Éloge

Séance du 28 janvier 2015

Éloge de M. Tristan Vieljeux

Cet éloge est prononcé par M. Bernard Datcharry, successeur de M. Vieljeux dans la section Marine marchande, pêche et plaisance.

Né en 1924 Tristan Vieljeux appartient à une dynastie d’armateurs, installée à La Rochelle depuis la seconde moitié du XIXe siècle avec des capitaux provenant pour partie de l’industrie de Mulhouse, sa famille ayant « opté pour la France » en 1871 Son adolescence est perturbée par les événements de la Seconde Guerre mondiale, en particulier la disparition de son grand-père, maire de La Rochelle, assassiné par la Gestapo en 1944, ainsi que quatre membres de sa famille. Au même moment, Tristan Vieljeux sert dans la célèbre 2ème DB du général Leclerc.

En 1945, il commence sa carrière maritime, d’abord dans la Compagnie Fraissinet, puis dans un armement anglais. Il entre en 1947 dans le groupe familial Delmas Vieljeux, troisième armement privé en France, dont il devient secrétaire général en 1953 puis directeur en 1961.

Après avoir été florissante dans l’entre-deux-guerres, la Compagnie Delmas Vieljeux est gravement atteinte par la Seconde Guerre mondiale. Elle retrouve de l’activité grâce aux Liberty ships mis à sa disposition par l’Etat français et à l’achat de bâtiments neufs. En 1961, Pierre Vieljeux demande à être déchargé de la direction et il est remplacé par son fils Tristan qui se révèle d’emblée un armateur exceptionnel.

Convaincu de la nécessité de disposer d’une flotte perfectionnée et toujours plus compétitive, il multiplie les commandes de séries de navires modernes bien adaptés aux trafics de la société. Au 1er janvier 1990 le groupe Delmas-Vieljeux dispose d’une cinquantaine de navires d’une moyenne d’âge de six ans et le groupe est classé au 18e rang mondial des armements spécialisés dans le transport de conteneurs.

Disposant de la flotte la plus moderne, la plus jeune et la plus compétitive sur les lignes qu’il dessert, devenu l’un des principaux clients des chantiers navals français, la Société Delmas-Vieljeux multiplie les participations commerciales et transforme peu à peu son armement familial en groupe international. En même temps il achète et fait entrer dans son groupe de nombreux armements français de ligne régulière, ainsi les Chargeurs Réunis, Louis Martin, Maurel & Prom, Denis Frères, …

En 1991 c’est le coup de tonnerre de la prise de contrôle de Delmas par le groupe Bolloré. Par deux fois déjà Tristan Vieljeux était parvenu à contrer une telle opération mais, en 1991, après quatre ans de lutte, il est contraint de céder le contrôle de son groupe.

Il met alors son talent et son expérience au service de Jacques Saadé, alors président de la CMA. Il l’aide à se porter acquéreur de CGM auprès de l’Etat français et il préside le conseil de surveillance de la nouvelle société jusqu’en 2010. La cession par Vincent Bolloré de la compagnie maritime Delmas au groupe CMA CGM en 2005 a dû avoir un goût de revanche pour l’ancien président directeur général !

Jusqu’à la fin de sa vie, il a témoigné un attachement et une fidélité remarquables à ses anciens collaborateurs directs, attachement et fidélité réciproques. De même, il a toujours porté un attachement particulier au personnel navigant ‒ sa « seconde famille » ‒ et est demeuré marqué durant toute son existence par le souvenir des deux catastrophes ayant endeuillé le groupe en 1979, le naufrage du François Vieljeux et l’incendie de l’Emmanuel Delmas. Il avait la confiance de ses pairs comme le montre son élection à la vice-présidence de 1968 à 1972, puis à la présidence, de 1972 à 1976, du Comité central des armateurs de France. En outre il est élu en 1990 dans la section Marine marchande, pêche et plaisance de notre compagnie.

Malgré ses lourdes responsabilités et son intense activité il parvenait à dégager un peu de temps pour ses deux passions : la voile et l’opéra. C’était aussi un père, grand-père et arrière-grand-père attentif et aimé. Son plus bel éloge émane de l’un de ses petits-fils qui, lors de ses obsèques, déclara que, lorsqu’il était enfant, à la question : « Que feras-tu plus tard ? » répondit : « Je veux être grand-père ».

Sa grande activité en Afrique lui avait valu l’amitié de plusieurs chefs d’Etat du continent, marquée par la promotion au grade de commandeur de l’ordre national de la Côte d’Ivoire, du Gabon et du Sénégal. Ses concitoyens ont reconnu les mérites et le talent de cet homme d’exception en l’élevant à la dignité de grand officier de la Légion d’honneur.

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