Voyages d'étude et visites

Aquitaine

C&M 2 2009-2010

Du 30-05-2010 au 03-06-2010

Cernée par les Pyrénées, le Massif Central et l’Atlantique, l’Aquitaine, troisième région métropolitaine de France, a un riche passé historique, dont les contours ont fluctué au cours des siècles. L’Aquitaine est avant tout la première région viticole de France. Elle génère le quart de la production viticole de l’Hexagone. Elle est aussi le berceau d’hommes illustres tels que François Mauriac (1885-1870), originaire de Bordeaux, et Michel de Montaigne (1533-1592), né dans le Périgord. Elle recèle aussi des trésors d’architecture puisqu’on y trouverait plus de mille châteaux ou manoirs. Après cette présentation liminaire la Compagnie embarque à la pointe de Grave pour le phare de Cordouan.

Le Phare de Cordouan, aussi nommé le Roi des Phares ou le Phare des Rois, parfois même le Versailles de la mer, fut le premier et un des rares phares classés monument historique en 1862. Il est le dernier phare français en mer à être gardé. Ce géant, haut de 68 m, situé à 7 km de la côte, balaie sur près de 40 km l’océan de Saint-Georges de Didonne à La Palmyre. La construction du phare de Cordouan commence en 1584. Ce n’est qu’en 1948 qu’il fut électrifié. Ceint de pierres de taille, le phare, avec ses 311 marches, nous livre ses trésors, de l’appartement du Roi jusqu’à la salle de la lanterne avec sa lentille de Fresnel, en passant par la chapelle Notre-Dame et son sol de marbre gris et noir éclairée de vitraux réalisés en 1855.

Une courte halte à Pauillac le long de l’estuaire de la Gironde nous permet d’apercevoir les quais de débarquement aménagés spécialement pour accueillir les navires rouliers transportant vers Toulouse les tronçons de l’Airbus 380.

L’Académie de marine est accueillie au Grand Port Maritime de Bordeaux par M. Jean-Paul Sandraz, président du Conseil de surveillance du GPMB, qui nous précise que le port de Bordeaux a connu, en 2009, un trafic de 8,8 millions de tonnes avec un mouvement de 12 000 conteneurs EVP (équivalents vingt pieds) pour un chiffre d’affaires de 46 millions d’euros. La diminution des importations a été notable mais a été compensée par une forte augmentation des exportations (due au trafic du bois) si bien que le ralentissement d’activité a été limité à 3 %.

Les installations sont réparties sur les 100 km de l’estuaire en six terminaux spécialisés : Bordeaux Port de la Lune (paquebots) ; Bassens (céréales et vrac) ; Ambès (hydrocarbures et produits chimiques) ; Blaye (céréales et produits chimiques liquides) ; Pauillac (accueil des structures de l’A-380) ; Le Verdon (conteneurs et très grands paquebots de croisière). Les réserves foncières du site du Verdon pouvaient permettre l’installation d’un nouveau terminal méthanier, projet entraînant un investissement de 400 millions d’euros dont l’annulation a été annoncée en juillet dernier, ce qui a provoqué une très vive déception dans les milieux portuaires et économiques.

Le port de Bordeaux doit prendre en compte sa géographie en fond d’estuaire qui le rend dépendant du niveau des rivières et de la marée et rend nécessaire un dragage du chenal pour un coût annuel de 13 millions d’euros par an dont moins d’un tiers est pris en charge par la collectivité nationale. Le port s’apprête à concrétiser la réforme des ports français en modernisant les infrastructures, en tablant sur l’exportation des pales d’éoliennes et en développant l’avant-port du Verdon pour en faire une plate-forme d’éclatement et cherchant une utilisation de la forme de radoub aux fins de démolition navale. Puis M. Henri-Vincent Amouroux, directeur de l’Union maritime et portuaire de Bordeaux, ajoute que les priorités sont dans la fiabilité, la qualité, la sûreté environnementale et la productivité. Un effort vigoureux est poursuivi sur le plan de la dématérialisation des procédures grâce à la transmission automatisée des informations lors des passages successifs de la marchandise dans la chaîne des intervenants. En complément de ces informations, le commandant Henri Folli, capitaine du port, a donné d’intéressantes précisions sur la complexité de la circulation dans l’estuaire, notamment à propos de l’exploitation opportune de l’onde de marée.

Après un tour panoramique de Bordeaux en autocar, la Compagnie découvre à pied les nombreux travaux et restaurations entrepris par le maire, M. Alain Juppé. Le 28 juin 2007, le comité de l’UNESCO a inscrit une partie de Bordeaux au patrimoine mondial de l’humanité. La zone ainsi classée s’étend sur environ 1 810 ha, soit près de la moitié de la superficie de la ville. Il semblerait que la fondation de Burdigala, l’ancien nom de Bordeaux, remonte au IIIème siècle avant J.-C. Les Romains assainissent les lieux, les urbanisent et construisent des aqueducs. C’est au XVIIIème siècle que Bordeaux va connaître son apogée grâce à son expansion commerciale et démographique. Aujourd’hui, alors que Bordeaux se développe sur les deux rives de la Garonne, le cœur de la ville manque cruellement de moyens de franchir le fleuve afin de désengorger le trafic. De nombreux projets ont été soumis et, après plusieurs années de réflexion sur la forme et l’emplacement d’un nouveau pont, l’avis favorable au lancement des travaux du pont Bacalan a été voté le 20 juillet 2009.

C’est à Barp, pour visiter les installations du Laser Mégajoule au CEA-CESTA (Centre d’études scientifiques et techniques d’Aquitaine) que l’Académie de marine est accueillie par M. Jean-Pierre Gianini, directeur du CEA-CESTA. Avant une visite des lieux, il rappelle les missions fondamentales du CEA et de la Direction des applications militaires (DAM) dont les services et laboratoires ont la tâche de concevoir et d’élaborer les charges nucléaires équipant les forces françaises de dissuasion, les armes de ce type devant être modernisées après une durée de vie de vingt ans. En 1996, la France a adopté le concept de charges dites robustes qui peuvent être mises au point sans essais en exploitant les informations recueillies lors de l’ultime campagne de tirs. Il faut donc recourir à la simulation, conformément à la ratification du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE). Cette simulation doit être multiforme. Il faut calculer et expérimenter en échelle réduite et démontrer la validité de la simulation par la réinterprétation des essais antérieurs parfaitement connus. Si les résultats mesurés antérieurement coïncident strictement avec les prédictions de la simulation, on peut conclure que celle-ci est exacte. Les moyens matériels à mettre en œuvre sont à la mesure des défis. C’est ainsi que la compagnie Bull doit livrer des ordinateurs d’une puissance annoncée de 1 000 téraflops, soit mille milliards d’opérations arithmétiques par seconde. Le défi humain est du même ordre et nécessite le recrutement de nouvelles équipes à former aux nouvelles méthodes et aux nouveaux outils.

Le cœur de l’appareillage est le laser qui doit permettre de reproduire, à une échelle minuscule, la réalité de la fusion nucléaire en faisant converger le tir sur une cible d’un peu plus de 2 mm pour la porter à une température de l’ordre de 10 millions de degrés. Ce tir sera assuré par la convergence de 176 rayons laser sur la cible contenue dans une sphère d’aluminium de cent tonnes. L’installation nécessaire, en quatre halls séparés, est proprement colossale, chacune des lignes apportant les faisceaux ayant une longueur de 125 mètres.

La mise en service opérationnelle est prévue pour 2015, avec une capacité de cinq tirs par an, les réglages et les multiples contrôles optiques et électroniques mobilisant l’essentiel de l’activité en préparation de tir. L’effectif du site sera de mille employés du CEA, complété par 250 sous-traitants et 85 étudiants et chercheurs en stage.

Puis c’est à Villeneuve-sur-Lot, nichée entre les collines vertes et boisées qui dominent la basse vallée du Lot, que la Compagnie est accueillie par M. Robert de Flaujac, délégué des Vieilles Maisons Françaises à Agen et président de la Société académique des sciences, lettres et arts d’Agen. Il nous raconte le château de Lamothe. La propriétaire est aujourd’hui Mme Céline Raphaël-Leygues, arrière-petite-fille de Georges Leygues et qui réside aux Etats-Unis. Un hôpital militaire y fut installé pendant la Grande Guerre puis, pendant la guerre d’Espagne, il servit à loger de nombreux orphelins. En 1968, son petit-fils Claude Raphaël-Leygues, artiste peintre, en termina la restauration. C’est à l’Hôtel de Ville de Villeneuve-sur-Lot que l’Académie est reçue par M. Asperti, adjoint du député-maire M. Jérôme Cahuzac. Le président Bertrand Vieillard-Baron accueille et présente M. Jean Delvert, historien et spécialiste de Georges Leygues, qui nous livre une remarquable communication sur l’homme et son œuvre politique. M. Delvert saisit l’occasion de la venue de l’Académie de marine à Villeneuve-sur-Lot pour rendre hommage non seulement à une célébrité locale mais aussi à un des hommes d’Etat les plus éminents de la IIIème République. Georges Leygues, né à Villeneuve-sur-Lot, devenu avocat et maire de sa ville puis député du Lot-et-Garonne, dirigera plusieurs ministères. Mais c’est avant tout comme ministre de la Marine que Georges Leygues s’est s’illustré en mettant toute son énergie à moderniser la « Royale » et à accréditer l’utilité d’une marine de guerre même en temps de paix. Il est à l'origine du statut naval, présenté en 1920 au Parlement, qui permettra la renaissance de la flotte française, durement éprouvée par la Première Guerre mondiale. Le 14 novembre 1929, il posera la première pierre de l’Ecole navale à Brest. Il entreprend d’améliorer le quotidien ainsi que l’instruction des officiers et des équipages. Convaincu que l’aviation est l’arme de l’avenir, le statut de l’Aéronautique navale est promulgué le 27 novembre 1932. Ses capacités exceptionnelles de vision et d’innovation le feront qualifier dans l’histoire comme le Colbert de la IIIème République.

Clairac, ancien bastion du protestantisme, dont la devise était « Ville sans Roy, soldats sans peur », a servi de refuge à l’Ecole navale en 1943 et à la promotion 1942 retournée dans ses foyers. Cette insolite page de l’histoire de l’Ecole est merveilleusement décrite dans L’Ecole buissonnière, pages rédigées par le capitaine de frégate (H) Jean Esmein, membre de la section Histoire, lettres et arts de l’Académie de marine, et issu de cette promotion. C’est avec une réelle émotion que nous écoutons son témoignage évoquant le bataillon de « l’Ecole navale des champs » qui revint défiler à Clairac le 24 janvier 1945.

Dernière étape du voyage d’étude, le château de Xaintrailles, fief de la famille Vieillard-Baron. M Stéphane Thouin, architecte des monuments historiques, nous fait une courte présentation des lieux dont il a conduit la restauration. De son côté, le président Bertrand Vieillard Baron a fait revivre l’histoire du château, évoquant ses propriétaires successifs (Bernard de Lamothe, Antoine de Chamborel, les familles Montesquiou et Lau de Lusignan), leurs liens avec l’histoire de France, ainsi que le séjour de George Sand qui puisa, raconte-t-on, son inspiration dans l’étang de la Lagüe pour la rédaction de La Mare au diable. L’après-midi culturelle se termine dans les salons du château de Xaintrailles où Mme Hélène Forzy, nièce du Commissaire Général Hervé Caroff, fait don à l’Académie de marine en remettant au président Bertrand Vieillard-Baron les carnets de voyages d’Hervé Caroff ainsi que son bicorne. Ces cahiers relatent les récits de ses voyages à bord du Turenne à Madagascar (1885), de Toulon à Yokohama (1889) et la campagne de Chine (1900-1901).

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