Voyages d'étude et visites

Bruxelles

C&M 3 2005-2006

Du 16-05-2006 au 18-05-2006

Extrait du BM n°8 de mai 2006

I – L’UNION EUROPEENNE ET LES AFFAIRES MARITIMES

En choisissant Bruxelles comme destination du second voyage d’études de l’année académique 2005-2006, le président Jean-Louis Guibert, dont on lira plus bas les réponses à quelques questions, est resté fidèle à l’esprit des traditions de la Compagnie. Une visite à la Commission européenne ne faisait pas vraiment quitter la France à la délégation composée d’une trentaine de membres et d’invités permanents de l’Académie et le programme comportait aussi une séance d’information, le jeudi matin, à la Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne. Cette séance, consacrée essentiellement aux questions de défense et de sécurité, fait l’objet d’un compte rendu séparé.

Négocier des compromis

Elle a été ouverte par une intervention de l’ambassadeur Sellal qui a délivré un message dont l’auditoire a pu apprécier la portée tant sur le plan de la politique générale que sur celui des affaires proprement maritimes. Ce qui est décidé à Bruxelles, a-t-il rappelé, n’a jamais un aspect discrétionnaire. C’est toujours le résultat de compromis élaborés sur ce « gigantesque théâtre de négociations » où une présence assidue et active est indispensable. Plusieurs dizaines de milliers de personnes y font du lobbying et contribuent à concentrer une sorte de marché d’influences. La France doit prendre sa part dans ce bruit de fond ; c’est la tâche des deux cents personnes (toutes administrations confondues) qui œuvrent à la Représentation permanente.
Quoi qu’on puisse penser ou dire, a ajouté M. Sellal, l’Europe n’est pas en panne et la France n’est pas effacée en dépit de l’impression d’incohérence qu’a pu donner la réponse négative au référendum sur le projet de constitution. En raison de la diversité de ses intérêts, notre pays est toujours à même de contribuer à des solutions collectives, à condition d’éviter toute arrogance ou prétention et sans se complaire dans un sentiment de déclin ou d’aboulie. Il s’agit maintenant de donner une nouvelle légitimité au projet européen en cherchant l’efficacité. Cette restauration d’une image devenue négative passe par la démonstration du fait que l’Union européenne est porteuse de valeur ajoutée si la « fatigue institutionnelle » fait place à la recherche du concret sur des sujets choisis. La sécurité maritime est un bon exemple de ce qui peut être fait au niveau européen et qui pourrait servir de base à une action internationale. C’est un domaine où l’élargissement (à Malte et à Chypre notamment) a internationalisé un aspect fondamental de la mondialisation. On peut y mener une action horizontale en intégrant les différents enjeux (police, justice, défense) qui s’ajoutent à la dimension purement maritime. En utilisant l’outil de la majorité qualifiée, il est possible de bâtir une politique unifiée en matière de sécurité maritime, a conclu le représentant permanent de la France.

Vers une politique maritime de l’Union européenne

Recherche de synergies mais aussi de consensus par la consultation et l’écoute et souci du concret paraissent désormais les maîtres mots qui inspirent les travaux de la Commission et de ses agences, comme on avait pu s’en rendre compte, le mardi et le mercredi, en entendant les différents exposés prévus au programme. Accueillis par Mme Jaegert (Direction générale « Education et culture »), les participants ont entendu d’abord traiter de la politique maritime de l’Union par M. Richardson qui est chef de la « Task force » ad hoc (Direction générale Pêche et Affaires maritimes). Cette politique en gestation est une nécessité aux yeux de M. Barroso qui en a fait un objectif stratégique. Les motivations en sont connues de tous ceux qui se soucient des questions maritimes et qui savent l’importance de la mer pour la vie économique et la vie tout court des citoyens de l’Union dont quatre-vingt-dix pour cent du commerce extérieur empruntent la voie maritime et dont les 1200 ports voient transiter deux milliards de tonnes de fret et 350 millions de passagers. Début juin, un Livre vert va formuler les principes d’une telle politique dont les buts ne sont rien moins que de préserver la mer en tant que source de richesse pour l’avenir, de dynamiser l’économie maritime européenne, de renforcer les connaissances, de créer des synergies entre les politiques sectorielles et d’améliorer la gouvernance maritime. Tout cela, qui doit respecter les principes de subsidiarité en laissant faire à chacun ce qu’il peut faire au mieux, recouvre un immense champ d’action et correspond à un programme aussi ambitieux que diversifié : de la limitation des risque pour les côtes au développement du tourisme sans oublier la lutte contre la pêche illégale et la gestion des zones côtières entre autres… L’idée est d’aboutir à un espace maritime européen sans perdre de vue que l’océan est une réalité globale et que les défis sont mondiaux. Les moyens sont une reconquête du patrimoine maritime de l’Europe et la réaffirmation de son identité maritime. Tout dépendra évidemment de ce qu’on trouvera concrètement sous ces grands principes. C’est sûrement pour éviter le reproche d’une certaine idéalisation que le Livre vert, une fois adopté par le collège des commissaires, sera soumis pendant un an (de juin 2006 à juin 2007) aux feux de la critique constructive après que son texte a déjà été mis au point dans le cadre d’une concertation où la France a pu apporter une contribution notable, a dit M. Richardson.
L’Académie de marine a pu se livrer au jeu des questions, des remarques, voire des suggestions à l’occasion d’un échange de vues très nourri qui devra se poursuivre systématiquement. Le but – et la préoccupation – de la Commission est de proposer finalement un document assuré du consensus afin d’éviter ce qui s’est passé avec la proposition de directive portuaire dont le sort ne fut pas heureux. On travaille désormais de façon différente à Bruxelles.

Le Droit de la mer et la communauté européenne

L’exposé suivant concernait le Droit de la mer et la Communauté européenne et a été présenté par M. Beslier, chef de l’Unité Politique internationale et Droit de la mer (Direction générale Pêche et Affaires maritimes). C’est là un sujet vaste et complexe dont la donnée principale est le fait que l’Union a adhéré à la Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer depuis 1997 cependant que chacun des Etats membres y est également partie et que c’est d’ailleurs une obligation faite aux candidats. On ne doit pas perdre de vue que la pêche fait l’objet de la politique la plus intégrée, ce qui donne un rôle moteur à la Commission. Le Droit de la mer ne peut être réduit à la seule convention car il faut compter avec les applications. Par ailleurs, l’évolution se poursuit notamment pour des considérations propres au respect de l’environnement à propos duquel chaque politique maritime doit minimiser les impacts négatifs qu’elle pourrait avoir. Le système des conseils des ministres spécialisés ne facilite pas la vision coordonnée qui serait souhaitable et qui n’existe même pas toujours au niveau des Etats eux-mêmes, le couple environnement-pêche donnant un bon exemple des incohérences possibles que la Commission s’efforce de dépasser.
Les grands sujets ont trait à la question de la pêche illicite (liée en fait à celle des pavillons dits de complaisance), à la définition du plateau continental (qui est du ressort des Etats) et de la protection et de l’exploitation des ressources océaniques (notamment le domaine prometteur des ressources génétiques). Ce dernier point est crucial du fait des oppositions d’intérêts. Il apparaît que l’idée d’amender la convention UNCLOS n’est pas pertinente mais qu’on peut sans doute imaginer un protocole additionnel pour les applications. La discussion à ce sujet a laissé voir un souci de ne pas fragiliser une convention qui a le mérite d’exister. Un autre sujet est aussi en débat : celui de l’adhésion de l’Union européenne à l’OMI. On y retrouve les clivages traditionnels entre Etats membres dont les affaires maritimes constituent un domaine de choix.

Le programme Galileo

L’exposé suivant portait sur le programme Galileo Egnos et a été fait par M. Miart de l’Unité Système de navigation par satellite ; transports intelligents (Direction générale Transports énergie). L’Académie de marine est particulièrement intéressée par le projet Galileo et s’y est d’ailleurs impliquée. On s’y félicite que l’Union européenne ait décidé d’avoir son propre système civil à la différence du système GPS des Etats-Unis d’Amérique dont l’objectif est exclusivement militaire et dont les applications civiles ne sont qu’une retombée, en forte expansion il est vrai. L’importance de l’enjeu se mesure à l’estimation du nombre de récepteurs à l’horizon 2020 : trois milliards !
Le coût total de Galileo devrait être de 3,6 milliards d’euros à près de 4 milliards. Le programme comporte trois phases. La première poursuivie avec l’Agence spatiale européenne doit s’achever en 2008 ; c’est celle du développement et de la validation du système. La deuxième (2008-2010) sera celle du déploiement avec la fabrication et le lancement des satellites. La dernière verra l’exploitation commerciale et le choix du futur concessionnaire dans le cadre d’un partenariat public/privé, étant entendu que la propriété du système restera publique. De ce point de vue commercial, on retiendra que les services offerts s’étageront sur une gamme de cinq niveaux caractérisés par une plus ou moins grande restriction : le service de base destiné au grand public (comme le GPS) sera gratuit ; un service commercial plus performant sera payant ; un troisième (safety of life) sera meilleur encore et pourra servir de guide aux atterrissages ; un quatrième devrait améliorer l’existant en ce qui concerne la recherche et le sauvetage ; le dernier sera gouvernemental : crypté et hautement performant, il répondra aux besoins de la police, des douanes, du fisc et aussi des militaires.
A propos des applications militaires, un débat est en cours et n’est pas clos, marqué qu’il est par une différence d’appréciation franco-britannique. Le point de vue du Royaume-Uni est que ce qui est civil n’est pas militaire et qu’il faudrait l’unanimité pour en décider autrement. Le point de vue français est que chaque Etat membre doit pouvoir décider si ce programme civil sous contrôle civil peut avoir aussi des applications militaires.
Il reste que Galileo présente plusieurs aspects sans précédents qui en font une « première » à plus d’un égard : c’est la première application d’une politique spatiale européenne qui n’existe pas ; c’est le premier cas coopération entre l’Union et l’Agence spatiale européenne ; c’est la première grande infrastructure européenne ; c’est la première concession faite par l’Union ; c’est enfin le premier véritable grand service public offert par l’Union et d’une dimension mondiale.

La construction navale

Le dernier exposé était celui de M. Vopel, de l’Unité Industries maritimes, aérospatiales et défense (Direction générale Entreprise et industrie) qui a aussi en charge les fournisseurs d’équipements navals, l’assurance maritime et les sociétés de classification. Présenté en anglais sans interprète bien que le français soit toujours une langue de travail à la Commission, il a permis à l’orateur de rappeler les données de base d’une industrie dont on sait qu’elle s’exerce dans une pure logique internationale et dans un environnement mondialisé depuis toujours et, en tout cas depuis que la Communauté européenne s’est formée. Les chantiers européens concernent 115 000 emplois avec un chiffre d’affaires de 13 milliards d’euros et les équipementiers 260 000 emplois pour 26 milliards annuels. Alors que les navires construits en Corée sont essentiellement des assemblages d’éléments provenant en grande partie d’Europe, cette dernière excelle toujours dans le domaine des navires complexes et garde un rôle de leader technique incontesté. La pression exercée par l’Asie n’a jamais cessé pour autant, des acteurs nouveaux relayant les précédents sans les faire disparaître. Il reste que la situation est toujours aussi préoccupante dans la perspective de l’effondrement d’une conjoncture actuellement exceptionnelle et compte tenu des investissements effectués par des pays tels que la Chine, le Vietnam, l’Inde, l’Iran, l’Indonésie, les Philippines. De plus, l’industrie européenne de la construction navale est encore peu coordonnée et demeure dispersée. M. Vopel a surtout commenté le document LeaderShip 201 qui comporte une trentaine de recommandations dont les plus opérantes pourraient être celles qui concernent l’effort de recherche et les liens avec les autres politiques communes sans omettre la question récurrente de la coopération entre chantiers civils et militaires. La section Marine marchande, pêche et plaisance avait analysé en son temps ce document qui date de 2003. Le défi d’une politique européenne de la construction navale est sans doute plus problématique encore que celui d’une politique maritime, même en intégrant la première dans la seconde dont elle peut et doit être une composante essentielle.
Cette première journée aura permis de prendre conscience du fait que la réalité maritime est bien présente dans le quotidien de la Commission. On dira que c’est normal et que le contraire serait une anomalie. Mais beaucoup se souviennent de temps pas si anciens où c’était tout le contraire. L’avenir dira ce que sera dans les faits une politique maritime européenne dont l’ambition paraît démesurée et qui ne devra pas privilégier la mer aux dépens des industries maritimes, par exemple en voyant d’abord dans le navire une menace pour l’environnement et en oubliant son utilité indispensable. Il reste qu’il vaut mieux avoir une politique maritime imparfaite que pas de politique maritime du tout.

L’Agence européenne de sécurité maritime

Le programme de la deuxième journée comportait deux autres exposés sur des sujets qui ont l’avantage (tout comme Galileo mais d’un point de vue très différent) de n’être pas limité à l’affirmation de grands et bons principes.
Le premier, présenté par M. Marcellus, concernait l’Agence européenne de sécurité maritime (EMSA en anglais) qui a fait l’objet d’une mise au point de M. Raymond Simonnet au sein de la section Marine marchande, pêche et plaisance lors de sa dernière réunion comme on a pu le voir dans le Bulletin mensuel d’avril (page 6). L’orateur a replacé la création et l’action de cette agence dans le cadre de la politique européenne de sécurité maritime et il en a décrit le fonctionnement en précisant le rôle du conseil d’administration, ceux des six unités (deux administratives et quatre techniques) et les missions des agents temporaires recrutés pour une période de trois ans en insistant sur l’intérêt d’un système qui permet de varier les moyens et de les adapter aux besoins. L’AESM a été créée en raison des conséquences négatives du comportement de certains pavillons, des limites indépassables de l’action de l’OMI et du caractère particulier de l’industrie du shipping. Au sein de l’Union les choses ne sont pas simples du fait que presque tous les Etats membres sont des états côtiers, que tous (sauf la Tchéquie) ont un pavillon et que tous sans exception présentent une dépendance économique vis à vis du transport maritime. Les missions de l’Agence sont l’amélioration de la sécurité, la prévention de la pollution et la lutte contre celle-ci quand le problème se pose. Ces missions passent par l’application du droit communautaire, le renforcement de la coopération, l’assistance technique à la Commission et la fourniture de capacités opérationnelles. L’idée fondamentale est de développer la prospective et l’analyse du risque.
M. Marcellus a rappelé les grandes étapes de ce qui a été fait avec les paquets Erika I et II et Prestige et il a énuméré les propositions du troisième paquet. Elles concernent les obligations de l’Etat du pavillon, les enquêtes après accidents, le contrôle par l’Etat du port, le suivi du trafic et l’information, les contrôles des sociétés de classification et la responsabilité ainsi que les garanties financières des propriétaires de navires. Ce dernier point est vivement discuté par les armateurs. Cet exposé a lui aussi suscité un intéressant échange tant sur les concepts de sécurité et de sûreté que sur celui des eaux communautaires. On retiendra – et ce point est décisif – que l’évolution des techniques (notamment le contrôle informatique et le suivi satellitaire) modifie profondément les données des problèmes dans la mesure où ce qui n’était pas possible hier l’est aujourd’hui si bien qu’une amélioration effective allant jusqu’à des solutions satisfaisantes n’est pas du tout théorique.

Définition et rôle d’une agence de contrôle

Ce constat s’est retrouvé à l’occasion de l’exposé de M. Gallizioli (DG Pêche et Affaires maritimes) qui a démontré la pertinence d’une agence de contrôle en matière de pêche. La synergie avec l’AESM est évidente car le contrôle des pêches peut aller de pair avec le contrôle en mer. C’est d’autant plus souhaitable que le premier est actuellement très éparpillé dans les Etats membres. La synergie n’exclut pas la différence car les dimensions économiques du secteur du transport maritime et de celui des pêches ne sont pas du même ordre. Le contrôle des pêches mobilise quelque cinquante personnes avec un budget de quatre millions d’euros en 2006 qui devrait atteindre les dix millions en 2010. Une agence spécialisée se justifie par le fait de la compétence exclusive de la Communauté en matière de pêche. Elle répond à la volonté de la Commission de réduire le nombre des fonctionnaires communautaires en recourant à des collaborateurs sous contrat. Par ailleurs, on doit bien retenir que le contrôle proprement dit est de la responsabilité des Etats membres tandis que la responsabilité de la Commission est de vérifier que les contrôles sont effectués. Le rapport annuel établi par M. Gallizioli fait état de 9000 infractions graves en 2004 ; encore faut-il s’entendre sur le terme. Aux Etats qui invoquent leur manque de moyens, la Commission répond avec un régime d’aide aux investissements (500 millions d’euros sur dix ans) pour construire des vedettes de contrôle.
Dans l’avenir, on va pouvoir recourir au contrôle satellitaire et une proposition vise à l’introduction de journaux de bord électroniques permettant d’envoyer toutes les vingt-quatre heures des données qui ne peuvent plus être modifiées. La surveillance de la pêche illicite par image satellitaire est un autre exemple de ce que permet l’évolution technique dont a vu précédemment qu’elle modifie les possibilités d’intervention. On dispose en fait de moyens de contrôle de plus en plus performants. Les rapports ont mis en évidence des défaillances mais aussi des expériences positives d’opérations conjointes (associant plusieurs Etats) de contrôle. Il faut une convention entre les Etats membres pour permettre la mise en commun des moyens disponibles et un projet de règlement va être présenté prochainement. Le but est l’efficacité mais aussi l’économie car le prix du contrôle n’est pas mince par rapport à la valeur des produits pêchés. L’opportunité d’un centre de coordination découle de ces constats.

L’orateur a décrit en détail ce que pourra être l’organisation de l’agence sans rien omettre des difficultés de recrutement des inspecteurs et a fait remarquer qu’il en existe trois catégories : ceux de la Commission (qui doivent être accompagnés par un représentant de l’Etat concerné) ; les nationaux et les communautaires qui sont des nationaux désignés. On voit que ce n’est pas simple sans compter les réactions possibles des pêcheurs… D’autres missions seront assignées à l’agence qui devrait s’installer à Vigo et dont la mise en place sera précédée d’un règlement permettant les contrôles en 2007. Elles concerneront le suivi du contrôle à distance, l’assistance technique, la formation et la lutte contre la pêche illicite.
On a eu là un exemple parlant de ce que peut être une politique concrétisée dont l’efficacité suppose une volonté commune, ce qui renvoie à l’esprit de l’Union.

II - SÉCURITÉ, DÉFENSE, OTAN

Après l’intervention de S.E. l’ambassadeur Sellal, l’Académie, reçue dans les locaux de la Représentation française auprès de l’Union européenne le jeudi 18 mai, a entendu celles de S.E. Madame l’Ambassadeur Roger, Représentant la France au Comité Politique et de Sécurité et du général Duquesne, adjoint du représentant militaire auprès du comité militaire de l’UE, l’amiral Wilmot-Roussel, retenu par une importante réunion.
Madame Roger a tout d’abord rappelé les différentes phases de la politique européenne de Sécurité et de Défense élaborée à Maastricht en 1993, et dont la prochaine phase sera la création en 2007 d’un Centre de Planification et d’Opérations.
La stratégie européenne de sécurité s’est traduite par un flux important d’opérations réalisées avec les moyens propres à l’UE, ou en coopération avec l’OTAN ou à la demande de l’ONU dans un cadre militaire ou civil, et dans des zones extrêmement variées.
Pour l’avenir, il y a trois défis à relever. Tout d’abord, améliorer ses capacités avec l’aide de l’Agence Européenne de Défense. Il faut ensuite augmenter la cohérence des actions entre les différentes filières européennes dont le financement dépend de la Commission et du Conseil. Il faut enfin que se manifeste une volonté politique forte. Les moteurs de cette politique sont les Etats membres, mais il faut constater que l’on compte beaucoup sur la France pour la Sécurité Défense. Malgré une évolution sensible, les nouveaux Etats membres ont tendance à considérer que leur sécurité s’appuie principalement sur l’OTAN car on a du mal à leur expliquer l’Europe de la Défense, tâche délicate pour le Haut Représentant Xavier Solana.
En réponse à une question, madame Roger a estimé que le couple franco-allemand fonctionne bien au sommet, mais que dans la pratique, les barrières constitutionnelles et culturelles sont difficiles à franchir, alors que français et britanniques se comprennent à demi mots. Quant à l’Europe méditerranéenne, elle lui parait en panne comme beaucoup de questions qui se posent dans cette zone.
Le colonel de Langlois est ensuite intervenu sur l’Agence Européenne de Défense dont le rôle est de préparer l’avenir en développant les capacités de défense pour soutenir la politique actuelle et future. Après un rappel historique de la création et de l’évolution de l’Agence, qui n’a véritablement pris sa forme actuelle qu’en 2004, le colonel a précisé les quatre orientations que s’est fixées l’Agence : approche capacitaire en tirant les leçons des opérations récentes puis des travaux de l’état-major de l’Union (à l’horizon 2010) – Recherche et technologie, avec comme premiers chantiers l’interopérabilité des communications (C3), les satellites, les drones et les blindés moyens – Standardisation des armements – Ouverture des marchés à la concurrence européenne.
En 2006, l’Agence s’intéresse également à la Sécurité Maritime, en relation avec l’EMSA au niveau des études, mais aussi pour sensibiliser le Conseil à ce domaine, car c’est lui qui détient les capacités de financement. Pour ce qui concerne les marchés, l’Agence s’attache à définir un code de conduite afin d’harmoniser les besoins. A cet égard, le colonel cite l’absurdité de la situation actuelle qui enregistre 23 modèles différents de blindés moyens au sein de l’UE.
Le budget de 22 M€ pour le fonctionnement et de 5 M€ pour les études est insuffisant face aux missions de l’Agence, mais des démarches sont en cours pour son augmentation.
La matinée s’est achevée par l’exposé du général Porchier, représentant militaire français auprès du comité militaire de l’OTAN.
L’OTAN comprend 26 membres dont 19 européens dont le groupe est très divisé en raison de l’influence qu’exercent les Etats-Unis, en particulier sur les anciens pays de l’Est qui pensent que leur salut se situe auprès d’eux plutôt que de l’UE. L’OTAN cherche à s’élargir en s’associant avec des pays tels que la Nouvelle Zélande, l’Australie, le Japon ou la Corée du sud. La position de la France est enviable, en dépit de sa situation particulière, en raison de la qualité de nos officiers qui ne représentent pourtant que 1 % de l’ensemble des états-majors.
Le général détaille longuement les opérations de l’OTAN et leur évolution dans le temps. Il considère que les opérations humanitaires comme celle qui a suivi le tremblement de terre au Pakistan ont un effet pervers car l’emploi de moyens militaires spécialisés pour ce type d’opérations dégrade leur finalité. C’est la vision de la France contrairement à celle d’autres pays qui y voient leur avantage.
L’OTAN est en cours d’évolution dans ses concepts qui s’orientent vers des missions plus larges, dans son organisation qui ne s’appuie plus sur des régions ou des théâtres, mais sur des commandements fonctionnels, dans ses fondements technologiques qui évoluent vers un registre plus classique car les nations ne disposent pas toutes des moyens de la très haute technologie qui désormais n’occupe plus la place que l’on pensait qu’elle occuperait dans l’avenir.
En conclusion, le général constate que les nations rechignent à contribuer largement au budget de l’OTAN et que le plus souvent elles recherchent des solutions souples et conforment à leurs intérêts. Pour sa part la France participe à ce budget à hauteur de 13 %.
Très riche par la qualité des intervenants et des informations qu’ils ont délivrées sans réserve, cette matinée a clos le déplacement à Bruxelles des représentants de l’Académie qui ont vivement apprécié d’avoir pu mesurer in situ la plupart des aspects de la réalité de l’Europe, mais aussi les charmes de la vieille citée bruxelloise qui a manifestement profité d’être le siège d’un très grand nombre de ses institutions.
J-P B

III -LE POINT DE VUE DU PRESIDENT GUIBERT

Q - Quelle est votre impression personnelle du voyage de l’Académie de marine à Bruxelles en ce qui concerne le devenir d’une politique maritime communautaire ?
R – Si l’on s’en tient à ce qu’a dit M. Richardson, on a l’impression de ne pas avoir appris grand chose tant le vocabulaire de ce qui n’était même pas un inventaire était disons le convenu : préserver, dynamiser, créer des synergies, améliorer la gouvernance, innover, pratiquer une gestion intégrée… A ce stade, le mieux, me semble-t-il, est d’attendre la proche ( ?) parution de ce qui serait un (avant) projet et, alors, de s’y atteler.

Q - Quels commentaires vous inspire votre expérience des événements de mer et des problèmes de la sécurité de la navigation à propos des initiatives de la Commission en la matière ?
R - Ayant surtout travaillé sur la matière, le technique, j’ai toujours pensé qu’il fallait donner la priorité aux solutions elles-mêmes, techniques, pragmatiques plutôt qu’aux solutions réglementaires dont l’effet se trouve limité en raison de leur inapplication quand elles ne sont pas tout bonnement inapplicables.

Q – Quelles sont, à votre avis, les chances d’une transposition au plan mondial des principes d’une politique européenne de sécurité maritime une fois qu’ils seraient établis ?
R – C’est la vieille querelle entre la Commission européenne et l’Organisation maritime internationale pour qui, hors de l’international, il n’y a pas de salut. C’est à la fois un peu vrai du fait que cent-quarante Etats peuvent refuser les « diktats » des vingt-cinq représentés par la Commission et un peu faux quand on sait que l’OMI commence à être « noyée » sous l’avalanche des textes « promulgués et… non appliqués ».

Q – Pensez-vous que l’Académie de marine puisse s’insérer dans le processus qui conduit la Commission à susciter la libre expression de points de vue avant de formuler définitivement la politique maritime de l’Union ?
R – Oui, pour ma part je le pense et, dans le droit fil de votre première question, je crois que nous devrons donner notre avis sur certains points.

Q – Le voyage à Bruxelles est le quatrième et dernier de votre présidence. Pouvez-vous tirer des leçons de ces déplacements pour l’activité générale de l’Académie de marine et son influence ?
R – J’ai cherché à accentuer le côté « voyage d’études », même s’il n’y avait pas que cela dans ceux que j’ai organisés, dans des domaines maritimes (et fluviaux) peut-être moins connus ou quelque peu négligés. Si ceci n’a peut-être pas eu d’impact sur l’activité de l’Académie, du moins son influence n’a pu que croître auprès d’interlocuteurs qui ne nous connaissaient pas !

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