Conférences

Tara Océans, expédition scientifique et maritime

Eric Karsenti
Biologiste et directeur de recherche au CNRS

Le 22-02-2017

La fondation Tara expéditions, créée en 2003 à Paris, gère la goélette Tara, dont elle est propriétaire, avec un budget annuel d’environ deux millions d’euros (dont 600 000 en dotation par la société agnès b. à laquelle s’ajoutent des participations d’autres entreprises privées et publiques) qu’elle utilise pour aider la recherche océanique en particulier par l’organisation d’expéditions scientifiques. De 2006 à 2008 le bâtiment a dérivé durant 500 jours sur la plaque de glace autour du pôle Nord en effectuant des mesures dans l’atmosphère et dans l’eau ; celles-ci ont montré que la glace de l’océan Arctique devenait de plus en plus fine. De 2009 à 2013 l’expédition Tara Océans est une tentative d’étude planétaire du plancton marin. M. Eric Karsenti, biologiste et directeur de recherche au CNRS, ancien directeur scientifique de l’expédition Tara Océans, a bien voulu présenter devant l’Académie quelques résultats de cette recherche.

L’équipe embarquée comprenait des océanographes, des biologistes, des généticiens et des physiciens, ainsi que quelques marins et des journalistes. Au retour de ce parcours de 90 000 milles à travers la Méditerranée, puis les océans Indien, Atlantique et Pacifique, en prélevant plus de 35 000 échantillons sur 250 stations, les premiers résultats de ces observations ont fait l’objet d’une publication dans la revue Science en mai 2015.

Cette expédition a permis de recueillir des données précieuses pour comprendre comment fonctionnent les microorganismes marins et comment ils sont affectés par l’évolution du climat. M. Karsenti rappelle que 98 % de la biomasse océanique est unicellulaire et microscopique. Ces organismes microscopiques (dont l’expédition Tara a reconnu 150 000 genres et dont 11 000 seulement étaient identifiés jusqu’à présent) désignés sous l’appellation générale de « plancton » jouent un rôle non seulement dans la chaine alimentaire, mais aussi dans la production d’oxygène (environ la moitié de l’oxygène présent sur Terre), le stockage du gaz carbonique (en gros la moitié des émissions), ainsi que dans la formation des nuages et les variations des quantités de pluies. L’un des objectifs de l’expédition était d’essayer de mesurer l’importance de ces phénomènes et leur influence sur le réchauffement climatique.

Les observations effectuées montrent que les émissions de gaz à effet de serre provoquent une réaction chimique augmentant l’acidité des océans et perturbant les écosystèmes marins. La concentration accrue de dioxyde de carbone dans l’atmosphère accélère la transformation du CO2 en bicarbonates au contact de l’eau. L’un des objectifs de l’expédition était d’essayer de comprendre la proportion dans laquelle ce phénomène affecte la calcification des micro-organismes marins qui stockent une partie du carbone en tombant au fond des océans.

Au total, grâce à Tara Océans, nous avons des éléments précis, nombreux et concordants permettant de mieux comprendre comment le plancton réagit à l’élévation de la température dans l’atmosphère et dans les océans ainsi qu’à l’accroissement de l’acidité de l’eau de la mer. Au-delà de ces observations, il semble possible d’arriver à construire un modèle de prédiction de l’évolution (et donc de l’éventuel dérèglement) des écosystèmes du plancton.

C&M 2 2016-2017

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