Conférences

Le chevalier Paul, au service du Roi et de la Religion

Alain Kremer
Directeur-adjoint (h) des services de l’Assemblée nationale et invité permanent de l’académie

Le 02-12-2015

M. Alain Kremer, directeur-adjoint (h) des services de l’Assemblée nationale, capitaine de vaisseau (h), délégué de l’Ordre de Malte auprès de la Marine nationale et invité permanent de l’Académie de marine, a bien voulu faire une communication devant l’Académie à la suite du report de la conférence de M. Alain Cadec, président de la commission de la pêche au Parlement européen, empêché par une obligation parlementaire.


Paul de Saumeur, chevalier puis commandeur de l’ordre de Malte, lieutenant général des armées navales françaises au Levant, vice-amiral, né en 1597 et décédé en 1667, après cinq décennies quasiment interrompues au service de Malte et de la France, est aujourd’hui mal connu des Français, sauf des marins. Trois bâtiments de la flotte nationale ont porté ou portent son nom : un contre-torpilleur de la classe Vauquelin (1934-1941), un escorteur d’escadre de type T 47 (1956-1971) et l’actuelle frégate de défense aérienne Chevalier Paul, admise au service actif en juin 2011.


Né à Marseille, il aurait commencé à naviguer au commerce à l’âge de douze ans, puis au service de l’Ordre de Malte en 1614. Il s’y distingue dans des combats contre les Barbaresques et les Ottomans, en particulier au voisinage de Lesbos. Ses faits d’armes, son courage et ses exceptionnelles qualités de manœuvrier lui valent d’être admis en qualité de chevalier servant d’armes en 1637.


L’année suivante il est appelé par Richelieu, organisateur de la Marine de guerre française, parmi les personnalités dont la compétence est nécessaire. Il bénéficie aussi de l’appui de Paul de Fortia, gouverneur du château d’If, dont les relations avec Paul et sa famille sont assez obscures. Capitaine de vaisseau, commandant du Neptune, il participe en août 1638 avec l’escadre Sourdis à la bataille de Guetaria au cours de laquelle une grande partie de la flotte espagnole est détruite. Puis il passe en Méditerranée et contribue par ses opérations à interrompre la « route de l’argent » et le paiement des tercios au service des Habsbourg en Allemagne et aux Pays-Bas. Il conduit aussi des actions victorieuses contre la flotte espagnole de l’Italie du Sud. Ces succès lui valent une lettre de noblesse en 1649 et le titre de chef d’escadre ; en 1654 il est promu lieutenant-général des armées navales.


Dans l’intervalle de ses commandements sur des bâtiments français il sert l’Ordre de Malte dans lequel il est nommé Chevalier de Justice en 1651 ; huit ans plus tard, à la demande de Mazarin, il est fait commandeur du Grand Prieuré de Saint Gilles, le plus riche de la Langue de Provence.


Après la signature du traité des Pyrénées, marquant en 1659 la fin des combats entre la France et l’Espagne, Paul mène des campagnes de protection du commerce contre les corsaires barbaresques. Celles-ci sont poursuivies avec l’accord de Louis XIV, que Paul conduit au cours d’une visite du port de Toulon et de ses installations en 1661 avant de le recevoir ainsi que la cour dans sa propriété des environs de la ville. Honneur insigne, cette maison de campagne devient « La casine du roi ». En 1663, il lance un coup de force contre La Goulette et capture La Perle, navire amiral des Barbaresques ; en 1664, il conduit heureusement le débarquement des troupes devant Djidjelli, sur le littoral de la Kabylie, petit port dont les Français veulent faire une base navale ; puis, selon ses instructions, il assure la sécurité des communications avec Toulon et livre un combat devant Cherchell au cours duquel il détruit presque totalement une escadre algérienne. Il n’a aucune responsabilité dans l’échec des opérations à terre, dû à une préparation bâclée, à une conduite déficiente, à une répartition mal définie des responsabilités ayant pour résultat des querelles de personnes. Le résultat est un embarquement meurtrier, accompagné de l’abandon du matériel et du naufrage de La Lune devant Toulon. Une lettre personnelle adressée par le roi au chevalier Paul reconnaît l’absence de responsabilité de celui-ci dans ce fiasco.


Souffrant de blessures reçues au cours des combats et mal cicatrisées, Paul cesse progressivement de naviguer. Sa dernière mission, en 1666, est essentiellement de représentation, avec le commandement d’une escadre conduisant à Lisbonne Françoise de Savoie-Nemours, future épouse du roi Alphonse de Portugal.



Telle est, rapidement esquissée, la carrière de celui qu’un ancien ministre de la Marine désignait comme « l’une des plus nobles figures de la marine française ».

C&M 1 2015-2016

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