Conférences

Les origines de la protection sociale dans la Marine royale puis nationale

Mme Marie-Laure Goebbels
Juriste, ancienne présidente du Bureau de l’action de l’Etat en mer, secrétaire générale de la Société Française d’Histoire maritime (SFHM)

Le 11-06-2014

Le vice-président Legohérel présente Mme Marie-Laure Goebbels, juriste, ancienne présidente du Bureau de l’action de l’Etat en mer, secrétaire générale de la Société Française d’Histoire maritime (SFHM), auteur d’une thèse remarquée sur « Les origines et les fondements du droit social français dans la Marine de guerre ».

C’est une étude tout à fait neuve, organisée en trois grandes parties : 1. Un recueil de textes afin de préciser l’assise juridique de ce droit ; 2. Le lien entre les modifications de ce droit et l’évolution de la Marine ; 3. L’extension progressive du droit social des gens de mer, élaboré à la fin du XVIIe siècle, aux autres Français, en particulier au siècle dernier avec les grands textes organisant le droit du travail.

L’ordonnance sur la marine publiée en 1681 à l’issue d’un travail d’une dizaine d’années dirigé par Colbert codifie le fonctionnement de la marine de commerce. Il s’appuie sur des textes anciens comme les rôles d’Oléron et la jurisprudence des consulats de la mer, et précise le contenu du contrat d’engagement, la définition de la tâche, le contrat à la part avec une protection sociale a minima, le lien de subordination avec le recours à des peines corporelles (qui sont abolies à la fin du XIXe siècle), les salaires, les assurances, les cas d’avaries.

Cette organisation de droit privé ne peut être utilisée par l’Etat pour développer la puissance navale. Il faut parvenir à pérenniser la Marine de guerre, dont le recrutement repose sur le volontariat et surtout sur la « presse », c’est-à-dire la contrainte. A partir de 1668 les gens de mer sont recensés et répartis par « classes » appelées à servir par roulement dans la Marine tous les trois ans, c’est-à-dire une année pour le roi (moins fréquemment en pratique), une année à la pêche et une année au commerce. Ici la contrainte est extrêmement forte avec la peine de mort ou les galères à perpétuité pour les déserteurs, mais les avantages ne sont pas négligeables car, outre une solde, les gens de mer reçoivent des avantages « sociaux » importants, avec des soins et des indemnités en cas de maladie ou d’accident, une pension pour invalidité avec attribution à la veuve en cas de décès. La caisse des invalides, fondée en 1673, est alimentée par un prélèvement sur les soldes et sur les dépenses générales de la marine (y compris la construction navale).

Cette organisation est maintenue jusqu’à la Révolution et elle est pérennisée par la loi du 3 Brumaire an 4 portant création de l’« inscription maritime ». Celle-ci améliore le montant des pensions, élargit l’accès à la demi-solde et prend davantage en compte la famille du marin (ce qui est présenté comme un « privilège » sans mention du service rendu !). La même tendance se poursuit au XIXe siècle avec une extension des pensions aux ascendants et aux descendants, une amélioration du montant des retraites et une meilleure couverture des risques et accidents maritimes. Toutefois le paiement est menacé car l’Etat fait main basse sur la caisse et l’inscription maritime a du mal à en conserver la maîtrise.

Actuellement un principe de prélèvement et de versement différencié est établi entre la marine militaire et la marine civile. Les marins militaires cotisent à la Caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS) fondée en 1949 ; les marins au commerce, à la pêche et à la culture maritime cotisent à l’Etablissement national des invalides de la marine (ENIM), administration de l’Etat fondée en 1930, devenu organisme de sécurité sociale en 2008.




Discussion : Jean-François Bernicot, administrateur de l’ENIM, signale que le coût de gestion de cet organisme est inférieur de 10 % à celui d’une caisse du régime général de la Sécurité sociale.

Michel Roussel constate qu’avec la protection sociale offerte par l’Inscription maritime l’Etat a été conduit à protéger la marine marchande.

C&M 2013-2014 n° 3

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