Conférences

La Principauté de Monaco et la mer

Bernard Fautrier

Le 19-03-2014

Pour la préparation du voyage d’étude de l’Académie à Monaco, Son Excellence M. Bernard Fautrier, ministre plénipotentiaire, vice-président administrateur de la fondation Prince Albert II de Monaco, a bien voulu nous préciser les liens de la Principauté avec la mer.
Ces liens sont étroits et anciens ; le port est mentionné dès le Ve siècle av. J.-C. dans la Périégèse d’Hécatée de Milet (qui l’évoque sous la forme massaliote de « Monoikos »), puis encore, au premier siècle de notre ère, dans la Géographie de Strabon. Vers l’an 6 av. J.-C. Auguste emporte une victoire sur des populations des Alpes et fait dresser au-dessus du port, sur la Via Augusta, un trophée commémoratif à la frontière entre la Gaule Cisalpine et la Transalpine. Au début de l’ère chrétienne le navire porte le corps de sainte Dévote, martyre corse, qui est enterrée à Monaco. A l’époque médiévale, le site est occupé successivement par les Sarrasins et par les Génois ; ces derniers l’emportent au XIe siècle et font construire une citadelle dans laquelle ils placent une garnison. Chassée de Gênes en 1297 par les partisans de l’Empereur, la famille guelfe des Grimaldi s’établit dans la forteresse et cherche des protecteurs : en 1304, Rainier Ier commande une flotte de Philippe le Bel ; en 1571, Honoré Ier engage trois galères avec la flotte espagnole et combat à Lépante. Finalement, en 1641, par le traité de Péronne, Honoré II place Monaco sous la protection du roi de France ; celui-ci lui reconnaît la possession de Menton et de Roquebrune, acquises dès le XIVe siècle, ainsi que le duché de Valentinois. En 1848, Menton et Roquebrune firent sécession et furent rattachés à la France en 1861 à la suite d’un référendum. Durant toute cette période la principale ressource du port est la pêche et la communauté tire ses ressources du péage de mer sur les navires passant en cabotage.
La voie ferrée arrive à Monaco en 1867 et facilite beaucoup l’accès de la ville dont la population et les ressources augmentent, ce qui rend nécessaire et possible des extensions territoriales. Dans les années 1880 on réalise un premier comblement dans le quartier de Fontvieille afin de recevoir une brasserie, une minoterie et une usine électrique, ainsi que des aires de stockage pour accueillir les réserves de charbon nécessaires pour la production d’énergie. Puis, à l’initiative du prince Albert Ier, l’infrastructure portuaire est améliorée avec la construction de deux jetées symétriques et de deux quais, l’un pour le commerce, au pied du rocher et à proximité de l’usine à gaz, l’autre pour la plaisance et la pêche au voisinage de Monte Carlo. La population et les activités de la Principauté continuent à croître. Aussi, à partir de 1930, l’endiguement de la baie de Fontvieille est-il envisagé. Les travaux de réalisation d’une digue sont entamés en 1965 et se poursuivent avec le comblement sur 22 ha, soit 16 % de la superficie de l’Etat, permettant la construction d’un nouveau quartier. A l’autre extrémité du territoire la voie ferrée est déviée et mise en souterrain, permettant la construction de terre-plein et d’un ensemble balnéaire.
A la fin des années 1980, des études sont engagées afin d’améliorer la protection du port, largement ouvert aux vents d’est. Techniquement, la tâche est difficile, avec des profondeurs à 60 m ; il faut aussi tenir compte de la présence de deux aires marines protégées, la réserve d’herbiers des posidonies du Larvotto à l’est et les coraux des Spélugues à l’ouest. La solution retenue est la réalisation d’une digue flottante, reliée à la terre ferme par une rotule, et complétée par une contre-jetée classique. Ainsi le bassin du port est-il protégé et sa capacité d’accueil est doublée ; la digue reçoit une gare maritime permettant d’accueillir des navires de croisière.
Ces travaux ont permis d’ajouter 52 ha à la Principauté qui en comptait 150. Cependant l’augmentation de la population et des activités se poursuit. Aussi, la création d’un nouveau quartier, toujours gagné sur la mer, est-elle envisagée.

Questions et commentaires

Jean Chapon. – La technique des aménagements est exemplaire : la digue de Fontvieille est construite avec des caissons à moitié vides, ce qui donne une houle laminée, diminuée ; les épis du Larvotto remédient à l’érosion.
Jean Pépin-Lehalleur. – La Principauté est-elle intéressée par les projets d’îles flottantes ? – La Principauté ne s’est pas engagée dans une telle réflexion en raison de la difficulté du raccordement au rivage et de la grande profondeur ; le projet étudié est une implantation devant Fontvieille.
Thierry d’Arbonneau. – Quels sont les axes de l’intervention de la Principauté sur les océans ? Quelles sont ses relations avec les océans ? Monaco milite pour obtenir un statut juridique de la haute mer et souhaite l’ouverture officielle de négociations en 2015 ; la principale difficulté est l’attitude hostile du gouvernement des Etats-Unis, toutefois il semble évoluer vers une neutralité, et la Russie pourrait en faire autant.
Jacques Dhelemmes. – Serait-il possible de combler le port d’Hercule, puis de créer un autre port de plaisance ? – Des projets existent, mais leur fort impact en matière d’environnement empêche de les prendre en considération.
Alain Kremer. – Le risque sismique existe-t-il à Monaco ? – Oui, il existe. Les règles de la construction parasismique sont appliquées pour les constructions terrestres. Pour les ouvrages maritimes le risque est hasardeux ; le plus important, semble-t-il, est le cisaillement des pieux des remblais classiques, selon le mode de construction utilisé à Fontvieille.

C&M 2013-2014 n° 2

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