Conférences

La situation de la flotte française aujourd’hui

Eric Banel
Administrateur des Affaires maritimes, Délégué général d’Armateurs de France

Le 29-03-2017

M. Eric Banel, Administrateur des Affaires maritimes, Délégué général d’Armateurs de France, est présenté par Mme Françoise Odier, présidente de la section Marine marchande, pêche et plaisance.

« Armateurs de France », commence M. Banel, est l’organisation professionnelle des entreprises françaises de transport et de services maritimes. Tous les secteurs d’activité y sont représentés : transport de passagers, de vrac sec, de vrac liquide, de conteneurs ; pose de câbles sous-marins ; activités offshore ; services portuaires ; recherche et océanographie, assistance et sauvetage ; extraction sablière. Elle a 56 adhérents et plus de 900 navires opérés ou contrôlés ; ceux-ci assurent le transport de dix millions de passagers chaque année. Outre 100 000 emplois directs et indirects en France, elle propose 46 000 emplois dans le monde. C’est le seul secteur industriel à contribuer positivement aux échanges extérieurs de la nation. Armateurs de France est une équipe d’experts et de professionnels au service de ses adhérents. Elle assure la défense et la représentation des adhérents auprès des instances françaises, communautaires et internationales ; elle intervient dans le dialogue social de branche et la négociation des conventions collectives ; elle œuvre à promouvoir l’image du transport maritime ; elle informe et donne des conseils à ses adhérents.

Puis M. Banel fournit quelques données sur la flotte de commerce française, soit 304 navires sous pavillon français, avec six registres dont un métropolitain, un international, 4 ultramarins, et 846 navires contrôlés. Les ferries et les pétroliers constituent le pourcentage le plus important de navires sous pavillon français.

Trois groupes dominent le transport maritime français : CMA CGM, Louis-Dreyfus Armateurs, Bourbon. Le premier rayonne dans plus de 160 pays, employant plus de 29 000 personnes dans le monde (dont 4 500 en France) ; doté d’une flotte jeune et diversifiée de 356 navires, il dessert 420 ports de commerce dans le monde ; avec 18 millions d’EVP transportés en 2015, il se place au troisième rang mondial dans le secteur du transport maritime des conteneurs. Louis-Dreyfus Armateurs est un groupe familial de transport et de services maritimes depuis plus de 160 ans. Il est présent dans le monde entier avec près de 1 600 collaborateurs navigants et sédentaires. Il est principalement organisé autour de deux métiers : le vrac sec et logistique ; les services industriels. Bourbon est le premier armement mondial de services à l’offshore, avec plus de 500 navires en opération, 10 000 collaborateurs dans 45 pays et 1 437 millions d’euros de chiffre d’affaire.

Quels sont les enjeux internationaux du transport maritime ? Les armateurs sont aux avant-postes de la mondialisation : 90 % des volumes d’échanges mondiaux (80 % en valeur) passent par le transport maritime ; pour la France, 72 % des importations et exportations s’effectuent par voie maritime.

Il faut remarquer cependant un ralentissement de la demande mondiale face à une flotte en surcapacité (50 000 navires marchands dans le monde) ; la conséquence immédiate est une diminution des taux de fret. La tension est particulièrement forte pour le transport de vrac, marché fragmenté avec beaucoup d’acteurs ; pour réduire l’excédent de capacité on envisage d’envoyer les plus vieux navires à la démolition. Mais il n’y a pas d’urgence comme le montrent les aléas du marché pétrolier : lorsque l’OPEP décide de réduire sa production le prix du pétrole est en hausse, donc il y a moins de demande et les taux du fret sont à la baisse ; cependant un prix du pétrole élevé favorise l’activité offshore> et la croissance d’un marché plus diversifié avec des nouveaux pays producteurs et des nouvelles routes maritimes. Pour le transport par conteneurs (il y a actuellement 24 porte-conteneurs sous pavillon français) on assiste à un mouvement de fusion et de consolidation avec, d’une part, une multiplication des alliances pour faire face au déséquilibre provoqué par la surcapacité de l’offre par rapport à la demande, ainsi Maersk et Hamburg süd (9,7 % du marché), CMA CGM et APL (6 %) ; et, d’autre part, la mise en exploitation des navires de 17 000 à 18 000 EVP (ainsi le Bougainville de 17 722 EVP) permettent des économies d’échelle et une réduction des coûts. Le transport par ferries est stable avec 2,2 milliards de mouvements de passagers dans le monde, à comparer avec 2,3 milliards pour le transport aérien. Pour le transport par rouliers, le trafic transmanche aspire 95 % du fret et le port de Calais est le second en Europe. Ici, les conséquences du Brexit sont encore incertaines. Le secteur de la croisière maritime demeure actif en France ; avec 600 000 passagers c’est le 4e en Europe avec une croissance doublée depuis 2009. La Compagnie du Ponant, spécialisée dans la croisière de luxe, est le principal armateur français. Fondée en 1987, la compagnie est la référence en matière de croisières polaires. Son chiffre d’affaires est aujourd’hui de plus de 91 millions d’euros.

Dans ce marché international ouvert la marine marchande française maintient et développe sa compétitivité. Ses navires sont plus sûrs, plus propres et plus économes en énergie que ceux de beaucoup de ses concurrents car sa flotte est très moderne avec 8,1 ans en moyenne contre 16 pour la flotte mondiale. Ses marins reçoivent une formation de haut niveau, adaptée aux attentes des armateurs. La stratégie d’Armateurs de France, bien appuyée par le rapport parlementaire du député Arnaud Leroy, a fait progresser la compétitivité en matière de prix avec la consolidation de la taxe au tonnage ; en matière de financement avec la Coface inversé, l’exonération des plus-values de cession de navires et l’exonération des charges sociales patronales ; en matière sociale avec la suppression du rôle d’équipage.

La marine marchande française développe par ailleurs le concept nouveau de « flotte stratégique » destinée à répondre aux besoins du ministère de la Défense ; à permettre d’assurer la sécurité et la continuité des approvisionnements de la Nation, notamment en énergie ; à garantir la sécurité des communications et des accès portuaires. C’est un outil politique avec une logique de filière industrielle.

La qualité est au cœur de la stratégie d’Armateurs de France avec des réalisations comme la réduction des émissions dans l’atmosphère et les chantiers de démantèlement ; avec des projets tels que le branchement des navires à quai, la protection des cétacés, l’engagement en faveur du gaz naturel liquéfié. Sur ce dernier point les objectifs sont ambitieux avec une limitation de la teneur en soufre des carburants marins à 0,5 % d’ici 2020, 50 % des émissions de CO² d’ici 2050, augmentation de 30 % de l’efficacité énergétique des navires d’ici 2024. La convention sur les eaux de ballast visant à contrôler la gestion de celles-ci avec l’obligation pour les navires de s’équiper de systèmes spéciaux de traitement est prévue pour entrer en vigueur en septembre 2017.

Armateurs de France souhaite des mesures fortes pour développer l’attraction des ports français avec trois priorités :
1. La desserte et le désenclavement des ports, le développement des modes massifiés et l’organisation des corridors de fret.
2. La consolidation du modèle économique.
3. L’adoption d’une politique industrialo-portuaire.
Les deux mesures à prendre rapidement sont la tarification unique (THC) pour le fluvial et le terminal multimodal du Havre.

L’association œuvre aussi pour développer des mesures efficaces de sûreté et sécurité à bord des navires, en particulier la lutte contre la piraterie et le terrorisme. Elle approuve l’autorisation des gardes privés embarqués sur les navires battant pavillon français depuis le 1er juillet 2014 et la poursuite de l’opération Atalante jusqu’en décembre 2018 afin de renforcer la capacité des Etats contre les actes de piraterie dans la « Corne de l’Afrique ».

M. Banel conclut en définissant une ambition nationale en six points pour développer la flotte et l’emploi maritime :
1. Libérer le marin français.
2. Moderniser le cadre fiscal.
3. Assurer le rayonnement international de la France.
4. Valoriser l’engagement environnemental et social du shipping français.
5. Renforcer la sécurité et la sûreté de nos navires.
6. Promouvoir le made in France maritime.

C&M 2 2016-2017

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