudin elle ne dépasse pas Notre-Dame-de-la-Garde qui culmine à 154 m) et 33 étages au quai d’Arenc. Elle rassemble 2 400 employés appartenant à 20 nationalités, auparavant répartis sur 7 sites différents. Le groupe se rend d’abord dans la salle du conseil située au 31e étage avec une vue remarquable sur le port et la ville. Cette salle est ornée de deux grands panneaux en laque d’or, La conquête du cheval et La pêche, réalisés par l’artiste Jean Dunand en 1935 pour la décoration du salon des premières classes du paquebot Normandie.

L’amiral Balmitgère rappelle les grandes étapes de la carrière du président Jacques Saadé, né au Liban, établi en France depuis 1978 afin de protéger sa famille et fondateur de la CMA. Présente en Méditerranée orientale, l’entreprise franchit le canal de Suez en 1983, s’installe au Japon en 1986 et s’implante en Chine en 1992 ; elle fusionne avec la Compagnie générale maritime en 1996, avec Delmas en 2005, avec la Comanav, Us Lines et CNC en 2007. C’est une structure familiale comme les deux entreprises de transport de conteneurs qui la précèdent dans le classement mondial, sans doute parce que la poursuite de ce trafic (300 mouvements par jour) exige une capacité rapide de décision.

Puis il présente quelques données : la croissance moyenne annuelle des volumes est de 17 % sur les douze dernières années ; la croissance du trafic des conteneurs de la CMA est de 459 % en dix ans alors que la croissance générale du trafic des conteneurs est de 118 %. CMA exploite 450 navires dont 36 % en propriété et dispose d’un réseau mondial et équilibré de 170 lignes. CMA est le second plus grand transporteur depuis la Chine vers le nord de l’Europe ; toutes les cinq heures un navire CMA quitte la Chine !

La sécurité des personnes, des biens et des bâtiments est une préoccupation constante de l’entreprise. Elle organise des formations de sûreté (200 formations en 2 ans), des missions de protection et un suivi des déplacements dans les régions à risque, une veille continue contre les actes de piraterie. Ces derniers ont disparu pour le moment dans le golfe d’Aden et au large des côtes de Somalie, mais ils se développent dans le golfe de Guinée (un bâtiment de la CGM a été attaqué près des côtes du Nigéria le 4 mai 2013) et dans les approches de Singapour. La protection est passive en maintenant une vitesse supérieure à 14 nœuds et en installant des barbelés à l’extérieur des rambardes ; elle est active avec l’équipement du navire en armes. Le nombre des passagers clandestins augmente en Méditerranée : 22 groupes (dont 19 en Méditerranée) ont été récupérés en 2014, alors qu’ils étaient 3 en 2013. Lorsque des clandestins montent à bord ils sont bien sûr pris en charge jusqu’au prochain port. Des précautions sont prises dans les pays à risque avec un contrôle renforcé de l’accès aux navires, une fouille générale avant l’appareillage et le scellé des conteneurs vides. Pour la lutte contre les trafics illicites, en particulier d’armes et de stupéfiants, CMA CGM applique la réglementation internationale. Les marchandises potentiellement dangereuses et chargées en conteneurs doivent être déclarées. Il reste la difficulté de la sécurité dans le transport avec la perte de boîtes, en moyenne 30 par an par la CMA CGM (Maersk vient d’en perdre 617 en une fois !).

Au début de l’après-midi la délégation de l’Académie se rend à l’Ecole nationale supérieure maritime où elle est reçue par M. François Marendet, directeur général, M. Cyrille Le Camus, directeur de l’école de Marseille, et le professeur Hervé Baudu, membre de la section Navigation et Océanologie de notre compagnie.

M. Marendet (qui interviendra devant l’Académie le 20 mai prochain) présente rapidement l’organisation de cette école établie depuis deux ans pour la formation des marins. Tout en cherchant à transmettre les valeurs traditionnelles des gens de mer elle veut donner un enseignement adapté aux demandes des jeunes, ouvert aux techniques nouvelles, répondant aux souhaits du marché international. L’enseignement est réparti en plusieurs sites, avec une spécialisation de chacun d’entre eux.

Puis M. Marendet donne la parole à M. Baudu pour traiter des nouvelles conditions de la navigation en hautes latitudes, en préparation au voyage organisé par l’école durant l’été prochain sur un voilier russe. Cet exposé remarquablement documenté et intéressant sera publié dans la prochaine livraison du Bulletin mensuel.

Le groupe parcourt ensuite les salles de l’école et s’intéresse particulièrement aux deux simulateurs de navigation.

La journée s’achève par une visite du chantier de construction navale de la société H2X à La Ciotat où l’Académie est accueillie par M. Sébastien Grall, directeur, ainsi que plusieurs collaborateurs de son bureau d’études. Cette société assure la construction sur mesure de bateaux, des plus simples aux plus compliqués, entre 20 et 70 m, ainsi que leur maintenance Parmi les bâtiments présents sur le chantier et à un stade plus ou moins avancé de réalisation se trouve un grand catamaran, un bateau de pilote, une coque hydrographique. L’André Malraux du DRASM a été réalisé par la société H2X.

La principale innovation de cette entreprise est la réalisation de pièces de grande dimension en résine parfaitement homogène, lentement infusée sous vide et sous pression dans un tissu. Les pièces sont ensuite disposées sur un moule. Ce matériau a beaucoup de qualité : il ne rouille pas, il est léger et facile d’entretien, son prix (et son poids) est inférieur à celui de l’acier, l’entretien est facile et il n’a pas de signature radar. H2X travaille en réseau et appartient au groupe IX Core spécialisé dans le développement de nouvelles technologies pour la détection, la cartographie et l’instrumentation.

Jeudi 26 mars

La matinée est consacrée à une visite du bataillon des marins-pompiers de Marseille, à l’état-major du boulevard de Strasbourg, où l’Académie est accueillie par le vice-amiral Charles-Henri Garié, commandant. Celui-ci rappelle que ce bataillon est à la fois une unité de la Marine nationale et le corps des pompiers municipaux ; il a été créé en 1939 à la suite de l’incendie d’un grand magasin de la ville, après la mort de 73 personnes et l’impuissance des pompiers de la ville à juguler le sinistre, contraignant à faire appel à ceux de l’arsenal de Toulon. La loi du 29 juillet 1939 portant création du bataillon cherche à combiner le statut et le savoir-faire des militaires avec les compétences des civils, avec un financement et une coordination sous l’autorité du maire de Marseille. Il couvre les risques urbains tant d’incendie que sanitaires (dont il faut rapprocher l’urgence sociale particulièrement importante dans cette ville), les risques maritimes (en cas de feu dans le port ou à bord de navires, sur l’ensemble de la région y compris Fos et Port-de-Bouc, ainsi que Marignane), les risques naturels (feux de forêt et inondations, y compris lors de la rupture du barrage de Malpasset au nord de Fréjus) et les risques technologiques (avec deux installations classées Seveso).

Le bataillon comprend actuellement 2 477 hommes et fait en moyenne 31 interventions par jour, soit 110 000 par an. C’est-à-dire que l’on dénombre 124 interventions pour 1 000 habitants à Marseille, pour 73 à Paris et 63 en moyenne pour l’ensemble de la France.

A la suite de cet exposé le groupe se rend à la caserne de La Bigue, située sur le littoral dans la partie orientale du port, face aux îles du Frioul (où cinq hommes stationnent pendant l’été). C’est un centre de secours urbain et un centre maritime faisant une quinzaine d’interventions par jour ; 98 personnes y sont installées, dont 35 marins. Il dispose d’une flotte de vedettes, avec chacune huit hommes, qui interviennent surtout sur des feux de voiliers ou d’embarcations légères car les grosses unités sont tellement sécurisées que les incendies y sont rares.

Au début de l’après-midi la délégation se dirige vers le palais de la Bourse et de la Chambre de commerce et d’industrie Marseille-Provence. Elle y est reçue par le vice-président Marc Reverchon, PDG de la Méridionale de navigation, remplaçant le président Jacques Pfister.

M. Reverchon précise les ambitions de la Chambre de commerce pour le port et pour les années à venir : Marseille voudrait devenir une porte d’entrée logistique pour l’économie européenne. L’objectif principal est le développement du trafic des conteneurs qui devrait progresser depuis un peu plus d’un million actuellement à trois millions. Il faudrait accompagner cet essor d’une amélioration des transports, car 85 % de ceux-ci sont effectués par la route, ce qui est trop. Cependant il faudrait aussi poursuivre l’aménagement des terminaux autoroutiers et améliorer l’accessibilité des quartiers nord de la ville. Marseille est le 1er port français et le 2e de la Méditerranée grâce au trafic du pétrole ; pour parvenir à conserver cette place il faut favoriser la transition énergétique, en particulier vers le gaz naturel liquéfié (GNL). Le port gère 43 500 emplois (8 % des emplois salariés de la région) et pour maintenir ces emplois il convient d’encourager la croissance des secteurs de la réparation navale et de la croisière qui ont connu une croissance de 10 % l’année dernière. Enfin il ne faut pas oublier le soutien aux industries traditionnelles.

Pour le financement, il faut faire des choix et l’arbitrage est difficile. Le premier projet retenu est l’aménagement de terminaux pour les passagers nationaux et internationaux dans la partie sud du port. Le second est l’élargissement de la passe nord afin de pouvoir faciliter la manœuvre des grands navires de plus de 300 mètres. Le troisième est la remise en état de la « forme 10 » de grande dimension. Le dernier est la construction d’un « champ » d’éoliennes en mer.

La grande préoccupation du moment est la situation désastreuse de la Société nationale maritime Corse-Méditerranée (SNCM) qui doit rembourser 440 millions d’euros à l’Etat. La liquidation judiciaire est envisagée tandis que le tribunal de Bastia vient d’annuler la Délégation de service public. La ligne vers la Corse représente 2 000 emplois à Marseille.

Puis, M. Reverchon répond aux questions.

Lars Wedin : Quelles sont les précautions prises afin de protéger votre système informatique en cas de cyber-attaque ? Réponse : Le système est contrôlé par les professionnels.

Alain Grill : Le retour sur investissement de Fos est lent, en particulier pour les paquebots, car la ville est éloignée et les vents sont violents. Réponse : Une voie pour le passage des cars de tourisme à travers le port est en cours d’aménagement et devrait permettre d’éviter les encombrements.

A la suite de l’exposé de M. Reverchon, M. Patrick Boulanger, archiviste de la Chambre, donne quelques précisions sur l’histoire de celle-ci. C’est la plus ancienne de ce type en France puisqu’elle a été fondée en 1599 afin d’organiser la protection des routes maritimes contre les Barbaresques, en particulier en formant des convois. Aux XVIIe et XVIIIe siècles elle contrôle la présence française au Levant en relation avec le secrétaire d’Etat à la Marine. Au XVIIIe siècle elle apporte une aide à la Marine en transportant des forces pour l’expédition de Minorque en 1756, puis elle offre Le Marseillais de 74 canons (débaptisé à la suite du soulèvement de la ville en 1793 et nommé Le Vengeur, coulé après une brillante défense) et Le Commerce de Marseille de 180 canons. Elle accompagne le développement du port en exploitant une machine à curer, en créant un phare (alimenté avec de l’huile d’olives) sur la tour du Planier, en faisant construire des hangars et en améliorant l’outillage. De 1915 à 1927, elle fait construire le tunnel du Rove pour permettre la jonction avec l’étang de Berre ; à partir de 1949 elle aménage le port pétrolier de Lavera et fait construire la grande forme de radoub (forme 10) ; entre 1960 et 1965 elle aménage le port de Fos ; en 1968, elle ouvre un centre de plongée, devenu ensuite « Institut de plongée profonde ».

En fin d’après-midi la délégation de l’Académie se rend à la mairie où elle est reçue par M. Jean-Claude Gaudin, maire de la ville et sénateur.

Dans son allocution (dont on trouvera la transcription intégrale dans la prochaine livraison des Communications et mémoires) M. Gaudin annonce : « C’est un grand plaisir et un honneur pour moi de vous accueillir… à l’occasion du voyage d’étude que vous effectuez aujourd’hui à Marseille… La mer et toutes les activités humaines qui y sont liées ont construit Marseille. Elles ont écrit son histoire sous toutes ses facettes, économiques, industrielles et commerciales bien sûr, mais également culturelles, sociales, touristiques et même sportives. Son littoral maritime, qui s’étend sur 57 km, ses îles, et naturellement ses calanques, aujourd’hui protégées et valorisées dans le premier Parc National terrestre, marin et péri-urbain d’Europe, rendent sa situation unique. Il y a quelques jours encore, le prestigieux National Geographic a d’ailleurs classé Marseille dans les dix plus belles villes de bord de mer à visiter dans le monde…

Devenu deuxième port de Méditerranée, le port constitue naturellement un outil économique majeur pour l’attractivité de notre territoire et le développement de notre future métropole. Il est à ce titre impératif de conforter ses ambitions et sa vocation industrielle et commerciale…

Je sais, Monsieur le Président, que nous partageons avec votre Académie ces objectifs constants de développement et de préservation du monde maritime, autour de valeurs fortes ancrées à la fois dans la tradition et dans la modernité. C’est pourquoi j’ai aujourd’hui le grand honneur de vous remettre la médaille de la Ville de Marseille, en témoignage de ces valeurs communes, et en reconnaissance de votre engagement, de vos recherches, et de tout le travail que vous accomplissez, vous et vos amis académiciens, en faveur de la marine et du monde maritime. Au nom des Marseillais, soyez en remerciés ! »

Le président Legohérel adresse alors en retour ses remerciements (dont le texte sera aussi intégralement transcrit dans les Communications et mémoires) : « C’est un honneur pour notre compagnie que d’être reçue en votre hôtel de ville au terme de sa visite à Marseille… Nous sommes d’une part une société savante, plus soucieuse de prospective que de rétrospective, même si le devoir de mémoire fait partie de nos missions… Mais, d’autre part, nous sommes un conseil à la disposition des autorités gouvernementales pour des avis et des expertises concernant la politique navale et maritime de notre pays… Et c’est ainsi que nous allons constamment à la rencontre des acteurs du monde maritime, soit qu’ils viennent à nous dans le cadre de nos conférences, soit que nous les rejoignions sur leurs lieux d’activités…

Merveilleusement accueillis lors de chacune de nos visites, nous venons de passer à Marseille et dans sa région une semaine particulièrement instructive…

Nous savons les problèmes et les craintes qui pèsent sur votre cité… Tous nos vœux vous accompagnent, Monsieur le Maire, dans cette tâche à laquelle vous vous êtes consacré de faire de Marseille une cité prospère. Sachez que, si vous souhaitez solliciter de l’Académie de marine une étude, un avis, une participation à un événement marseillais, nous sommes à votre disposition. »

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