Voyages d'étude et visites

Turquie

C&M 3 2005-2006

Du 22-04-2006 au 30-04-2006

Extrait du BM n°7 d'avril 2006

(Contribution du président Jean-Louis Guibert)

Cette destination, comme la Chine en avril 2005, avait été choisie par le président, ainsi qu’il est de règle, au vu des « annales » qui ne faisaient que très peu, voire pas du tout mention de voyages dans ces pays. Etonnant, non ?
Après accord du chef d’Etat-major de la Marine et consultation de la Direction concernée des Affaires étrangères, le programme de principe en a été établi avec une agence de voyage spécialisée et les conseillers de l’Ambassade de Turquie en France.
Le sujet de l’étude portait bien naturellement sur le trafic maritime dans les détroits turcs, plus particulièrement du point de vue technique, les aspects historique et juridique ayant fait l’objet des deux exposés dont il est rendu compte plus haut.
A cet effet, les participants ont rencontré :
? l’amiral commandant la zone Nord et résidant à Istanbul, responsable de ce fait d’une région sensible entre mer Noire, où des accords de coopération ont été signés avec tous les pays riverains, notamment en matière de sûreté, et mer de Marmara, entre les détroits, et mer Egée ;
? l’amiral commandant l’Ecole navale, située à quelques kilomètres d’Istanbul et comptant près de 1000 cadets répartis dans les quatre années de cursus.

Là, trois présentations :
- l’une sur la Marine nationale turque, forte de 55 000 hommes, dont 5 000 officiers qui, particularité, pour beaucoup vont naviguer dans la marine marchande après 50 ans, âge de la retraite. Les porte-avions mis à part, cette marine possède la plupart des autres types de navires, dont certains sont en construction dans leurs chantiers, ainsi que des aéronefs ;
- l’autre sur la formation, somme toute classique et faisant appel, dans certains domaines, à la simulation ;
- la troisième, enfin, portait sur la garde-côtes. Celle-ci, placée sous l’autorité du ministère de l’intérieur et dotée d’un certain nombre d’unités du type patrouilleur, est actuellement armée par des officiers de marine, dont certains sont volontaires pour y demeurer. D’ores et déjà, l’Ecole navale forme des officiers destinés à la garde côtes dans laquelle ils resteront, l’idée étant que la garde-côtes exercera ses activités dans les eaux territoriales, la Marine nationale intervenant au-delà.Ces exposés furent suivis d’un déjeuner avec l’Amiral, son état-major et tous les cadets, avant une visite de l’école, tout à fait remarquable à tous égards.
? l’amiral dirigeant le Département de la navigation, de l’hydrographie et de l’océanographie, dont les attributions sont analogues voire un peu plus étendues que celle de notre SHOM (ressources marines), situé sur la rive asiatique du Bosphore. Ce service est lui aussi remarquable. Il a déjà couvert en cartes électroniques (numériques) la plupart des 8 000 kilomètres de côtes turques bordées par quatre mers et travaille en étroite liaison avec les VTS (Vessels traffics services) des Détroits ;
? le directeur du service de trafic maritime (STM/VTS) du détroit du Bosphore, dit maintenant détroit d’Istanbul, qui a, bien sûr, également évoqué celui des Dardanelles, maintenant appelé « de Çanakkale ». Ces VTS dépendent du ministère chargé des transports. Ils sont armés respectivement par 43 et 34 opérateurs, tous titulaires d’un brevet de commandement « au long cours » et de 20 et 17 ingénieurs et techniciens.
- Le détroit d’Istanbul, long de 17’ est couvert par un VTS de 55’ doté de radars, de stations AIS, de stations VHF-DSC, de caméras de télévision infrarouge. Il a été divisé en quatre secteurs principaux de surveillance. Les opérateurs y suivent la navigation sur une carte électronique et un écran de télévision et disposent d’une base de données dans laquelle figurent tous les navires en transit, avec toutes leurs caractéristiques ainsi que, pour les secteurs nord et sud, la situation des navires aux mouillages d’attente.
- Compte tenu des accidents survenus ou potentiels, le trafic des « navires à risques » est strictement organisé, en « système alterné », voire à voie unique. Rappelons que la largeur minimum de ce détroit est de l’ordre de 600 mètres, avec des changements de cap atteignant 80° et de forts courants. Des remorqueurs, affrétés, disposés en plusieurs endroits des détroits, sont parés à intervenir.
- Le détroit de Çanakkale, long de 37’ est couvert par un VTS de 78’ divisé en trois secteurs. Ses moyens et son exploitation sont identiques à celui d’Istanbul.
- La mer de Marmara, longue de 110’ devrait, quant à elle, être couverte de moyens radars, VHF et AIS d’ici la fin de l’année 2006.
La surveillance des « détroits turcs » s’exercera alors sur quelques 240’ de la mer Noire à la mer Egée.
A noter qu’en application de la convention de Montreux et au nom de la liberté de navigation dans les Détroits, le pilotage n’est obligatoire que pour les navires battant pavillon turc. D’autres peuvent y avoir recours volontairement. Au total, 50% des navires en transit font appel à un pilote, à vrai dire indispensable, tant du point de vue aide à la navigation que pour les communications avec le VTS.
Heureusement les oléoducs et gazoducs allant des pays producteurs du nord avec la Méditerranée, réduiront le trafic des navires transportant ces produits.
Ces visites ont été complétées par une « descente » du détroit d’Istanbul en bateau pour en apprécier les difficultés, le trafic, les équipements du VTS, ainsi que les risques pour les zones urbanisées, de chaque côté des détroits et plus particulièrement la ville d’Istanbul, avec 13 millions d’habitants sur environ 5000 km².
Enfin, les 38 participants ont été conviés à dîner par le vice-amiral d’escadre chargé de toutes les formations de la Marine nationale turque.
Ce voyage d’étude fut bien entendu agrémenté par un voyage culturel aussi complet que possible :
- à Istanbul, l’hippodrome, la mosquée Bleue, Sainte-Sophie, le musée des Arts turcs et musulmans, la citerne-basilique, le palais de Topkapi, le musée archéologique, le Grand Bazar, le Bazar égyptien, l’église Saint Sauveur-in-Chora et ses splendides mosaïques, le palais de Dolmabahçe ;
- aux Dardanelles, les champs de bataille et les monuments commémoratifs ;
- à Troie, les vestiges et quelques reproductions du cheval du même nom ;
- à Bursa, ville industrielle où se trouvent les chaines de montage, sous licence, d’un certain nombre de marques de voitures automobiles, une splendide mosquée verte aux magnifiques vitraux.

En bref, un voyage particulièrement instructif où d’aucuns ont pu se rendre compte des aberrations de la vision hexagonale du monde. La Turquie n’est pas l’Islam, Istanbul est, sans mal, plus propre que Paris, ses tramways n’engorgent pas la circulation, et ses habitants, aux quarante ethnies, n’ont pas de « faciès à délit ».
Le rédacteur du présent compte rendu, dépourvu, malheureusement du « poème traditionnel », faute de poète, se tient prêt à s’expliciter pour la partie « voyage d’étude » en tant que de besoin. Il rappelle, même si cela peut paraître trivial, que de tels voyages s’effectuent aux frais des participants.

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