Conférences

La Hague

Didier Decoin
Membre de la section Histoire, lettres et arts

Le 29-05-2013

Pour préparer le voyage de l’Académie dans le Cotentin notre confrère Didier Decoin, secrétaire général de l’Académie Goncourt, président de l’association Ecrivains de marine, a bien voulu faire une communication sur le cap de La Hague, région à laquelle il a consacré, entre autres, un « beau livre » et le roman Avec vue sur la Mer. Il se présente en « amoureux » de cette parcelle de terre ourlée d’un ruban de mer, une presqu’île à l’extrémité d’une péninsule, avec des roches parmi les plus anciennes de l’Europe (deux milliards d’années).

Le mot hague désigne, en dialecte normand, des champs limités par un talus, un retranchement, offrant une défense. Le monument préhistorique du Hague-Dick, construit vers l’an 1000 av. J.-C., qui barre la presqu’île d’ouest en est, servait de protection pour les habitants de la pointe contre les attaques venant du continent, et a été utilisé jusqu’à l’arrivée des Vikings. A défaut de vestiges archéologiques beaucoup de noms de lieux attestent une colonisation par des populations venues du nord de la Germanie. On a longtemps parlé des Vikings, mais récemment on envisage aussi l’arrivée de Saxons. Dans les deux cas il paraît que l’apport de population durant l’ère chrétienne vient de la mer et non de la terre.

Cette région offre des paysages remarquables de landes formées de fougères, bruyères, genêts, ajoncs. Ils ont inspiré Barbey d’Aurevilly et Jacques Prévert (inhumé dans la région, à Omonville, avec un monument remarquable consistant en une grosse roche dressée). Pour celui-ci, on se souvient de son poème, « Le gardien de phare qui aimait trop les oiseaux ». Plusieurs films y ont été tournés. Le peintre Jean-François Millet, né dans cette région, s’en est inspiré dans plusieurs de ses toiles, ainsi les falaises de Gréville, le prieuré de Vauville, le hameau de Gruchy, l’église de Jobourg.

Les Haguais ont la réputation d’être des « naufrageurs », mais il n’y a aucune preuve à l’appui de cette accusation et la réalité est tout autre. La région, proche des îles Anglo-Normandes, est dans une situation idéale pour faire de la contrebande ; aux XVIIe et XVIIIe siècles on fraudait sur le tabac et l’alcool, maintenant c’est la drogue ! Il n’en demeure pas moins que le raz Blanchard, avec ses courants violents, est dangereux pour la navigation et que de nombreux naufrages s’y sont produits (ainsi celui du sous-marin Vendémiaire en juin 1912). Le phare de Goury et un canot de la SNSM assurent une certaine sécurité.

Qu’est-ce-que La Hague aujourd’hui ? L’implantation de l’usine de retraitement nucléaire a modifié l’économie de la région. Elle a offert des emplois (après la fermeture de la mine de fer de Flamanville-Diélette en 1962) et permis un apport de population alors que le nombre des habitants était en diminution. La présence du socle géologique ancien et stable, donc à l’abri des tremblements de terre, et la présence de courants marins et vents forts, propices à l’évacuation et à la dispersion des effluents en cas d’accident, justifient aussi l’installation d’une centrale électronucléaire à Flamanville. Au moment de la construction de l’usine de retraitement, des parties importantes des côtes ont fait l’objet de classement interdisant ou réduisant les possibilités de construction. Devenus propriété du Conservatoire du littoral (pour moitié d’entre eux) et classés « Grand site national », les littoraux conservent leurs caractères.

C&M 2012-2013 n° 3

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